Me voici de retour. Un revenant, en somme. Ça tombe bien car je vais vous parler de quelqu'un qui a écrit un livre en rapport avec Guémené, mais qui, du côté de Nantes, il y a une centaine d'années, s'est aussi beaucoup intéressé à l'au-delà, les esprits, les tables qui tournent...
Il s'agit d'une femme, Marie Orieux ou encore Madame Alexandre Moreau.
Notre nouvelle héroïne est née le 12 novembre 1854 à Paimboeuf et décédée le 16 septembre 1928 à Die. Mais elle est enterrée à Nantes, cimetière de la Miséricorde le 21 septembre suivant, ville dans laquelle son activité s'est déployée.
C'est la fille à Eugène (Orieux), "Fonctionnaire, poète, historien, journaliste", à vrai dire agent-voyer du département de Loire-Inférieure et correspondant prolixe de la Société Académique de Nantes, celle-là même qui honorera sa fille en 1885, on verra pour quoi ultérieurement.
Sa mère, Louise Méhard, est née à Redon. Elle épousera Alexandre Moreau, agent-voyer d'arrondissement, comme Papa Orieux.
Marie Orieux fut une femme d'influence au tournant des XIXe et XXe siècle, dans la cité nantaise.
En effet, cette ville, comme bien d'autres à cette époque, s'emballe alors pour le spiritisme.
On y publie par exemple le journal L'Anti-matérialiste (de 1882 à 1884), puis La Religion laïque, "organe de régénération sociale, d'études religieuses, philosophiques, psychologiques et sociales". C'est dire.
Une société d'études spiritualistes se fonde en 1902 suite à la causerie du spirite Léon Denis dans la salle des sociétés savantes du quai de la Fosse, rebaptisée "temple" pour l'occasion.
Et voilà-t-il pas que la vice-présidente de l'Union spiritualiste nantaise est Marie Orieux, Madame Alexandre Moreau à la ville, fille d'Eugène !
Elle se transforme en égérie du mouvement spiritiste local, s'enflamme pour le sujet et publie une oeuvre immortelle - pour sûr : Lumière et vérité du spiritisme.
Cet ouvrage dénonce, dit-on, le matérialisme et, allez savoir pourquoi, le sectarisme ; il évoque en particulier la pluralité des mondes, traite des démons, des fluides invisibles, de "l'extériorisation des âmes au sortir des corps vivants", des esprits frappeurs, des guéridons qui se soulèvent et flottent dans l'espace, du spiritisme selon l'Évangile et les Pères de l'Église.
Bref, ça fume dur.
Cerise sur le gâteau, rose sur le cercueil, elle confie avoir interrogé l'esprit de son père, un pauvre incrédule, un mécréant qui ne mériterait que le silence. Mais voilà : l'esprit paternel répond !
Et il dit quoi, l'esprit de papa, hein, il dit quoi ?
Eh bien que "les hommes savent rarement ce qui leur convient : la mort leur dévoile la vérité". Tu l'as dit, papa !
Mais avant de vaticiner dans les nuages, de livrer son oeuvre sublime et éthérée sur les esprits aux lecteurs embrumés de son époque, la petite mère a écrit un autre ouvrage et c'est ce qui va nous occuper désormais.
"Primevère" est une nouvelle publiée en 1886 à Nantes, chez Madame Veuve Camille Mélinet, imprimeur 5, Place du Pilori. La nouvelle compte une centaine de pages au format 19 cm x 11,5 cm.
Cet ouvrage, modeste par la taille, est grand puisqu'il parle de Guémené, bien sûr, mais surtout parce qu'il a été honoré d'une médaille d'or au concours de la Société Académique de Nantes le 15 novembre 1885. Cette société "savante" encourage les sciences et les arts. Alors...
"Primevère" raconte l'histoire de Rita Darmor, une jeune orpheline (comme il se doit) italienne (c'est plus piquant), fille d'un peintre breton et d'une beauté transalpine.
Seule, triste, l'héroïne se réfugie en France, chez sa tante paternelle - une bien bonne personne, bien religieuse et tout - qui vit dans le bourg de Guémené-Penfao avec son fils André, jeune médecin, et une servante. La tante a pour ami un vieux médecin du bourg, apparemment seul avec une fille, Marguerite.
Evidemment, André va tomber amoureux de Rita. Mais alors qu'il vient de lui déclarer sa flamme, il apprend de la bouche de sa dulcinée qu'elle a épousé un jeune comte français, en Italie, peu de temps avant la mort de sa mère. Et qu'elle n'est donc pas libre.
"Pas de pb, dit l'André dont l'amour s'éteint comme chandelle dans un courant d'air, restons ami, la fille".
Mais voilà, la mère du jeune noble mari de Rita, hautaine vilaine qui fait peur à son fils, dont le petit doigt lui a dit que son comte de fils a fait une connerie au pays des macaronis, le rappelle à Paris.
Le fils disparaît donc de la vie de son épousée, le temps d'affronter la douairière et maternelle dragonne.
Tout va mal.
Enfin, à Guémené on essaye de survivre malgré les malheurs... Au passage, on découvre que la jeune Rita a en sa possession un testament d'une amie vieille américaine rencontrée au pays de Dante qui, ayant perdu son fils et unique héritier, lui lègue ses deux millions de dollars. Pas moins.
Encore faut-il qu'elle meure, ce qui finira bien par arriver, rassurez-vous.
Puis, on se promène avec Marguerite dans la vallée de Lizien. Ça vous dit bien sûr quelque chose puisque vous êtes de Guémené ! L'hippodrome, le Don paisible, et tout et tout...
Mais vous allez en apprendre une bien bonne : y a une légende ! Oui, madame, une légende de korrigans et de fées : la légende du Four aux Fées...
De quoi, de qu'est-ce...?
Les vieilles personnes racontent qu'au temps jadis une fée aima un gent seigneur du château voisin de Kergoat (en fait celui de Juzet, bien entendu, mais nous sommes dans une fiction littéraire : c'est pour ça...).
Comme une fée c'est futée, surtout une fée amoureuse, celle-là décide d'aller habiter la vallée de Lizien pour voir plus souvent son damoiseau qui chasse par là sangliers et chevreuils, avec grand équipage.
La nuit, la lutine (féminin de lutin), qui hélas se languit de son doux seigneur, pétrit du pain blanc pour passer le temps. Les korrigans, qui sont des bêtes bien serviables, le font cuire dans une grotte au flanc des coteaux de Lizien - le fameux Four des fées -, et la fée en régale les manants du coin qui n'en demandaient pas tant.
Pas de bol pour la fée : cet antique et preux Kergoat n'aimait que le "cochon" et pas les filles (ni les garçons, d'ailleurs). Et donc la fée en fut pour ses frais et rentra chez elle.
Toutefois, on dit qu'elle revient parfois pour annoncer un grand événement au château. Et ça rate pas, voilà-t-il pas qu'on vient de la revoir toute de blanc vêtue, du côté de la fameuse grotte.
On apprend par ailleurs que cette tête de linotte de Rita a paumé le testament de la vieille amerloque ! Consternation !
Sur ces entrefaites, la bonne marquise de Kergoat invite la famille à une chasse dans la forêt du Gâvre à laquelle des parents et des amis seront conviés.
Cela va sans dire, parmi les invités figure le mari secret de la belle italienne de Guémené. Retrouvailles émues, serments renouvelés,...
Et figure aussi une fille de la marquise, la grosse Gertrude (sous le poids de laquelle ploie le pauvre haquenée avec qui elle suit la chasse) qui ne peut pas piffer la belle Rita et lui envoie piques et vannes.
A la soirée au Château, après la chasse, ça continue. La dondon Gertrude, jalouse du succès mondain de la belle étrangère, allume la Rita. A la fin, le pleutre cousin, mari de la belle, sort de ses gonds et de sa clandestinité maritale et défonce la Gertrude.
Ayant révélé ainsi à l'assistance son amoureux secret, il n'a désormais plus le choix : le fils comtal va affronter sa mère et lui avouer son mariage caché avec Rita, cette pauvre métèque sans quartiers de noblesse et sans fortune.
Pendant que le jeune comte mari part à l'assaut de sa daronne, la fée apparaît encore près de la grotte sur les coteaux de Lizien ! Mince, il s'en passe décidément des choses !
Et puis, bien sûr, on retrouve le testament. Tout s'explique ! la Rita est somnambule ! Et c'est elle qui, sans le savoir, a planqué le testament, puis l'a récupéré dans la grotte de la légende ! D'où les apparitions de la pseudo fée. Énorme !
Et puis la mère du comte pardonne à son grand benêt de fils, qui se met à genou d'émotion et de piété filiale... Embrassons-nous, Folleville !
Et puis la vieille amerloque aux dollars casse sa pipe !
Et puis la pauvre italienne orpheline devient donc une comtesse pleine aux as !
Et puis André épouse Marguerite !
Et puis les deux couples partent en voyage de noces en Italie ! Il va s'en passer des choses !
Ah, c'est beau....arrêtons-nous là....
"Primevère" est une nouvelle publiée en 1886 à Nantes, chez Madame Veuve Camille Mélinet, imprimeur 5, Place du Pilori. La nouvelle compte une centaine de pages au format 19 cm x 11,5 cm.
Cet ouvrage, modeste par la taille, est grand puisqu'il parle de Guémené, bien sûr, mais surtout parce qu'il a été honoré d'une médaille d'or au concours de la Société Académique de Nantes le 15 novembre 1885. Cette société "savante" encourage les sciences et les arts. Alors...
"Primevère" raconte l'histoire de Rita Darmor, une jeune orpheline (comme il se doit) italienne (c'est plus piquant), fille d'un peintre breton et d'une beauté transalpine.
Seule, triste, l'héroïne se réfugie en France, chez sa tante paternelle - une bien bonne personne, bien religieuse et tout - qui vit dans le bourg de Guémené-Penfao avec son fils André, jeune médecin, et une servante. La tante a pour ami un vieux médecin du bourg, apparemment seul avec une fille, Marguerite.
Evidemment, André va tomber amoureux de Rita. Mais alors qu'il vient de lui déclarer sa flamme, il apprend de la bouche de sa dulcinée qu'elle a épousé un jeune comte français, en Italie, peu de temps avant la mort de sa mère. Et qu'elle n'est donc pas libre.
"Pas de pb, dit l'André dont l'amour s'éteint comme chandelle dans un courant d'air, restons ami, la fille".
Mais voilà, la mère du jeune noble mari de Rita, hautaine vilaine qui fait peur à son fils, dont le petit doigt lui a dit que son comte de fils a fait une connerie au pays des macaronis, le rappelle à Paris.
Le fils disparaît donc de la vie de son épousée, le temps d'affronter la douairière et maternelle dragonne.
Tout va mal.
Enfin, à Guémené on essaye de survivre malgré les malheurs... Au passage, on découvre que la jeune Rita a en sa possession un testament d'une amie vieille américaine rencontrée au pays de Dante qui, ayant perdu son fils et unique héritier, lui lègue ses deux millions de dollars. Pas moins.
Encore faut-il qu'elle meure, ce qui finira bien par arriver, rassurez-vous.
Puis, on se promène avec Marguerite dans la vallée de Lizien. Ça vous dit bien sûr quelque chose puisque vous êtes de Guémené ! L'hippodrome, le Don paisible, et tout et tout...
Mais vous allez en apprendre une bien bonne : y a une légende ! Oui, madame, une légende de korrigans et de fées : la légende du Four aux Fées...
De quoi, de qu'est-ce...?
Les vieilles personnes racontent qu'au temps jadis une fée aima un gent seigneur du château voisin de Kergoat (en fait celui de Juzet, bien entendu, mais nous sommes dans une fiction littéraire : c'est pour ça...).
Comme une fée c'est futée, surtout une fée amoureuse, celle-là décide d'aller habiter la vallée de Lizien pour voir plus souvent son damoiseau qui chasse par là sangliers et chevreuils, avec grand équipage.
La nuit, la lutine (féminin de lutin), qui hélas se languit de son doux seigneur, pétrit du pain blanc pour passer le temps. Les korrigans, qui sont des bêtes bien serviables, le font cuire dans une grotte au flanc des coteaux de Lizien - le fameux Four des fées -, et la fée en régale les manants du coin qui n'en demandaient pas tant.
Pas de bol pour la fée : cet antique et preux Kergoat n'aimait que le "cochon" et pas les filles (ni les garçons, d'ailleurs). Et donc la fée en fut pour ses frais et rentra chez elle.
Toutefois, on dit qu'elle revient parfois pour annoncer un grand événement au château. Et ça rate pas, voilà-t-il pas qu'on vient de la revoir toute de blanc vêtue, du côté de la fameuse grotte.
On apprend par ailleurs que cette tête de linotte de Rita a paumé le testament de la vieille amerloque ! Consternation !
Sur ces entrefaites, la bonne marquise de Kergoat invite la famille à une chasse dans la forêt du Gâvre à laquelle des parents et des amis seront conviés.
Cela va sans dire, parmi les invités figure le mari secret de la belle italienne de Guémené. Retrouvailles émues, serments renouvelés,...
Et figure aussi une fille de la marquise, la grosse Gertrude (sous le poids de laquelle ploie le pauvre haquenée avec qui elle suit la chasse) qui ne peut pas piffer la belle Rita et lui envoie piques et vannes.
A la soirée au Château, après la chasse, ça continue. La dondon Gertrude, jalouse du succès mondain de la belle étrangère, allume la Rita. A la fin, le pleutre cousin, mari de la belle, sort de ses gonds et de sa clandestinité maritale et défonce la Gertrude.
Ayant révélé ainsi à l'assistance son amoureux secret, il n'a désormais plus le choix : le fils comtal va affronter sa mère et lui avouer son mariage caché avec Rita, cette pauvre métèque sans quartiers de noblesse et sans fortune.
Pendant que le jeune comte mari part à l'assaut de sa daronne, la fée apparaît encore près de la grotte sur les coteaux de Lizien ! Mince, il s'en passe décidément des choses !
Et puis, bien sûr, on retrouve le testament. Tout s'explique ! la Rita est somnambule ! Et c'est elle qui, sans le savoir, a planqué le testament, puis l'a récupéré dans la grotte de la légende ! D'où les apparitions de la pseudo fée. Énorme !
Et puis la mère du comte pardonne à son grand benêt de fils, qui se met à genou d'émotion et de piété filiale... Embrassons-nous, Folleville !
Et puis la vieille amerloque aux dollars casse sa pipe !
Et puis la pauvre italienne orpheline devient donc une comtesse pleine aux as !
Et puis André épouse Marguerite !
Et puis les deux couples partent en voyage de noces en Italie ! Il va s'en passer des choses !
Ah, c'est beau....arrêtons-nous là....