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dimanche 15 novembre 2015

Trois invalides


Depuis la fin de l'année 1694, l'Hôtel des Invalides accueille, à Paris, plaine de Grenelle, quartier du Gros Caillou, les abîmés de l'armée française.

Je voudrais aujourd'hui tirer de l'oubli trois de ces valeureux qui ont fait un petit peu de la gloire des Louis guerriers (le XV, en l'occurrence) ; qui, ce faisant, y ont laissé un peu d'eux-mêmes, et qu'aucune rue, ni creuse cérémonie, ne viendra jamais rappeler à notre mémoire.

Ces trois gaillards sont nés au début du XVIIIème siècle, à l'heure où Louis XIV commençait de tourner rance, pour le plus âgé de nos nouveaux amis (1712), ou bien à l'heure où ce valeureux monarque commençait sûrement à ne plus ressembler à grand-chose, pour les deux plus jeunes (1719 et 1720).



L'aîné se nomme Louis François de la Chatelais et fut baptisé le 16 mars 1712 en l'église de Guémené par Messire Méhat, alors recteur de cette paroisse, et qui sentait un peu le pipi.

La Chatelais un un village qui se trouve à l'ouest de Guémené, tout près de Juzet et de la commune de Conquereuil.

C'est peut-être en ce lieu excentré du bourg que naquit, le 28 février 1712 le jeune Louis François.

En effet, papa et maman, respectivement Messire Guy de la Chatelais et Dame Perrine Joly, sont explicitement mentionnés comme seigneur et dame dudit lieu. Il faut croire que le brave petit n'était pas trop sûr que la vie valût la peine d'être vécue car il n'avait pas trop fière allure à la naissance : étant alors jugé en péril de mort, on alla quérir un curé au plus près, et ce fut le recteur Lucas de Conquereuil qui vint oindre le chérubin, à domicile.

Soit franchement le bébé a mis du temps à se décider à vivre, soit il n'a pas fait un temps à mettre un môme dehors de quinze jours, à Guémené, mais le baptême officiel, si j'ose dire, ne se tint en l'église de Guémené que le 16 mars suivant. .

Toujours est-il qu'on n'alla pas loin chercher le parrain qui fut Jean François de Poulpiquet, seigneur du Halgouët, de Juzet et autres lieux, autrement dit un voisin.

La marraine fut prise dans la même classe sociale puisqu’il s'agit de Dame Louise Pichat, dame de Calac (et autres lieux, naturellement).

Voici donc un petit rejeton de nobliau de robe (probablement), qui visiblement ne dut pas être très doué pour les lettres (ni pour les chiffres), ni même pour rien du tout, en fait, car s'il embrasse une carrière militaire dont on ne sait rien, elle ne le mena assurément pas bien loin en termes de position dans l'armée. Louis-François termine en effet son parcours militaire comme "bas-officier", c'est-à-dire, en françois de notre époque : sous-off'.

Cette carrière dut lui laisser quelques loisirs quand même. Car Louis François, distrayant son attention et son énergie de la France, trouva le temps de se marier. Ce fut en 1748, le 20 février, en hiver comme un vulgaire paysan, qu'il convola avec une demoiselle Marie Bégouin de la paroisse voisine de Pierric, en l'église de cette dernière.

A vrai dire, la mariée n'était plus de la première fraîcheur, étant âgée de 58 ans (lui de 36) au moment de la cérémonie. Apparemment, ce n'était pas son mariage d'essai puisqu'il était alors veuf d'une certaine Marie Dupuis.

On trouve encore sa trace au mariage de son beau-frère, à Pierric en 1755.

Ayant fini de tuer les ennemis de la France et sans doute ses femmes, on ne sait qui l'estropia, ni comment, mais il est admis aux Invalides en 1769 et 1770.

Probablement quelque peu remis sur pied, il termina son existence aventureuse à Nozay, à peu de lieues de sa paroisse natale, où il coula les jours heureux d'un pensionné de guerre.



Le second héros guerrier de ce jour s'appelle Julien Le Masson. Il m'est proche en affection car s'il naquit le 29 janvier 1719 (étant baptisé le 30) à Guémené, ce fut dans mon cher village de la Hyonnais (écrit : la Hignonais). Dans laquelle donc des ruines et autres vieilles bâtisses encore debout près de ma maison, le cri premier de ce nourrisson fut-il donc poussé et entendu...

Il est le fils de Vincent Le Masson et de Louise Poitevin dont on ne sait rien.

Sa carrière militaire est en revanche plus documentée que celle de notre précédent héros.

Julien Le Masson, dit Masson, selon l'usage de l'époque d'attribuer un sobriquet aux soldats, est un cavalier et il devait avoir fière allure dans son bel habit.






















Il passe trois ans dans les Milices de Bretagne, Bataillon de Redon, puis sert vingt ans  au Régiment Royal Etranger, Compagnie d'Aigremont. 

En dépit des apparences, ce régiment recrutait en France uniquement. Il comprenait deux escadrons, puis quatre à partir de 1761. Chaque escadron comprenait quatre compagnies de quarante cavaliers. L'une de ces compagnie était celle de Masson.

Considérons que Masson servit dans ce régiment entre 1740 et 1763.

En 1749, le régiment stationne à Ploërmel, en 1751 à Vannes, avant de gagner Laon en 1752, Valenciennes en 1754 et Dôle en 1755.

Il participa à la Guerre de Sept Ans qui débuta en 1756.


Notre héros ne ménagea pas sa peine. Et si sa fiche à l'Hôtel des Invalides signale qu'il est catholique comme il se doit, elle mentionne aussi que le pauvre garçon est sujet à de fréquents étourdissements.

C'est cette infirmité, peu compatible avec la monte d'un canasson et la défense de la patrie, qui le conduit à l'hospice de la plaine de Grenelle.

Il y entre le 31 mars 1763.

Il ne dut pas y rester trop longtemps, soit que la soupe y était aigre, soit qu'on trouvât qu'il ferait bien d'aller voir ailleurs. Toujours est-il qu'il mourut loin de la Hyonnais, à Calais, le 24 novembre 1770, paroisse Saint-Pierre, et fut enterré le lendemain, âgé de 52 ans seulement, étant pensionné, au faubourg de cette ville.

Il laissait une veuve, éplorée, selon l'usage en vigueur, Madeleine Ledoux.



Notre troisième héros du jour est Jean Meslin. Jean est le fils de Julien Meslin et de Julienne Corbin, qualifiés "d'honorables gens".

Ces derniers deviennent parents du petit Jean le 14 octobre 1720, baptisé le lendemain.

Il quitta ce monde le 20 juin 1779, en sa résidence guémenoise de Balleron, à la sortie du bourg à l'ouest, bien fatigué apparemment puisqu'on lui donnait dix ans de plus que son âge réel. Il laissait pour veuve Julienne Judalet, un nom bien de chez nous.

Jean Meslin, dit Tranquille, fut admis aux Invalides le 29 octobre 1761, mais on ne sait quand il en sortit pour rejoindre son nid natal et y vivre en pensionné de guerre ses dernières années près de la douce Judalet.

Il avait eu une vie militaire plutôt bien remplie qui l'avait conduit au grade de sergent. C'était donc un "bas-officier", lui aussi.

Il a commencé sa carrière dans le régiment de Chartres où il aurait passé dix-huit ans dont six en tant que sergent.

Ensuite, il fait partie des Volontaires Liégeois, pendant deux ans, où il fut sergent également.

Sa dernière affectation comme sergent est le Corps des Volontaires du Dauphiné, Compagnie Duras, où il a tiré dix-neuf mois.

Tout ça, bien sûr, n'a pas été sans conséquences. Participant aux guerres de son époque, le brave homme a encouru quelques blessures.

Ainsi, au mois d'août 1760, il reçoit un premier coup de feu au bras gauche près de Warburg, où les armée françaises furent défaites pendant la Guerre de Sept Ans. Cette balle fut suivie d'une seconde reçue on ne sait où, à la bataille de Creveldt, le 30 octobre 1760.













Tout catholique qu'il soit, comme cela est dûment noté dans fiche d'hôtel (des Invalides), cela l'incommode et le conduit finalement à l'hospice un an plus tard, après vingt deux ans de loyaux services commencés, semble-t-il, vers l'âge de dix-neuf ans.

Bon, voilà pour le devoir de mémoire auprès de ces très anciens. Il faudra aussi penser à ceux d'avant-hier.

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