Rechercher dans ce blog

samedi 17 mars 2012

Un dimanche de juillet 1962 à Guémené-Penfao


J'ai, dans mon enfance, passé toutes les vacances de Pâques et d'été à Guémené.

Tout se déroulait de façon immuable. Après la fin de l'école en juin, un beau jour mon père nous accompagnait, ma tante Madeleine et moi, au train à la gare Montparnasse. Pour cette occasion exceptionnelle, on prenait un taxi (dépense déraisonnable aux yeux de ma mère, mais mon père aimait ses aises).

Je garde de ces départs le souvenir d'événements importants : trouver sa place, être bien installé : le voyage durait encore assez à cette époque. Puis l'heure venue, le train s'ébranlait et mon père, pourtant plus très jeune et corpulent, se mettait à courir le long du wagon, à hauteur de notre compartiment, tant qu'il pouvait, en agitant son bras. Ainsi, les vacances avaient commencé et je ne le reverrai pas d'un long mois.

Ma tante Madeleine vivait à Paris et s'occupait de moi. Handicapée, elle prenait cette tâche comme un sacerdoce, le sens de sa vie. Je ne lui rendrai jamais assez hommage pour sa bonté, sa patience et l'amour qu'elle m'a offert sans compter.

Je conserve dans l'oreille les annonces des gares : durée d'arrêts, correspondances, c'était les couplets de la chanson des vacances d'été, de la route du bonheur ensoleillé. Je n'ai jamais eu le sentiment d'un trop long voyage. Bientôt on approchait de Redon et un gant de toilette humide sur la figure et les mains suivi d'un coup de peigne me remettaient d'aplomb pour l'arrivée en gare.

En général, Grand-mère Gustine ou ma mère s'étaient arrangées pour que quelqu'un viennent nous chercher en voiture. Bientôt j'entrais de plein pied dans le monde merveilleux et familier de Guémené et de La Hyonnais, des vaches, des poules, du puits, des ruines, des granges, des celliers et des étables, des travaux manuels et de l'inconfort, des vaches, des poules, des chats, des chevaux, des nids et des haies, de René, de Roger, du Père Després et de la Mère Boussaud, tous ces êtres extraordinaires avec qui j'avais rendez-vous, et bien d'autres encore.

En ce temps-là, les gens de la ville arrêtaient de travailler en août et ni mes parents ni le père de mes cousines ne seraient présents avant. Ma Grand-mère Gustine, ma Tante Madeleine et souvent ma tante Odette, mère de mes seules cousines françaises, formaient notre encadrement de cette première période de repos. Il était usuel que mes cousines, Laurence de deux ans ma cadette et Nadine plus jeune encore de deux ans, passent d'ailleurs juillet à La Hyonnais.


On marchait à pied et la grande sortie au Bourg s'effectuait le dimanche, à la messe. Je parle de la messe de 11 heures dont je garde de nombreux souvenirs. 


On devait "s'habiller" et l'on ...s'endimanchait donc. Ma grand-mère mettait un petit bijou au revers de sa veste, par exemple. Chemise blanche, souliers et chaussettes blanches, noeud papillon, blazer ; "belle" robe pour les filles... Avant de partir, ma grand-mère passait une tournée de Flytox pour en finir avec les mouches (et les autres bestioles...), prenait son sac noir, vérifiait qu'elle avait de la monnaie pour la quête, et on y allait.

On marchait : le chemin jusqu'à la route, la route asphaltée et parfois ombragée, le Champ-des-mares, le Pivert, la route vers la Gare et enfin la descente du "Boulevard" bordé de chétifs acacias.


Les photos ci-dessous ont été prises le même jour, je pense, un dimanche de juillet 1962 probablement, sur le trajet du Bourg à La Hyonnais. 


On ne peut pas dire qu'elles représentent quelque chose d'exceptionnel. Il s'en dégage beaucoup de paix et d'ordre. Paix de la campagne (il n'y a pas de circulation sur les routes !) ; ordre des accoutrements, ordre des physionomies. La dernière photo avec ma tante et ma grand-mère me les montrent comme elles étaient : inquiète, pour l'une, et solide pour l'autre.


L'angle de prise de vue est à hauteur d'enfants : nous étions bien le centre d'un monde finalement fait pour nous.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire