Il fait beau et il fait chaud à Guémené. Les vacances s'achèvent : il faut en profiter encore une fois.
D'un autre côté, je suis peu inspiré à poster des messages sur le blog en ce moment : trop de sujets qui nécessitent beaucoup de travail. Pas mûrs. Pas courageux.
J'ai donc décidé d'aller me balader dans le bourg et d'y prendre quelques photos.
Mes pas m'ont notamment porté vers le Grand Moulin où est apposée une pierre tombale ancienne qui pavait jadis la Chapelle St-Jean que l'on devine dans le cliché ci-dessous.
Le Grand Moulin
Cette ancienne chapelle, située naguère en bas de l'actuelle Place Simon vers l'Office du Tourisme, a eu le malheur, malgré des siècles de services loyaux et bons, de se trouver dans l'alignement de la nouvelle route et du nouveau pont de Guémené sur le Don. Un édile guémenois épris de progrès décida donc de son éradication vers 1880.
De profundis, la Chapelle St-Jean. Place à la circulation moderne.
Je n'insiste pas sur l'histoire de la chapelle (j'ai déjà raconté). Il faut juste se rappeler qu'à la fin des articles y consacrés, on fait en général mention de la pierre tombale sus-mentionnée.
Pierre tumulaire d'un Chevalier de Montnoël
Car en effet, cette pierre, appelée pierre "tumulaire", est tout ce qu'il en reste, finalement, de la chapelle : son dernier souvenir, en somme.
On s'en contente forcément et, comme tout le monde dans un premier mouvement, on pense avec émotion à cette sainte relique.
Sainte et noble : car il s'agit "probablement" d"un seigneur de Montnoël du XIVème (siècle), cette famille ayant pris l'habitude d'enterrer les siens dans cet édifice. (Je ne ferai l'injure à personne de rappeler que Montnoël est à gauche, vers Massérac, tout près de mon bois, si toutefois ça peu aider.)
Bref, par la rareté du vestige et son origine, une aura de valeur, de préciosité, entoure ce rectangle granitique vaguement buriné.
Mais d'un autre côté, à y réfléchir, une autre lecture se présente au passant.
Car, il faut bien admettre que l'objet est peu spectaculaire et même franchement pâlichon. Et on a l'impression quand même que pendant cinq cents ans, on s'est bien essuyé les pieds dessus.
Du coup le Père Montnoël, il a une drôle de binette. Il donne le sentiment, même si sa pudeur ou son orgueil se refuseraient à l'admettre, que faute de pouvoir bouger et échapper à cette injure répétée, il s'est fait une sorte de raison et a pris le parti d'en rire. Jaune et crispé, certes, mais rire quand même.
A y regarder de près, il a en effet la bouille ronde et fendue, le bonhomme, et possède des petits yeux vifs de cochon ou d'éléphant. Au total, un brave gars qui subit avec une bonhomie forcée les injures du temps et des hommes. Un scaphandrier de carnaval, un grotesque.
Bouille de Zébulon du Père Montnoël
Et puis, là, tout contre le Grand Moulin, sur ce lieu de passage, c'est comme un pauvre clochard qui ferait la manche adossé au mur du Grand Moulin, sans conviction, et qui n'aurait toujours pas compris dans son abrutissement que la route de Guémené ne passe plus par là depuis longtemps. Il doit être sourd et aveugle.
Ancienne route de Guémené - Passerelle
Sans doute enfin, à la vesprée, harassé d'avoir attendu un vain hommage, une vaine aumône, se glisse-t-il pour dormir sous l'arche de Condé ou sous une pile de la passerelle.
Englouti dans son néant, chevalier des nénuphars, bercé par le coassement des grenouilles, lui qui n'est plus qu'un détritus, une ordure improbable de l'Histoire, il s'en va enfouir sa bille de clown dans la nuit du Grand Moulin.
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