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lundi 28 mai 2012

Cinéma parlant : parlons cinéma


Ah, comme le cinéma peut faire parler !


J'ai reçu un cadeau : c'est ainsi que j'appellerais les informations passionnantes que les uns et les autres, amis Guémenois, vous voulez bien me transmettre.
Réagissant à un post où j'évoquais une séance de cinéma parlant à Guémené, un lecteur m'a donné un éclairage sur les débuts du spectacle cinématographique "doué du langage" dans la commune, que je tiens à vous soumettre.

Ainsi, voici ce que P. L. (encore une personne discrète, qu'on ne peut que remercier sans la nommer), demeurant non loin de ce qui fut l'ancêtre du Cinéma St-Michel, m'écrit :

"...Ce cinéma était situé en lieu et place du petit garage à la sortie de Guémené, à droite , sur la route de REDON (Garage CORDELET que vous avez sans doute connu). A l'époque c'était une baraque en planches et il paraît même qu'il servait de salle de danse, parfois..."


Ce contributeur tient son information d'un témoin direct aujourd'hui décédé. Mais vous aussi, si vous avez vu des films ou dansé dans ce local, faites-le moi savoir, racontez-le nous.


Ma mère - 91 ans, née à L'Epinay - se rappelle pour sa part que, dans sa petite enfance (à la fin des années 20 par conséquent), un Gitan circulait avec une roulotte et proposait dans les villages des séances de cinéma. A L'Epinay, il s'installait dans une local non loin de sa maison. On l'appelait Frédéric, dit-elle.


Quelqu'un se souvient-il de Frédéric le Gitan cinéphile et des films qu'il passait à Guémené vers 1930 ?

dimanche 27 mai 2012

Parlons "Chapelles"

Voici un petit sujet sur 7 chapelles qui ornent le patrimoine guémenéen. Certaines sont plus connues ou plus fréquentées que d'autres ; certaines sont très privées, mais d'autres ont tenu une place importante pour les habitants de leur alentour ; certaines sont sur les cartes postales, mais la plupart sont ignorées.


- Chapelle du Brossay, au nord de Guémené, située près du château du même nom. Elle a été construite, dans sa version actuelle, en 1836 dans le style néo-classique. C'est un lieu de sépulture.


- Chapelle de Tréguel, près du château également. Chapelle domestique du manoir, on s'y mariait au XVIIe siècle entre gens de bonne compagnie. Peu de chance que ce soit encore le même bâtiment, toutefois (2 photos ci-après).








- Chapelle du Sacré-Cœur de la Vielle Cour. Près de la vielle maison noble du même nom. Cette chapelle est déjà mentionnée en 1658. Tombée en ruine, elle fut restaurée après 1914 (2 photos ci-après) . C'était un lieu de mariages et une messe hebdomadaire y était célébrée avant la Révolution.. Une messe y était dite encore lors des Rogations. Ces fêtes, dont le nom vient d'un verbe latin signifiant "demander", ont pris la succession d'une fête romaine de protection des cultures vers l'an 500 de notre ère. Elles donnaient lieu à des processions à travers la campagne, d'où les croix au bord des chemins que l'on rencontre un peu partout.






- Chapelle St-Georges de Penfao (photo ci-dessous). Inscrite à l'inventaire des Monuments Historique depuis 2004, il s'agit d'une chapelle "frairiale" et "priorale" (bigre !). En clair, les habitants des villages environnants (la frairie de Penfao, comprenant les villages de Mézillac, Ligançon, Saint-Georges, Le Pont Bernard, Le Verger, Breizbihan, Claye, Trineuc et Guénouvry) s'y mariaient et s'y faisaient enterrer. Un prieuré bénédictin (c'est-à-dire un monastère) y était attenant. Ce prieuré dépendait de l'abbaye de Paimpont. Près de la chapelle se trouvait le cimetière des moines.




- Chapelle St-Marc de Juzet (photo ci-dessous). Il s'agit également d'une chapelle "frairiale", donc ont y célébrait des évènements de la vie (mariages, enterrements) pour les habitants du coin. La commune de Guémené en devint propriétaire en 1793. Elle lui fut rachetée en 1926 par la famille du Halgouët qui, alors qu'elle était en ruine, la restaura.






- Chapelle St-Yves, sur la route de Massérac, après Friguel. Elle date des XIIIe et XVe siècle. C'était un chapelle seigneuriale placée sous la protection des seigneurs de Montnoël qui s'y faisait enterrer (c'était donc leur "enfeu"). Elle fut d'abord dédiée à St-Julien l'Hospitalier. Une ancienne dalle tumulaire (pierre tombale) datée du XVe siècle et provenant de cette chapelle se trouve rue du Grand Moulin : elle est en granit et le gisant est gravé en creux, les mains jointes. Autour de la pierre une épitaphe en lettres gothiques presque illisibles, il s'agit vraisemblablement d'un seigneur de Montnoël du XIVème siècle.

La dédication de cette chapelle à St-Yves serait liée à la famille de Bruc qui donna un évêque, Alain de Bruc. Cet Alain fut en effet évêque de Tréguier où il appela St-Yves : voilà  peut-être le rapport... Une messe était célébrée lors des Rogations pour la frairie du coin, à savoir celle de Pussac. Par ailleurs, quand un habitant de cette frairie n'était pas trop bien, on y disait un chapelet à son intention...


- Chapelle privée du Château de Bruc. La chapelle est un petit édifice surmonté d'un clocher en ardoises en forme de dôme hexagonal sur le faîte du toit. Il semblerait qu'une chapelle neuve ait été bâtie dans les années 1990, dans le respect du style du XVIIe siècle. Cette nouvelle chapelle a un clocher-mur (2 photos ci-après).








- Une référence sur le net : le site "des clochers de la France" dont sont issues les photos.


http://lafrancedesclochers.xooit.com/index.php


Bon voilà. Il y aurait sans doute encore à dire, écrire et montrer. Bienvenus, amis contributeurs.


samedi 19 mai 2012

Madame Masclaux, institutrice et modèle

Dans un post récent consacré au Monument aux Morts de Guémené, je terminais en signalant que, selon une de mes aimables informatrices (Jeanine H.), la statue de femme éplorée qui le domine avait eu un modèle en la personne d'une femme de notre commune. Selon mon interlocutrice, il s'agissait de Madame Eugénie Masclaux.




Eugénie Masclaux était, dans les année 30, institutrice puis, semble-t-il, directrice de l'école publique de filles de Guémené, située sur La Butte.


Avant d'être Madame Masclaux, Eugénie était née Testaud, à Guémené, le 31 août 1882. Elle était la fille de Frédéric Testaud et Jeanne Lefeuvre installés au bourg de Guémené et jardiniers de leur état. Ces derniers étaient originaires de Varades, une bourgade à mi chemin de Nantes et Angers, où ils s'étaient mariés en 1873.


Eugénie était la seconde d'une fratrie de trois enfants. Elle avait épousé en premières noces Victor Leroux, un instituteur également, né en 1880 et fils de journaliers illettrés de Guémené. Celui -ci mourut le 4 mai 1922. Eugénie avait 40 ans et deux filles adolescentes.


Elle devint Madame Masclaux en se remariant le 25 septembre 1925, à Paris à la mairie du XVIIIème arrondissement, avec Jacques Masclaux, fils de cultivateurs de Coucouron, en Ardèche.


Eugénie Masclaux mourut à Nantes, le 14 septembre 1961.


Ma mère, qui - enfant - demeurait à l'Epinay, allait à l'école Sainte-Marie, 4 km plus loin, sur la route du Grand-Fougeray. Elle croisait Madame Masclaux sur la place de l'Eglise quand, venant de sa maison située au bout de la rue de la Chevauchardais vers le cimetière, cette dernière se rendait sur la Butte à l'école de filles.


Quatre-vingts ans après, elle se rappelle encore les regards hostiles qui s'échangeaient devant l'Eglise, entre la hussarde (noires ?) de la République et elle, l'élève des curés.

dimanche 13 mai 2012

Un jour de kermesse à Guémené Penfao



La kermesse à Guémené...les chars....J'ai le souvenir d'avoir participé à la décoration d'un char, il y a bien longtemps. Nous nous réunissions, avec ma grand-mère Gustine et ma tante Madeleine, le soir, à la ferme du Pic-Vert, près de La Hyonnais, et l'on y confectionnait des guirlandes de papier de couleur. Je me rappelle un vert...On pliait perpendiculairement deux bandes de papier l'une sur l'autre. Bien vite l'ennui de ce travail devait nous gagner, nous les plus jeunes, et nous nous réfugiions dans le grenier avec les enfants de la ferme.


Le thème du char était "le Rouet". Cela ne me paraissait pas très excitant mais sans doute cela évoquait-il quelque "bon vieux temps"- pas si éloigné finalement -, à bien des gens. Nous devions participer et donc paraître sur le char lors du défilé : ce dut être le cas, mais je n'en garde pas le souvenir.




La tradition de la kermesse à Guémené n'est pas récente et je vous propose à présent la transcription que donne l'Ouest-Éclair de celle de 1937 :

APRES LA KERMESSE -


Dimanche 18 juillet avait lieu la kermesse au profit des écoles libres.


Dès le matin, il y eut de nombreux acheteurs et visiteurs aux comptoirs de toutes sortes qui avait été installés dans la cour de l'école St-Michel.


A 13 heures, eut lieu à travers les rues de la ville le défilé qui représentait plusieurs époques de l'Histoire de France. D'abord, la Société l’Étendard et sa Clique avec son drapeau ; ensuite, Druides et Druidesses, Korrigans, le char de Vercingétorix et César, soldats romains et gaulois, Sainte Geneviève, Clovis sur un pavois, Saint Louis rendant la justice sur son char, grenadiers, cantinières, Napoléon sur son char, et pour terminer, des groupes d'enfants costumés suivis d'un char tricolore.


Au retour, M. le Curé accrocha au drapeau de l’Étendard et sa clique, les médailles gagnées aux concours de Ligné et de Paris, puis une séance de mouvements d'ensemble fut donnée par les adultes et les pupilles.


Les comptoirs et les jeux furent pris d'assaut, tels la course des escargots, les canards soufflés, la fée Carabosse, le lapinodrome, etc...


Une séance théâtrale fut donnée dans la salle du patronage par les jeunes filles et les enfants devant une salle comble.


Et pour finir la soirée, un banquet fut servi à une centaine de convives et fut très apprécié.



Voici ci-dessous deux photos que je dois à l'amitié de A. P., discret et sympathique guémenois à qui je dois de précieuses informations.


La première a été prise dans la cour précisément de l'école St-Michel le 21 juin 1936. C'est la fameuse "clique de l’Étendard". Gageons que bien des figurants de cette photo étaient présents lors de la kermesse de 1937 évoquée par Ouest-Éclair. Au passage, j'ai déjà quelques noms, mais si vous reconnaissez quelqu'un, n'hésitez pas à me le faire savoir.




La seconde n'est pas datée mais appartient à l'évidence à la même période. On ne peut pas dire que la foule soit dense...Je suis preneur là-aussi de toute information (ou de tout document).




Pour revenir à la kermesse de 1937, je serais très curieux d'en savoir plus sur les jeux proposés, en particulier les "canards soufflés" et le "lapinodrome". Guémenois, Guémenoises, renseignez-moi s'il vous plait !

samedi 12 mai 2012

L'architecte du Château de Juzet



Quoi de plus connu, à Guémené et dans les environs, que le château de Juzet ? C'est LA carte postale de Guémené, en concurrence, à la rigueur, avec la monstrueuse église qui plastronne au bas du "Boulevard" (de Courcelles).

On en trouve donc de nombreuses représentations plus ou moins récentes. Et quand on cherche à en savoir plus, on se contente en général d'une indication selon laquelle cet édifice de la famille Poulpiquet du Halgouët, cet ornement de la Vallée du Don, cet étrange "gâteau sucré" de l'architecture XIXème, a été construit en 1854, à la place d'un ancien manoir.

Sait-on quel en est l'architecte ? Non ? Eh bien si : il s'agit d'un certain Jacques Mellet , et je vais vous livrer ci-dessous quelques éléments autour de sa vie et de ses oeuvres.

Jacques Mellet, sa vie

On ne peut pas dire que la vie de Jacques Mellet soit particulièrement détaillée dans les sources usuelles que j'utilise (Internet). Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir vécu assez longtemps, ni faute d'avoir laissé des "traces" (je parle de Jacques Mellet, pas de moi...).

Il est né le 7 septembre 1807 à Vitré. Son père, prénommé Jacques et vitréen également, a 47 ans à sa naissance et demeure Place aux Bestiaux (!). La maman, Jeanne, est originaire de Laval.

On ne sait par quelle inspiration, mais le frère du jeune Jacques sera architecte et son fils aussi. On les retrouvera quelques fois associés à quelque méfait monumental.

Jacques Mellet a cessé de hanter ce monde le 31 mai 1876, à Rennes, où il demeurait 8 rue St-François (rue Hoche actuelle, près du Parlement de Bretagne).

Si vous souhaitez lui rendre visite, il est enterré au cimetière nord de cette ville, section 10.


Jacques Mellet, ses oeuvres

Et des oeuvres il y en a, essentiellement cantonnées géographiquement à la Bretagne, au sens large, et particulièrement l'Ile-et-Vilaine. Jacques Mellet semble avoir une prédilection pour les églises et les grandes demeures. Voici, sans prétention à la représentativité, quelques exemples de sa production :

- Une demeure de famille à Bruz en 1850 ;

- Le porche et le choeur de l'église de la Chapelle-Erbrée en 1872 ;

- Une église (plans) à La Theil-de-Bretagne en 1875 ;

- Une église à La Mézière en 1871 ;

- Une église à Goven en 1849 - 1855 ;

- Un château à St-Erblon en 1866 et un autre à Iffendic en 1863 ;

- Une chapelle à St Pern avec crypte pour accueillir la dépouille de la fondatrice des Petites Soeurs des Pauvres, Jeanne Jugan ;

- Un château à Cornillé en 1860 ;

J'en passe et pas forcément des meilleurs...

mardi 8 mai 2012

Hommage au dernier garde champêtre


Le 6 mai 2012, il y a deux jours, était le 102ème anniversaire de Marcel Haméon, jadis garde champêtre de Guémené. Le garde champêtre est, à côté du médecin, du maire, du curé, de l'instituteur, une figure d'autorité des communes rurales. Il annonce la LOI. Et Marcel Haméon, je l'ai connu : il appartient au paysage guémenéen et plus particulièrement au mien.

Grâce à la gentillesse d'une des parentes de Marcel Haméon, je suis en mesure de vous proposer un petit document lui rendant hommage, retraçant son parcours personnel et professionnel.


Ce texte est rédigé par Jacky Michel, que je ne connais pas personnellement, mais dont j'ai entendu parler comme d'un guémenéen éminent, soucieux de célébrer le patrimoine humain et culturel de sa ville. Sa maman fait partie également des personnages importants de mon Guémené et je l'ai revue récemment avec plaisir.

Je vous propose ci-dessous cet hommage ainsi que sa reproduction sur laquelle figure la silhouette de notre garde champêtre inoubliable.

Ensuite, j'éclairerai un point particulier et certainement difficile de sa vie : sa captivité en Allemagne.

Dans le texte qui suit, il est dit que Marcel Haméon était "issu d'une famille honorablement connue". Oh combien ! Il était l'un des fils du couple qui prit la succession du Petit Joseph (Joseph Herbert, mort en 1915) à la direction de l'Hôtel des Voyageurs de la place Simon. De nombreuses cartes postales anciennes illustrent cet établissement et représentent ses anciens tenanciers.

Voici le texte et le document :

Le 1er juin 1937, M. Marcel HAMEON, devant le préfet de Loire-Inférieure, M. Fernand LEROY, et M. le Maire de Guémené-Penfao, prête serment et endosse l’uniforme de garde champêtre, et cela jusqu’en 1939, départ pour la guerre.

Le sergent-chef HAMEON retrouve son poste à sa libération en 1945. Il fut prisonnier au stalag Sagan Basse Silésie. Il occupait à cette époque, avec ses parents, quelques pièces au rez-de-chaussée de la Mairie, qui était la conciergerie.

Lorsqu’il épouse une veuve de guerre, Mme RAIMBAULT, mère de deux enfants, il s’installe à l’étage et occupe différentes pièces qui deviennent son appartement.
Ce personnage truculent, haut en couleur, faisait partie du paysage. Il sillonnait le bourg et la campagne sur son vélo.

Les enfants, malgré sa gentillesse, avaient peur de lui. C’était surtout son uniforme qui changeait de couleur suivant les saisons. Il n’avait pas d’égal pour annoncer avec humour et fort roulements de tambour les nouvelles dans le bourg.

Le dimanche, perché sur un des piliers de l’église, l’annonce était pour les gens de la campagne qui sortaient des trois messes.

Cette figure pittoresque de Guémené-Penfao partit en retraite en mai 1970, après plus de 30 ans de bons et loyaux services. Il était né le 6 mai 1910, issu d’une famille honorablement connue de Guémené-Penfao. Il est mort en octobre 1977.

Son souvenir restera encore longtemps dans nos mémoires. La plupart des Guémenéens se souviennent encore de ses frasques et de sa bonhomie.
 Jacky Michel



Et voilà...

Il aura donc passé plus de 5 ans de sa vie en captivité, dans un stalag situé dans l'actuelle Pologne, à 80 km à l'est de la frontière allemande, près de la ville de Sagan.

Sagan (ou Zagan) comprenait deux camps. L'un était réservé aux pilotes d'aviation et fut installé en 1942. Il fut le cadre de l'évasion spectaculaire immortalisée par John Sturges dans le film la Grande Évasion avec Steve McQueen et bien d'autres acteurs. L'autre où fut enfermé Marcel Haméon était le Stalag VIII C.

Ce camp-ci a été établi entre septembre et octobre 1939. Il a occupé jusqu'à 480 000 m2. Il était localisé dans le sud de la ville, à côté de la route qui menait à Ilowa Zagañska (Halbau). Au commencement, il y avait quelques milliers de soldats polonais de la campagne de septembre 1939. En 1940 on les a privés du statut de prisonniers de guerre et on les a transportés en Allemagne pour des travaux forcés. 

On a alors destiné le Stalag VIII C aux Français prisonniers de guerre et un an plus tard leur nombre a passé 45 000. En ce temps-là on a commencé à y enfermer  des Belges, des Anglais, des Italiens, des Américains, des Tchèques, des Grecs, des Hollandais, des Canadiens, des prisonniers de guerre de la Yougoslavie et de l’Union Soviétique. Il y avaient aussi des prisonniers de guerre de l'Algérie, du Maroc, du Sénégal, l’armée française comptant de nombreux soldats originaires des colonies.

Bref, une colonie humaine très éclectique. Ce qui détonne aussi, c'est ce qui suit, pour lequel je renvoie à 3 liens.

Ces trois liens particulièrement intéressants concernant la vie de ce camp et notamment (et si j'ose dire) la "vie culturelle" :

où l'on peut voir 55 photos du camp et de prisonniers ;

avec d'incroyables photos de représentations théâtrales ;

page dédiée aux représentations musicales donnée au camp de Sagan (textes de chansons)



Je me plais à imaginer que Marcel Haméon a pu assister à ces spectacles...



dimanche 6 mai 2012

Jean LUNEAU, instituteur à Guémené sous l’Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet.



J'aime exhumer des figures et tirer un peu de l'oubli, par la magie d'Internet, des personnages qui ont forcément marqué leur temps et leurs concitoyens. Le monde est dans un timbre-poste. Guémené est un timbre-poste. Jean Luneau l'instituteur est une dent du timbre-poste. Et au passage cela permet d'évoquer l'extraordinaire enquête de Guizot en 1833.


La biographie de Jean Luneau


Jean Luneau est le fils d’un meunier, Jean Luneau et de Jeanne Frangeul . Né à Jans le 22 janvier 1767, il mourra au bourg de Guémené le 15 juin 1846 à près de 80 ans.

Il s’est marié à Guémené le 11 novembre 1800, Bonaparte étant Premier Consul, avec Julienne-Mathurine Hervé native de Juzet à Guémené. A ce moment là, Jean Luneau est greffier de la Justice de Paix de Guémené-Penfao. Il sera encore désigné de la sorte lors de la naissance de sa fille à Guémené le 30 novembre 1801.

En revanche, son titre d’instituteur est mentionné au moment de la naissance de son fils Jean Baptiste en octobre 1804 et lors de celle de son second fils Michel Prosper en juillet 1813. Il est toujours en poste – quoique âgé - lors de la grande enquête sur l’enseignement primaire diligentée à l’automne 1833, sous la Monarchie de Juillet.

Il apparaît comme « propriétaire au bourg » au décès de son fils aîné (chapelier à Guémené) en 1840 et à sa mort, 6 ans plus tard.

C’est sans doute l’un des premiers instituteurs de Guémené, sinon le premier.


L’enquête sur l’enseignement primaire à l’automne 1833

Après le vote de la loi de Juin 1833 qui organise pour la première fois l'enseignement primaire en France en obligeant toutes les communes à financer une école, Guizot, ministre de l'Instruction publique au début de la Monarchie de Juillet, lance une vaste enquête pour connaître l'état de cet enseignement.

Ainsi , à l'automne 1833, environ cinq cents inspecteurs visitent toutes les écoles primaires de garçons et les écoles mixtes, dans tous les départements, sauf la Corse. Cette enquête est, en France, sans précédent par son ampleur, sa précision et sa fiabilité. Elle couvre les aspects administratifs, financiers, matériels et pédagogiques des écoles visitées et donne des renseignements sur chaque instituteur.

Une étude antérieure, menée par le Baron Dupin en 1826, avait montré que près de la moitié des communes françaises ne disposaient pas d’une école primaire. 

Ce baron polytechnicien avait dressé une carte de la scolarisation traçant une frontière entre la France au Nord d’une ligne St-Malo - Genève, assez équipée en écoles primaires, et une France au Sud de cette ligne, aux teintes plus sombres, présentant de véritables déserts en matière d’enseignement primaire. La Bretagne et l’Auvergne y apparaissent à cet égard comme de véritable « trous noirs ». La Loire-Inférieure, notre Loire-Atlantique, n’y est pas très claire….



la carte de Dupin. En plus sombre, les régions défavorisées.


L’enquête à Guémené-Penfao

- l’enquêteur :

Le ministre Guizot dépêche des inspecteurs dans tous les arrondissements. A Guémené, c’est un certain Monsieur Gascheau qui officie. Il devait visiter en Loire-Inférieure les écoles des arrondissements de Savenay (dont dépendait Guémené) et de Paimboeuf. Au total, il passa dans 39 communes, visita 43 écoles et consacra à ce travail 26 jours de son temps.

Monsieur Gascheau était professeur au collège royal de Nantes (l’actuel Lycée Clémenceau), longtemps le seul lycée de Nantes et du département de Loire-Inférieure.

- la situation administrative de l’école de Guémené :

L’instituteur n’est pas logé (il habite donc sa propre demeure) et ne dispose d’aucun traitement (les parents d’élèves rémunèrent ses services). Toutefois, une salle est mise à sa disposition pour l’exercice de son office.

L’école est une école de garçons et est payante, quoique 8 élèves soient accueillis gratuitement. Le tarif minimum est de 1 franc 50 centimes par mois. Elle ne reçoit aucun pensionnaire et est de culte catholique.

L’âge moyen d’entrée des élèves est de 6 ans et la durée moyenne des « études » y est de 3 ans. Les effectifs moyens sont de 40 élèves en hiver, mais de seulement 20 en été.

 Ecole Guizot : maquette du musée de Rouen

- l’organisation pédagogique de l’école :

La méthode d’enseignement est la méthode dite simultanée. Cette méthode est née dans les petites classes des collèges du XVIe siècle. Elle consiste à rassembler en un même lieu des enfants de niveau identique. En laissant aux Frères des écoles chrétiennes la responsabilité de l'enseignement primaire, Napoléon Ier participe à la divulgation de ce modèle sur le territoire national. Guizot fait le même choix.

En 1833, le mode simultané déborde très largement l'espace d'influence des Frères des écoles chrétiennes. D’autant plus que, dès la Restauration, l'édition scolaire a fourni de manière bien plus efficace que les procures des Frères les instruments didactiques nécessaires à cet enseignement. Les manuels scolaires, les tableaux muraux, sont maintenant produits par centaines de milliers chez les imprimeurs qui industrialisent leurs techniques.

C’est le mode d’enseignement qui s’imposera sous le second Empire avec des apports de l’enseignement mutuel (présence de grands élèves moniteurs pour faire lire les débutants, démarrage simultané de la lecture et de l’écriture).

D’ailleurs, l’inspecteur Gascheau mentionne dans son rapport que l’école de Guémené ne manque de rien.

Les matières enseignées sont au nombre de 5 : instruction religieuse ; lecture ; écriture ; orthographe ; arithmétique.

Amené à évaluer le fonctionnement de l’école, l’inspecteur y juge favorablement l’ordre et la discipline. Il note mal à l’inverse le travail et juge que l’état de l'enseignement est moyen. De l’aveu même sans doute de l’instituteur Luneau, les élèves font peu de progrès. Enfin, il y a quand même des cahiers qui sont assez bien tenus.

- l’instituteur Luneau :

Agé de 67 ans au moment de cette inspection, marié et père de deux enfants survivants, sans autre profession que celle d’instruire les enfants, il jouit d’une petit aisance. L’inspecteur de Guizot lui trouve des qualités : plutôt de la capacité et de l’aptitude à son métier, du zèle, un homme remplissant bien ses devoirs.

Au demeurant, c’est un homme formé. S’il n’a pas suivi l’école normale, il est titulaire d’un brevet de 2ème degré. L'ordonnance du 29 février 1816 stipule que pour enseigner, les maîtres devront être titulaires d'un brevet de capacité délivré par l'inspecteur d'académie.

Ce brevet comporte trois degrés : 3ème degré: lire, écrire,chiffrer ; 2ème degré: en plus, orthographe, calligraphie, calcul ; 1er degré: en plus, arpentage, arithmétique, grammaire, géographie, « et autres connaissances utiles pour l'enseignement primaire ».

Beaucoup de maîtres sont encore dépourvus de tout brevet en 1833. Le 1er degré est rare, même en ville. Guémené, avec Jean Luneau, ne semble donc pas mal pourvu.

Par ailleurs, il dispose d’une autorisation (obtenue en 1817) et il n’a pas été dispensé de service militaire à l’instar des maîtres qui s’engageaient à enseigner 10 ans.

Enfin, le caractère et le « rayonnement » de l’instituteur sont évalués. Ainsi l'instituteur Luneau n'est pas violent. Il n'a pas de défauts. Il montre une conduite régulière. Quant à son rayonnement : l'instituteur a le respect de ses élèves ; il jouit de l'estime de ses concitoyens et il a des relations honorables.


Le lien dont je me suis servi

Voici le site très sérieux qui délivre tout sur l’enquête Guizot de 1833. Très clair et donc très accessible.


http://www.inrp.fr/she/guizot/cadre_informations.htm


samedi 5 mai 2012

Le monument aux morts de Guémené-Penfao (partie 3)


Voici deux articles extraits de Ouest-Éclair de février 1919, tournant autour de la question du monument aux morts, et un troisième qui relate le rapatriement de cinq corps de soldats en 1921. J'y ajoute ensuite quelques précisions concernant le modèle de la statue dudit monument.

Les deux premiers articles sont intéressants sur le fond mais aussi de façon tout à fait incidente. C'est ce second aspect auquel je souhaite m'attacher présentement.

Le premier article relate une initiative, disons républicaine, visant à commémorer de façon marquante le sacrifice des enfants de Guémené lors du premier conflit mondial. On sent bien derrière la rhétorique du journaliste que la Municipalité désargentée use d'un stratagème idéologique pour obtenir que la population finance le monument. Rien n'est négligé pour ramasser de l'argent jusqu'aux tréfonds des campagnes : les "fonctionnaires" sont dûment missionnés.

Un pataquès se glisse dans le premier article : le mot "pasteurs", qui renvoie plutôt au clergé, est substitué au mot "facteurs", vaillants soldats de la Poste républicaine. Et l'on ne comprend pas vraiment comment ces "pasteurs" peuvent bien être désignés comme des "fonctionnaires" de la République.

Ce lapsus est rattrapé par un second article rapproché, qui rend deux jours plus tard aux "facteurs" le mérite qui leur revient dans cette entreprise. Mais, sans doute par souci d'équilibre politique, ce rectificatif, qui ne s'en donne pas le nom, enchaîne sur une initiative parallèle du clergé précisément, consistant à élever dans l'église un autre monument au Morts ! Bref, c'est la course à l’échalote entre laïcs et cléricaux...

Appréciez...


LE MONUMENT AUX SOLDATS MORTS POUR LA FRANCE 
(Ouest-Éclair, 26 février 1919)

Parmi les questions inscrites à l’ordre du jour de la prochaine délibération du Conseil Municipal, figure un projet d’agrandissement du cimetière devenu insuffisant pour la commune. Les demandes de concessions à long terme, beaucoup plus nombreuses depuis quelques années, font présentement une nécessité de la mesure qui va être prise. Elle s’imposerait du reste pour une autre considération dont il sera fait état au cours de la même séance.

C’est que le terrain dont il s’agit serait consacré aux morts de la grande guerre. On graverait leurs noms sur le marbre d’un cénotaphe, dont la silhouette évocatrice se dressera bientôt au bout de la grande allée du cimetière, et ainsi se rapprocheront de nous les deux cent cinquante sépultures absentes et lointaines de nos héros qui dorment leur dernier sommeil à l’endroit obscur où la mort les a frappés.

Estimant avec raison que cette œuvre de justice devait être l’œuvre et en quelque sorte la propriété de tous, M. le Maire a fait un vibrant appel aux sentiments patriotiques bien connus de notre population, qui fut si admirable par son élan généreux, sa stoïque résignation et sa haute tenue morale, malgré les pertes éprouvées pendant ces quatre ans de guerre : deux cent vingt neuf morts et plus de cinquante disparus.

Sous les hospices de la Municipalité, une souscription a été ouverte en vue de couvrir les frais d’exécution de l’ouvrage. Grâce à l’activité de nos fonctionnaires, et en particulier de nos pasteurs [comprendre : facteurs. Cf. article suivant] , qui se sont fait un pieux devoir de les présenter dans les foyers  les plus éloignés de nos campagnes, ces listes de souscription sont aujourd’hui couvertes de signatures.

La somme obtenue se chiffre déjà à près de 5.000 francs. Plusieurs artistes éminents ont été pressentis : leurs esquisses seront dans quelques jours soumises à nos édiles et à une commission choisie parmi les principaux souscripteurs.

Rappelons à nos concitoyens qui n’auraient  pas encore versé leur cotisation qu’ils peuvent se présenter à la Mairie.

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LE MONUMENT AUX  MORTS POUR LA FRANCE 
Ouest-Éclair, 28 février 1919)

Parmi les dévoués fonctionnaires qui se sont activement occupés de la souscription publique en vue d’élever un monument aux morts pour la patrie, nous n’aurions garde d’oublier les facteurs qui se présentèrent dans tous les foyers de nos campagnes avec un réel dévouement. Le comité d’organisation et la municipalité leur en sont grandement reconnaissants.

Il convient de signaler d’autre part, l’initiative prise par notre clergé paroissial, en vue d’orner l’église d’un monument qui sera également consacré aux soldats morts pour la patrie.


                                     collection Jeanine H.
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Le troisième article évoque le retour de 5 corps de soldats. C'est un article sobre : dans le fond, il n'y a pas grand chose à dire. On sent bien que pour tous : parents de ceux que l'on inhume ce jour-là à Guémené ; parents de tous les autres, bien  plus nombreux dont les pères, frères, fils ne reviendront jamais, ni en vie ni au cimetière ; cousins, voisins, amis, alliés ; que pour tous donc, c'est l'occasion sans doute attendue et probablement unique de faire (un peu) son deuil.


RETOUR DE NOS MORTS
(Ouest-Éclair, 16 juin 1921)

Dimanche dernier avait lieu l’inhumation de cinq des enfants de Guémené morts au Champ d’honneur : le lieutenant Aristide Métayer, les soldats Geffriaud Alexandre, Jambu Isidore, Gauthier Pierre, Boutard Albert.

A la gare, à l’ouverture de wagon, les corps furent salués par le président de la section U.N.C. au nom des Anciens Combattants. Le long cortège s’achemina vers l’église, trop petite pour contenir la majorité des habitants de Guémené.

Au cimetière, le président de la section de l’U.N.C. prononça deux discours émus, l’un devant la tombe du lieutenant Métayer, son camarade d’enfance, l’autre devant le tombeau des soldats Geffriaud, Jambu, Gauthier et Boutard, rappelant à tous la grandeur du sacrifice consenti par ces braves pour la cause sacrée de la défense de la Patrie.


Le lieutenant Aristide Métayer était né en septembre 1890 au bourg, d'un père maçon et d'une mère cultivatrice. Servant au 151ème Régiment d'Infanterie, il a trouvé la mort dans l'Oise, au Fayel, le 16 juin 1918.

Alexandre Geffriaud était né en juin 1896 et trouva la mort en août 1918. Il appartenait au 2ème Régiment d'Infanterie Coloniale.

Isidore Jambu n'était guère plus âgé, étant né en mars 1896. Affecté au 9ème Régiment de Marche de Zouaves, il fut "tué à l'ennemi" fin juillet 1918, dans l'Oise.

Pierre Gauthier était un jeune caporal du 155ème Régiment d'Infanterie décédé en août 1918 âgé de 21 ans, à Hémévilliers, dans l'Oise également.

Quant à Albert Boutard il a disparu à 20 ans, en juin 1915 à Compiègne.



Enfin, je dois à une fière guéménéenne (Jeanine H. : je ne sais si elle serait d'accord pour que je livre son identité) un renseignement sans doute inédit dont je la remercie vivement.

Elle me fait ainsi savoir que la statue qui surplombe le cénotaphe des  morts de Guémené, a eu une femme du cru pour modèle. Il s'agit d'une institutrice - qu'elle a connue - de l'école de jeunes filles de Guémené, qui se nommait Madame Masclaux.


mardi 1 mai 2012

Le monument aux morts de Guémené-Penfao (partie 2)

On connait le détail de la cérémonie d'inauguration du monument aux morts de Guémené, survenue le dimanche 29 avril 1923, par une relation journalistique assez longue, parue dans le numéro 7 878 de Ouest-Eclair (ancêtre de Ouest-France, comme on sait) en date du 30 avril 1923.




Sans doute fut-ce un grand évènement  à Guémené. La relation qu'en donne le journaliste est spectaculaire et pittoresque. C'est une pièce de théâtre dont les "fonctions" et les notabilités sont les personnages, et le peuple de Guémené le spectateur.


En dépit de la gravité de la situation, on sent bien à chaque instant la fête pointer jusqu'à ce qu'elle emporte le morceau par la banquet (le bouquet) final.


Eglise et République, sacré et profane, se tirent la bourre et composent finalement un tableau éclectique et cocasse.


Voici la transcription de l'article :

La ville de Guémené-Penfao inaugurait dimanche le monument élevé à la mémoire de ses morts pour la patrie.

La coquette cité avait revêtu sa tenue des jours de fête. Les rues du bourg étaient décorées de drapeaux et de guirlandes de feuillage d'un très bel effet.


La réception

A l'Hôtel de Ville, à 9 heures, M. Gilles Durand maire, entouré des membres du Conseil municipal, reçoit les invités. Il y a là MM. Aubrée, juge de paix ; Fournis, président de la section des anciens combattants ; Beilier, secrétaire ; Praud, président du Comité des fêtes ; Brachet, secrétaire ; Luzel, receveur des Postes ; Taillandier, secrétaire de la mairie ; les fonctionnaires de la ville, les maires du canton, les notables. Successivement arrivent MM. Bouju, préfet de la Loire-Inférieure ; Graux, sous-préfet de Saint-Nazaire ; Babin-Chevaye, Busson-Billault, Saint-Maur, sénateurs ; Le Cour-Grandmaison, de Dion, de la Ferronays, Ginoux-Défernon, députés ; le capitaine de frégate Ferlicot, le commandant Quintin, représentant le XIè corps d'armée ; Bardoul, Letourneau, conseiller général ; Marie d'Avigneau, représentant l'Union Nationale des combattants ; Fleury, agent-voyer en chef ; du Saint, président de la section des pupilles de la nation ; les représentants de la presse, etc., etc.

Au cours de la réception, M. le Préfet donna l'accolade au jeune Francis Boussard, de Conquereuil, âgé de 11 ans, pupille de la nation, qui a été l'objet d'une citation à l'ordre de la nation, en raison de sa touchante et courageuse conduite : malgré son jeune âge, cet enfant travaille comme un homme et aide sa mère à la direction d'une ferme de neuf hectares. M. le Préfet le félicite avec émotion et lui remet un livret de caisse d'épargne de 300 francs.


A l'église

A l'issue de cette cérémonie, les personnages officiels, précédés de la musique et des sapeurs-pompiers, se rendent à l'église paroissiale où est célébré un service solennel.

M. le curé Arbeille officie, entouré de tout le clergé. La musique municipale, réorganisée, renforcée par des musiciens de Redon et dirigée par M. Benoiston, joue plusieurs morceaux ; un duo de violon et violoncelle par M. et Mme Sébilleau se fait également entendre, ainsi que des choeurs chantés par les enfants des écoles.

La cérémonie religieuse terminée, le cortège se forme et se dirige vers le cimetière, où est édifié le monument aux morts.

En tête marchent les sociétés de gymnastique, suivies des enfants des écoles, sous la conduite de Mmes Gasnault et Rolland, directrices et de MM. Brachet et Chapron, directeurs d'école ; le clergé vient ensuite ; puis la musique, précédant les représentants officiels, les invités, le Conseil municipal et les fonctionnaires ; ensuite viennent les familles des morts, les Vétérans de 1870 et les membres de l'Union nationale des combattants suivis par la foule, nombreuse et recueillie.


Devant le monument

Le monument aux morts est édifié sur l'emplacement du caveau contenant les glorieux restes des combattants, dont il forme le couronnement.

La partie architecturale, dûe à MM. Marcel Lebas et Albert Rivière, architectes, se compose d'un socle rectangulaire en pierre bleue de Bretagne surélevé par deux gradins. L'une des faces du socle porte l'inscription par laquelle la ville de Guémené rend hommage à ses enfants ; sur les trois autres faces sont gravés les noms des 189 morts.

Le groupe sculptural qui surmonte le monument est l'oeuvre de M. Louis Nicot, de Paris, lauréat hors concours au Salon des Artistes Français. Ce groupe, taillé dans un bloc de granit de Kersanton, représente un soldat mort, couché au pied de la statue symbolisant l'image des mères, veuves et familles douloureusement atteintes, sous les traits de la ville de Guémené-Penfao.

Les Sociétés de gymnastique se rangent au pied du mur décoratif, les autorités et le clergé entourent le monument.

Après le De profundis, chanté par le clergé, M. le Curé Arbeille bénit le monument et prononce une vibrante allocution, exaltant les vertus des enfants de Guémené, morts chrétiennement pour la patrie.

Puis, dans un silence émouvant, c'est l'appel des morts, fait par M. Danet, instituteur ; à chaque nom, un vieux combattant, M. Cougeon, répond d'une voix forte : "Mort au champ d'honneur".

Les choeurs chantent, la musique alternant ses accents, un hymne aux morts, puis commencent une série de discours.

M. Gilles Durand, maire, exprime avec une émotion mal dissimulée, la reconnaissance de la ville de Guémené envers ses morts, qu'il salue avec respect.

M. Marie d'Avigneau s'adresse ne termes vibrants à ses anciens compagnons d'armes, qui sont là en nombre imposant :


"Nous sommes tous frères, s'écrie-t-il, restons unis, sans distinction de religions ni de partis, afin que la France reste grande. La désunion équivaudrait à une trahison."


M. le commandant Quintin retrace ensuite les qualités héroïques de nos soldats ; puis successivement MM. Bardoul, conseiller général ; Le Cour-Grandmaison, de Dion, députés ; Saint-Maur, sénateur, prennent la parole.

M. Bouju, préfet, termina la série des discours en exprimant, de la façon la plus digne, les sentiments de tristesse et à la fois de fierté que lui inspire cette cérémonie de commémoration où se retrouvent unis tous les citoyens dans un même élan de concorde nationale.

Au moment de la dislocation, la musique municipale joue la "Marseillaise", puis les personnages officiels et les invités se rendent à la salle du banquet.


Le banquet

Le banquet avait lieu dans la salle des Fêtes municipales, décorées avec un goût simple et très sûr. A la table d'honneur prirent place M. le maire, ayant à sa droite MM. Bouju, préfet, et Ferlicot, et à sa gauche, MM. Brisson-Billault et Quintin.

Le repas fut des plus animés. Le menu, confié aux soins de Mme Haméon de l'Hôtel des Voyageurs, était exquis et copieux.

Au dessert, M. le maire ouvrit la série des toasts, qui fut close par M. le préfet.



Il y a quelque chose des antiques jeux et banquets funéraires dans cette histoire...


Bénédiction de la chapelle de Juzet



Le patrimoine culturel, architectural et historique de Guémené-Penfao est riche. Et puis il mériterait d'être célébré. 

L'occasion des anniversaires peut fournir prétexte à ce genre de festivité et de mise en valeur. Je m'intéresse à ce propos à un vieil édifice pour lequel il existe la trace d'un évènement, sa bénédiction, dans les registres paroissiaux anciens. 

Ce bâtiment, c'est la Chapelle St Marc de Juzet, que l'on peut toujours admirer au sortir du village de Juzet telle que sur l'ancienne carte postale que je reproduis ci-après.


Que cette chapelle appartienne à l'histoire et au corpus monumental de notre commune cela va à peu près sans dire.

La dimension culturelle qui s'y ajoute tient au fait que c'était aussi la chapelle d'une "frairie", la frairie de Juzet précisément, l'une des 13 frairies de Guémené-Penfao. 

J'ai l’intention de revenir ultérieurement dans un post particulier à la question si intéressante des "frairies", ces organisations religieuses et sociales caractéristiques de la Bretagne.

En attendant voici quelques échos du passé où résonnent à la fois les antiennes religieuses et les réjouissances paysannes.


- La bénédiction de la chapelle St Marc :

"Le vingt cinquième jour d'avril mil sept cent treize en conséquence de la permission à nous accordée par Monseigneur l’Évêque de Nantes en date du quatorzième mai mil sept cent douze signée G. évêque de Nantes et plus bas Brulé secrétaire, avons fait la bénédiction de la chapelle St Marc de Juzet que Messire Jean François de Poulpiquet seigneur du Halgouët, Juzet et autres lieux a eu la bonté de faire bâtir tout de neuf pour son usage et celui de tous les frairiens, et ladite bénédiction a été en présence des soussignés et de plusieurs habitants de Guémené et Conquereuil qui y étaient venus processionnellement en l'honneur de St Marc dont on célébrait la fête, par nous soussigné prêtre recteur de Guémené à qui le pouvoir de faire cette cérémonie était adressé par mondit seigneur évêque."



Cette fête religieuse et populaire a donc eu lieu il y a 299 ans passés d'il y a une semaine : l'année prochaine en sera le tricentenaire et j'imagine assez bien que l'on pourrait se mobiliser pour célébrer la circonstance en présence des autorités municipales (le maire, madame la 6ème adjointe chargée de la culture), religieuses (tant pis), des descendants de Jean François le Bienfaiteur et d'un grand concours de peuple de Guémené et pourquoi pas Conquereuil. Je lance l'idée, on ne sait jamais.


- Les Poulpiquet :

Le restaurateur de la chapelle St Marc, Jean françois de Poulpiquet, appartient à une vielle famille dont on peut remonter la trace jusqu'à Guyomarc'h le Poulpiquet qui épousa en 1383 Marie du Halgouët. En 1645, la châtellenie de Juzet passe de la famille d'Aiguillon aux Poulpiquet du Halgouët par le mariage de Bernard de Poulpiquet et de Françoise d'Aiguillon.

La maison de Poulpiquet a donné quelques notabilités : un Président aux comptes en 1654, deux Chevaliers de  St Michel en 1625 et 1660, deux pages du Roi en 1727 et 1771, trois chevaliers de Malte entre 1743 et 1786, trois Conseillers au Parlement de 1719 à 1783, un sous-lieutenant au Régiment Royal comtois fusillé à Quiberon en 1795, un docteur en Sorbonne évêque de Cornouailles en 1823-1840. Tous n'ont, à l'évidence, pas bien fini... Jean François, pour sa part, était capitaine de cavalerie au Régiment de Dampierre.


- La chapelle après sa bénédiction :

En tant que chapelle frairienne,  elle servit à la célébration des offices et cérémonies concernant la population des alentours de Juzet : baptêmes, mariages et enterrements. On y enterrait donc.

Cette chapelle devint bien communal sous la Révolution et fut acquise en octobre 1932 par Amaury Louis Marie de Poulpiquet, comte du Halgouët, lequel la restaura à nouveau à l'instar de son ancêtre Jean François.

Pendant longtemps, une procession à la chapelle de Juzet eut lieu pour la St Marc. Aujourd'hui il ne s'y passe plus rien et semble close et endormie depuis bien des années. J'ai pourtant le vague souvenir d'y être entré dans mon enfance. Est-ce un rêve ?

Le monument aux morts de Guémené-Penfao (partie 1)


Il n'y a pas beaucoup de monuments récents à Guémené-Penfao. Pas moins qu'ailleurs sans doute, à taille de commune comparable.

Mais chacun peut s'accorder sur le fait que les rares dont on dispose sont remarquables. Je pense à l'église monumentale, je pense à l'ancien vélodrome, je pense au monument aux morts installé dans le coin sud-ouest du cimetière. Je voudrais consacrer deux chapitres à évoquer ce dernier.



On ne peut pas ne pas avoir le regard accroché par la figure grise, légèrement voûtée et humble qui domine le cimetière et que l'on aperçoit, quoiqu'on fasse, en passant sur la route de Beslé. 

Il y a quelque chose de la silhouette de la paysanne de l'Angélus de Millet. Sans doute la douleur est trop grande pour donner lieu à quelque extériorisation. Cette paysanne de Guémené porte sur ses épaules, sur sa nuque, le joug de la peine muette, infinie et irréversible, celui que porteront les épouses, mères, soeurs de 180 jeunes gens de Guémené. 

Il faut le dire, ce monument est remarquable ; car il ne s'agit pas de ces stèles ordinaires dont chaque commune s'est souvent acquittée ; non, il s'agit une oeuvre originale et sensible qu'il est important de célébrer.


Ce premier post est destiné à en montrer la qualité, soit par celle de ses concepteurs et réalisateurs, soit par celle du matériau utilisé. Dans une livraison ultérieure, je transcrirai la relation de son inauguration survenue le 29 avril 1923, telle qu'on peut la lire dans la presse de l'époque et peut-être d'autres évènements consécutifs à cette inauguration, si le temps me le permet... A noter que j'ai trouvé une bonne partie de mes informations sur Wikipedia auquel je renvoie bien volontiers.


1/ Les Artistes


Deux architectes, dont le nom ne figure pas sur le monument, ont collaboré à sa conception. Il s'agit de messieurs Lebas et Rivière. Je n'ai rien trouvé sur leur compte et suis donc incapable d'en dire plus. 

En revanche, le sculpteur est mieux documenté.
Il s'agit en effet de Louis-Henri Nicot, né à Rennes le 12 février 1878 et mort brutalement à paris le 12 juillet 1944. Son nom est perpétué sur son oeuvre guéménéenne.
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Fils d'un entrepreneur, il fréquente l'école des Beaux-Arts de Rennes avant de devenir professeur à l'école des arts appliqués de Paris. Médaillé d'or au Salon des artistes français, c'est un sculpteur et statuaire prolifique et éclectique.


On lui doit notamment en effet (outre le monuments de Guémené et bien d'autres oeuvres), la décoration du palais de justice de Reims, l'Hymne à la mort pour un aviateur tué en service commandé (1912), le monuments aux morts de l'armée du Rhin (Mayence), la Fille au Lévrier (Luxembourg), Evangéline (1933, prétexte à sa médaille d'or), la Martyre de LongfellowAnnaïg Mam Goz (Faoüet),...

Monument aux morts de l'armée du Rhin


 Evangéline

Mais il a également collaboré avec le célèbre faïencier Henriot de Quimper (les Trois Commères, Léonard au Veau, le Mendiant, la Marchande de Poulet,..).


Les Trois Commères


Il est également l'auteur du buste de l'amiral Guépratte, de celui de Charles Le Goffic, de la statue de Théodore Botrel et bien entendus de nombreux monuments aux morts.












Charles Le Goffic

 
2/ Le matériau de la sculpture

Louis-Henri Nicot a choisi la kersantite comme matériau pour cette oeuvre. La kersantite tire son nom de Kersanton hameau de la commune de Loperhet, à 15 km de Brest. 

C'est une roche de composition proche du granite présentant un intérêt certain pour la sculpture, car elle allie la facilité à être sculptée à la résistance au temps et aux intempéries. C'est probablement la seule pierre dont le nom officiel soit directement issu d'un toponyme de Bretagne.

La kersantite est une roche magmatique formée par l'activité volcanique, mais n'ayant pas subi d'éruption. En conséquence elle se trouve en filons et a un grain très fin. Elle est en général de couleur sombre à moyenne. Cette roche est observable maintenant car l'érosion a dégagé plusieurs milliers de mètres de couverture.

La pierre de Kersanton est exploitée depuis le début du XVème siècle, comme en témoignent les plus vieux monuments retrouvés.

Cette exploitation s'est faite dans des carrières de faible profondeur, les filons étant situés entre 20 à 40 mètres. Compte tenu de la faible altitude des carrières, les fronts de taille devaient être asséchés en permanence par pompage. Ces filons sont situés entre des couches de schiste, ce qui permet de les dégager assez facilement.

Un des gros atouts du site de Kersanton, hormis la qualité de la pierre, est la proximité de la mer. Situé à moins de 8 km du rivage, le transport maritime a de tout temps été utilisé pour acheminer ces pierres dans le monde entier. Mais une bonne partie de la production était sculptée sur place et acheminée comme produit fini.

L'histoire de la kersantite est intimement liée à celle du patrimoine religieux breton. Les carrières de l'Hôpital-Camfrout et celles de la pointe du château à Logonna-Daoulas, de Rosmellec à Daoulas et de Kersanton à Loperhet ont fourni une part non négligeable de la matière d'œuvre de la statuaire bretonne. 

Les premières utilisations remontent à l'ouverture du chantier de l'abbaye de Daoulas (1167-1179) et l'utilisation du Kersanton prend son essor au XIVe siècle avec le chantier ducal de la collégiale du Folgoët. 

C'est la pierre de prédilection des plus grands sculpteurs de la région (Roland Doré et Julienn Ozanne). Parmi toutes les constructions et sculptures, citons les églises de Rumengol, de  l'Hôpital-Camfrout , de Lampaul-Guimiliau, les ossuaires de Saint-Herbot, de Sizun, une partie du calvaire de Plougastel-Daoulas, les phares d'Eckmül, de l’Île Vierge, du Créac'h, de Kereon.

La kersantite a servi aussi à la fabrication de boulets de canon...

 Avant guerre, 450 ouvriers travaillaient la pierre dans 6 carrières de l'Hôpital-Camfrout et de Logonna-Daoulas. Il y a un siècle, ils étaient un millier. La dernière carrière, a cessé de fonctionner en 1987.