dimanche 23 juin 2013
Maréchalisme municipal
La France de 1941 peine à se remettre de la défaite de 40. Le Régime de Vichy déploie progressivement son idéologie. Le Commissariat Général aux Questions Juives s'installe au printemps, et le culte de la personnalité du Maréchal Pétain est un outil de fédération des français autour de la nouvelle politique - très peu républicaine - mise en oeuvre.
Les préfets sont à la manœuvre : les municipalités élues en 1935 sont remaniées autoritairement au début du printemps 41. A Guémené-Penfao toutefois, rien ne change à cet égard et la Municipalité élue en mai 1935 est jugée suffisamment "maréchalo-compatible" pour rester en place. Il s'agit d'une liste baptisée au moment des élections "Liste Républicaine et d'Intérêt et d'Union", selon ce goût immodéré du bric-à-brac sémantique dont raffolent les politiciens "modérés".
Même si les 23 Conseillers municipaux guémenois ne sont pas tous élus dès le premier tour (17 des 23 le seront), cette liste dispose d'un large soutien dans la population locale.
Immortalisons un peu cette fine équipe.
Guillaume Geffray, notaire de père en fils, est le maire (cf. photo "en pied"). Victor Métayer est son premier adjoint (il fera office de maire pendant la mobilisation de Guillaume Geffray) et Pierre Gérard, son deuxième adjoint. L'adjoint spécial pour Beslé est Clair Bourgeon ; celui pour Guénouvry : Alexandre Jaunasse.
Les autres conseillers se répartissent les commissions. Ainsi, MM. Restaud et Noël sont en charge de l'Hôpital ; le docteur Benoist et C. Courgeon, de la Bienfaisance. M. Souchaud va s'occuper de la Statistique Agricole. MM. Radigois et P. David ne seront pas trop de deux pour le Conseil de Discipline. L'Electricité sera dans les mains MM. Restaud et Roué, le Budget dans celles de MM. Plassais, Amossé (et Jaunasse déjà cité). L'Hygiène sera l'affaire de M. Huet et de Léon Cormerais (sans doute les plus concernés du Conseil par les questions de propreté...). M. Urvoix aura les Bâtiments Communaux.
Au passage, la présence de commissions municipales dédiées à l'électricité ou à l'hôpital n'est pas surprenante : les villages sont en train de se raccorder au réseau électrique et l'hôpital est un projet en cours de réalisation. On peut surement penser que Guémené était aussi sur le point de se raccorder à l'hygiène ou bien que l'hygiène était aussi un projet en cours...
Auguste Babin et Frédéric Testeau n'ont rien, ça leur apprendra à avoir été mis en ballottage.
Sans doute poussées par une spontanéité toute préfectorale, mais aussi et peut-être surtout par la perspective du renouvellement des municipalités au printemps 1941, on voit fleurir dès la fin 1940 des "adresses" au Chef de l'Etat français (lequel répond d'ailleurs quelques fois).
De nombreuses communes de Loire-Inférieure sont signalées dans cet exercice : Ancenis, Sainte-Marie-sur-Mer en décembre 1940 ; puis en 1941 c'est Legé, Loroux-Bottereaux, en janvier ; Saint-Colomban, Vertou, Les Sorinières, Ligné, Saint-Sébastien-sur-Loire, en février ; Le Cellier, Couffé, Saffré, Saint-Etienne-de-Montluc, Pontchâteau, en mars ; Saint-Jean-de-Corcoué, Moisdon-la-Rivière, Lusanger, Gorges, la Chapelle-Heulin, Issé, Orvault, les communes du canton de Nozay et de celui de Saint-Julien-de-Vouvantes, Barbechat, Boissay, Mésanger, Machecoul, Château-Thébaud, en avril.
Plus grand-chose en mai.
Cette vague printanière et maréchalâtre atteint les parages de Guémené également.
En février 1941, toujours en avance de phase et jamais en retard d'une victoire, Emmerand Bardoul (alias Je Suis Bardoul ; cf. photo : appréciez la moustache...), député-maire de Marsac-sur-Don, Conseiller du canton de Guémené-Penfao, Président de 776ème section des médaillés militaires, qui - parmi bien d'autres- a voté les pleins pouvoirs à Pétain l'année précédente, réunit ses troupes. Il en sort un communiqué particulièrement intéressant qui claque comme un coup de fusil :
"La 776è section des médaillés militaires du canton de Guémené-Penfao, réunie sous la présidence de M. Bardoul, député-maire de Marsac-sur-Don, président de la section, exprime au Maréchal Pétain, Chef de l'Etat français, son inaltérable confiance et toute sa reconnaissance pour l'effort de redressement moral et matériel de la nation entrepris par le clan des vainqueurs de Verdun."
On savoure "l'inaltérable confiance" et la référence au "clan des vainqueurs de Verdun" dans lequel, on le perçoit, Emmerand et sa section d'embreloqués se fondent naturellement.
En avril, c'est au tour de notre voisine Pierric d'exprimer son amour du Redresement National :
"Le Conseil municipal, réuni sous la présidence de M. Julien Geffray, maire, adresse à M. le Maréchal Pétain, Chef de l'Etat français, toute sa sympathie, compte sur lui pour le relèvement de la France et le prie de croire à toute sa loyauté."
C'est gentil, pour ne pas dire minimaliste. Soit Pierric comptait peu d'esprits littéraires, soit la fibre maréchaliste peinait à se tisser...
Heureusement que pour relever le canton il y a la municipalité de Guémené. Celle-ci accomplit son devoir d'adresse au Maréchal en mars, au même moment où l'Ordre des Architectes Nantais remercie le Chef de l'Etat français pour avoir créer leur organisation :
"Sur proposition de M. le Maire et à l'unanimité de ses membres,
Le Conseil Municipal de Guémené-Penfao adresse sa profonde admiration à M. le Maréchal Pétain, dont le passé héroïque est la meilleure garantie d'avenir et assure le Chef de l'Etat de son dévouement dans l'oeuvre de reconstruction nationale."
On se demande bien pourquoi on a jugé bon de faire état de l'unanimité : comme si cela n'allait pas de soi !
Et on sent quand même que, malgré "la profonde admiration", on n'est pas trop rassuré sur l'avenir, si l'on estime qu'il faut un héros éprouvé pour l'affronter... Sinon, cela reste raisonnable pour l'époque...
Evidemment, me dira-t-on, c'est facile aujourd'hui de se moquer. Mais bon, quoi... faut bien se souvenir, non ?
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passionnant : il nous faut la suite : que se passe-t-il en 44, avec tous ces braves gens ?
RépondreSupprimerLa suite c'est le maire en fuite à la Libération. On ne l'a jamais revu au pays...
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