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dimanche 19 juin 2016

L'horloger de Saint-Paul


Je musarde, comme beaucoup de gens finalement, sur les sites d'enchères ou de vente d'objets d'occasion, en centrant mes recherches sur Guémené, soit d'un point de vue géographique, soit du point de vue de ce qui s'y rapporte. En bref, je ne chine qu'à Guémené ou à propos de Guémené.

C'est ainsi que j'ai très récemment déniché un mécanisme de pendule de type "comtoise" portant sur son cadran l'inscription :


Qualité Garantie
JEHANNE
Guémené-Penfao

Mon sang n'a fait qu'un tour (de cadran) : je me suis empressé de refuser cet achat au prix trop élevé, tout en indiquant au vendeur que son objet aurait pu m'intéresser.

Bref, de fil en aiguille, ce dernier m'a consenti un gros rabais et je suis parti chercher l'objet, à la première occasion, sur un parking de Pornic, comme s'il s'était agi d'une transaction mystérieuse et louche.

Un coup de papote avec le vendeur et hop, voilà la pendule sur mon buffet de Guémené, en moins de temps qu'il n'en avait fallu pour négocier.


















L'objet n'est pas bien beau et ne fonctionne pas. Il lui manque les poids et le balancier. Mais que diable, il s'agit d'une horloge sortie d'une boutique de Guémené !

La bijouterie-horlogerie de Théophile Jehanne se tenait au coin sud-est de la place de l'église, église jadis dédiée à Saint Paul. Il y avait déjà un commerce de ce type vers 1900, comme on peut le voir sur les cartes postales de cette époque. Et encore aujourd'hui, l'emplacement est toujours consacré au même commerce dont le titulaire, fort bavard et toujours dans les murs, a pris en principe sa retraite...

Ce Jehanne horloger était né au bourg, le 11 janvier 1893, d'un père qui se prénommait déjà Théophile, menuisier ou agent d'assurances, selon les époques ; et d'une mère, Rosalie Garçon, épicière.

Son intégrité physique, voire sa vie, furent épargnées grâce à une "bronchite spécifique" que lui trouvèrent les médecins-majors. Elle devait être bien particulière, cette inflammation pulmonaire, pour lui permettre de se voir exempté de boucherie collective, l'année de ses 21 ans. Les mortifères à képi adorent en effet, sans trop y regarder en général, la chair tendre de ces jeunes gens.

A cette époque, il se déclare forgeron ajusteur. C'est un petit bonhomme de 1 mètre 65, châtain, aux yeux marron clair. Il a une binette qui ne doit pas s'oublier : un visage long surmonté d'un front bombé et un nez "cave", pour compenser.

Il dut profiter de la guerre, dont il était écarté, pour affiner sa formation en mécanique et on le retrouve horloger en 1921.

Peu avant, le 14 août 1919, il avait épousé à Guémené une jeune femme de vingt ans, Marie Poisson, fille "naturelle" (comment qualifier les autres : surnaturelles, culturelles, pas naturelles, frelatées, artificielles?...) née à La Forêt, hameau sur la route de Massérac, près du château de Friguel.

Cette Marie Poisson fut coiffeuse.

De ce mariage naquirent deux enfants, un garçon et une fille, et beaucoup de pendules, probablement.

Le fils du bijoutier et de la coiffeuse de Guémené, prénommé Théophile comme il se doit, a connu un peu de gloire, laquelle retentit sur sa patrie de naissance, en menant une carrière d'homme de théâtre.

La fille, Madeleine, n'apparaît pas dans les radars de la célébrité (comme la plupart d'entre nous d'ailleurs).

Le brave bijoutier n'eut guère le temps de profiter de la vie et n'atteignit pas la quarantaine.


Il s'éteignit en effet à la fin de juillet 1932. Ses obsèques se tinrent le 3 août à 14h30, en l'église de Guémené. C'était juste en face de sa boutique, de l'autre côté de la  rue, et ce fut son dernier acte public (comme c'est souvent le cas).

Sa épouse, sa veuve, attendit que les enfants soient grands et se remaria le 26 novembre 1945.

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