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samedi 14 septembre 2013

Journée du patri-moins


Il pleut sur Guémené en cette première journée du patrimoine. J'ai consulté le programme officiel : officiellement, le seul patrimoine visitable est le château de Boisfleury. Que ses propriétaires en soient remerciés.

Quand on pense à tout ce qu'il y aurait à dire et montrer à Guémené, cela est désolant.

Alors j'ai voulu aller voir si la chapelle Saint-Yves était ouverte : mais non, là aussi porte close. J'aime bien cette chapelle qui date dans son plan actuel de 1709. Alors, je me suis arrêté pour prendre quelques photos.

Seule curiosité nouvelle, une plaque à peine discernable au dessus de la porte principale mentionne l'année 1925, peut-être l'année de quelque restauration... je ne sais. De mémoire, l'intérieur en est très beau : ce sera pour une autre fois.

Avant d'aborder plus loin dans l'article un autre sujet, je vous passe ci-dessous les clichés de Saint-Yves :















Selon ma conception des choses, le patrimoine c'est aussi les hommes et les femmes, connus et inconnus. Voici donc ma contribution à cette journée pluvieuse.

En 1943 est né à Guémené Emile Lizé. Celui-ci malheureusement est décédé prématurément le 16 mars 1988 au Canada où il était arrivé une première fois en 1966.
 

En France, il avait fait une partie de ses études et un service militaire dans la marine, avant de poursuivre une maîtrise à l'Université d'Ottawa. Docteur ès lettres de la Sorbonne, il enseigne ensuite à l'Université d'Ottawa.

C'était un spécialiste de la littérature du XVIIIème siècle réputé parmi ses pairs. En 1977, ce jeune professeur fait sensation en découvrant lors d'un séjour en URSS des manuscrits inédits de Diderot.

Il renouvellera cet exploit, à la faveur d'un autre séjour en URSS, en 1987, cette fois en trouvant des oeuvres inédites du diplomate et homme de lettres bavarois ami de Diderot, le baron Grimm. La mort, survenue l'année suivante, l'empêchera d'exploiter ces documents.

Il a publié plusieurs articles scientifiques et comptes-rendus d'ouvrages concernant la littérature du siècle des Lumières, ainsi qu'un livre :

Voltaire, Grimm et la 'Correspondance littéraire' - Préface de Jean Varloot. Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, vol. 180 (Oxford: The Voltaire Foundation,1979), 253 pages. 

Il semble avoir publié également, avec son épouse Diana, des livres pour enfants.

Enfin, une bourse d'études du Département de français de l'Université d'Ottawa, portant le nom d'Emile-Lizé, perpétue au Canada le souvenir de ce professeur et savant mort loin de son Guémené natal.

samedi 7 septembre 2013

Jacques Guérin, "Chardonnet" mort du choléra pour la France


Jacques Guérin était né le 18 novembre 1833, à trois heures du matin, au Nord de la commune de Guémené, au gros village du Brossay. Ses parents, François Guérin et Françoise Meslin, étaient laboureurs. Le papa Guérin ne savait pas écrire.

Il semble que la famille n'ait pas dû beaucoup s'accroître et tout laisse même à penser que Jacques fut l'unique enfant de ce couple.

Le seul écho de sa brève vie dont on dispose est son acte de décès en date du 8 juin 1862. Ce jour-là, à quatre heures et demi du matin, il s'éteignit à l'hôpital maritime de Shanghai des suites du choléra. Trois témoins "mâles et majeurs" vinrent, selon la loi, en effectuer le constat.

Comment avait-il pu en arriver là ? - En bateau, par la grâce d'une expédition militaire.

Au moment de son décès, Shanghai est, depuis une douzaine d'années, une des villes "ouvertes" que la Chine a dû concéder à la voracité coloniale des Occidentaux après la première guerre dite "de l'Opium", au milieu du XIXème siècle. Une seconde guerre de l'Opium vient à nouveau, en 1859 - 1861, de mettre aux prises les Chinois et les alliés franco-britanniques qui renforcent encore leur emprise.

Une Concession française (en vert sur la carte ci-dessous) coexiste, à Shanghai, aux côtés de Concessions britannique et américaine (qui vont bientôt fusionner en une "Concession Internationale"). Il s'agit d'un territoire d'une soixantaine d'hectares composé de terrains marécageux extorqués à l'Empire du Milieu, situés à l'Ouest de la ville indigène et au Sud des autres concessions. Une langue de terrain finira par s'insinuer entre les autres Concessions et la vieille cité chinoise entourée de murailles circulaires pour atteindre le fleuve Huangpu le long de ce qu'on appellera le "Bund".


Quand Jacques Guérin y est débarqué, seule une poignée de français y mènent une existence compliquée, dans un milieu humain, politique et climatique hostile. Mais la ville commence à prendre son tour colonial (ci-après une vue datant de 1860).



Jacques Guérin est alors chasseur à la 2ème Compagnie du 3ème Bataillon d'Afrique, un des trois Bat'd'Af, ces unités de l'Armée d'Afrique qui ne regroupaient pas que les meilleurs sujets. C'est le matricule n° 7.148

Les soldats du 3ème Bataillon étaient surnommés les "Chardonnets". Certains étaient des engagés. La plupart étaient des jeunes gens un peu durs, parfois condamnés, qui effectuaient alors un service militaire de cinq ans dont seul l'argent (beaucoup d'argent) pouvait les exonérer. Difficile à ce stade de dire quelle était la situation précise du jeune Jacques dont la présence chez ses parents à Guémené est encore attestée en 1861.

Le document officiel signé des Autorités françaises de Shanghai, signalant le décès du jeune soldat, fut adressé à la Mairie de Guémené le 1er juillet 1862 : il émanait de la Division Navale de Chine. Il arriva le 17 août suivant, délai normal d'acheminement par bateau (le Canal de Suez n'est pas encore ouvert).

Le garde-champêtre vint sans doute apporter la mauvaise nouvelle. On dit peut-être une messe à la chapelle du Brossay pour celui dont le corps se dissoudrait à jamais dans les lointains marécages de Shanghai (peut-être dans le cimetière figurant au centre du croquis ci-dessous).


dimanche 1 septembre 2013

Emilien Benoist, docteur : sa thèse, antithèse, foutaise.


Les curés, les maires, les instituteurs, les garde-champêtres, les facteurs, voilà, parmi quelques autres, les héros publics des vies d'antan dont la mémoire collective garde, heureusement, quelques traces. S'y ajoutent encore les médecins.

La séance du Conseil Municipal de Guémené du 24 janvier 1897 comporte un long sujet à propos de l'aide médicale aux indigents. Le Préfet de Loire-inférieure conteste le système mis en place par la Municipalité, laquelle se défend. La question est de savoir quel est le système de défraiement des médecins et pharmaciens pour soins gratuits qui revient le moins cher à la Commune : celui mis en place par celle-ci ou bien un autre système, prévu par un arrêté ministériel

On découvre ainsi que l'aide médicale gratuite concerne alors à Guémené 833 personnes (sur une population de 6.755 habitants...), des indigents qui ne paient donc ni les soins ni les médicaments.

En contrepartie, la Commune donne chaque année un forfait de 350 francs à chacun des deux médecins et de 250 francs au pharmacien. L'indigence malade ne coûte à l'évidence pas très cher aux contribuables.

Après avoir rappelé, pour conclure sa démonstration, toutes les bonnes raisons économiques qu'a la Commune de Guémené d'envoyer paître le Préfet, le maire Simon annonce qu’Émilien Benoist, qui vient de se fixer dans la Commune, demande, suite au départ du Docteur Jean-Marie Régent, à soigner les malades indigents aux mêmes conditions que son prédécesseur. Ce que le Conseil accepte.

A cette moment, Émilien Benoist n'est pas encore docteur en médecine. C'est donc en qualité d'officier de santé qu'il interviendra auprès des pauvres, et ce pour 1 franc par jour pratiquement (un peu moins de 4 euros).

Car, le XIXème siècle a connu deux types de médecins, plus ou moins diplômés, qui ont pu cohabiter dans l'exercice de leur art, même si à l'époque de la formation d’Émilien Benoist (vers 1890 - 1895), cette distinction n'est pas loin de disparaître au profit des seuls "docteurs", universitaires ayant fait des études longues couronnées d'une thèse.

Néanmoins, moyennant trois ans d'études supérieures dans une Ecole de médecine (une Faculté) et une série d'examens face à un jury, il était encore possible, alors, d'acquérir ce statut d'officier de santé. En dehors d'un titre moins reluisant que celui d'un "docteur", une restriction géographique à l'exercice de la médecine s'ensuivait : un officier de santé n'avait d'autre possibilité que de pratiquer dans le département où il avait été reçu aux examens. Ainsi, ayant fait ses études à Nantes, Émilien Benoist n'a alors d'autre choix que de labourer du soc de sa jeune science la Loire-Inférieure.

L'avenir s'ouvre à Guémené, où l'officier de santé Émilien Benoist va ainsi se partager le "marché des pauvres" avec le Docteur Amaury Heuzé, de dix ans son aîné.

Émilien Benoist est né à La Goupillais, à Blain, le 2 mars 1867, Papa étant "gentilhomme de campagne" et Grand-papa, maire et "propriétaire" du Gâvre.

On le retrouve à Nantes, demeurant en famille vers 1891 au 66 rue de la Bastille. Le jeune Émilien est étudiant en médecine, reçu qui plus est le 3 mars 1893 membre affilié à la Société des Sciences Naturelles de l'Ouest de la France, une société savante locale.

Il se marie à Nantes le 29 juillet 1896 - soit donc au moment où il s'apprête à se fixer à Guémené - avec une Marie Amélie Proust de la Gironière, petite-fille d'un maître d'équipage des princes d'Orléans.

Son activité matrimoniale et médicale à Guémené ne l'empêche apparemment pas de poursuivre des études en vue de l’obtention d'un doctorat en médecine. Tant et si bien que le mercredi 8 mars 1899, à 1 heure, Émilien, qui vient de fêter ses 32 ans, fait face à la Faculté de Médecine de Paris au jury de sa thèse présidé par le Professeur Joffroy (pathologie mentale et encéphalique) et composé du Professeur Lannelongue (pathologie chirurgicale) et de messieurs Marfan et Ménétrier, tous deux agrégés.

Sa thèse a été imprimée chez A. Maloine, éditeur rue de l'Ecole-de-Médecine, à Paris, librairie dont le nom reste aujourd'hui encore évocateur pour les carabins de  Paris. Cet ouvrage savant comporte 48 pages in-8° (21,5cm x 13cm) : c'est bien, ça peut se lire vite...

C'est justement un exercice que peu d'entre nous ont eu probablement l'occasion de pratiquer que je souhaite vous faire partager. Car j'ai lu la thèse du docteur Émilien Benoist, que je me suis procurée auprès de la Bibliothèque Inter-Universitaire de Santé, sise rue de l'Ecole-de-Médecine à Paris, comme il se doit.

C'est toujours émouvant, une première thèse : on s'imagine de nombreuses et longues pages bourrées de termes incompréhensibles, de formules abstruses, de dessins abscons...alimentant une réflexion serrée sur un sujet d'importance pour l'avenir sanitaire de l'humanité. 

En l'occurrence, l'appréciation qu'on retire de l'oeuvre d'Emilien Benoist est un peu différente. Mais laissons-nous glisser vers ce morceau de prose doctorale émiliano-bénédictine intitulée "Contribution à l'étude de L'AUDITION COLORÉE". Une vrai promesse..., un feu d'artifice !

On se doute bien qu'à Guémené, vu le niveau ordinaire et récurrent - historique - d'arsouillerie, il a dû se produire bien des phénomènes psychiques étonnants. J'en ai connu dans mon enfance qui voyaient des araignées partout. Probable que d'autres ont dû en voir des couleurs et même, c'est sûr, certains ont bien dû en entendre. Vous étiez sûrement le bienvenu et certainement au bon endroit ("the right place"), Docteur Benoist, avec votre AUDITION COLORÉE.



La thèse d'Emilien Benoist suit un plan simple, mais dont la rigueur révèle le grand esprit : le phénomène étudié est, dans une première partie défini ; dans une deuxième partie, il est décrit ; puis synthétisé, dans une troisième partie ; et enfin interprété, dans une quatrième et dernière. Une conclusion sobre mais efficace couronne le propos.

1- Définition : le phénomène d'audition colorée correspond à l'infirmité dont certains sont affligés, qui, entendant un son (une voyelle, une note musicale), ont l'esprit envahi de couleurs, une par son (je sais, ça fait penser à Rimbaud et à son poème : A noir, E blanc, etc... Patience...). Et pour bien se faire comprendre d'un aréopage universitaire apparemment dur à la comprenette, l'impétrant toubib recourt à plusieurs exemples.

2- Description : d'autres observations "cliniques" (d'ailleurs faites par d'autres médecins) sont appelées à la rescousse. On y découvre des phénomènes étranges. Ainsi, une mélomane à une impression de bleu quand elle entend le son "A" et de bleu foncé quand il s'agit de "à" ! Son drame évidemment c'est d'écouter de la musique : la Chevauchée des Walkyries de Wagner lui paraît verte. La musique de Mozart est bleue et celle de Haydn d'un vert désagréable. Une autre observation chez une jeune femme : Zola est marron et rouge ; Madeleine, rouge, blanc, jaune brouillé, bleu et crème ; Henri est gris bleu, etc...Je m'arrête, car je crois que vous voyez bien ce dont il s'agit.

3- Synthèse : cela peut sembler curieux, mais la synthèse est la partie la plus longue de l'ouvrage (10 pages). C'est encore une fois l'occasion d'enrichir sa connaissance de faits curieux. Chez un tel, un son haut de trompette "semble d'un jaune d'or éclatant et diaphane". Pour un autre, la grosse caisse correspond au chocolat (j'y vois personnellement un sens caché à caractère scatologique).

Ce même "sujet" musicien voit les oeuvres musicales en couleurs : l'impérissable opéra du Marquis d'Ivry les Amants de Péronne (sic : Péronne, Vérone,....Émilien Benoist semble quant à lui atteint d'hallucinations géographiques) est bleu, comme l'ouverture de Tannhauser de Wagner. La musique de Saint-Saëns est d'un gris violacé. Vous le croirez si vous voulez, mais le Vaisseau fantôme de Wagner toujours, est d'un vert brumeux, comme la mer.

4- Interprétation : nous sommes page 34 de la thèse et les choses se corsent. D'un revers de pensée, Émilien Benoist réduit à néant les théories de Cornaz, Pouchet, Tourneux, Lussana, Nuel, Baratoux, Raymond, de Rochas, Féré, dont les hypothèses ingénieuses d'une origine anatomique n'ont jamais été vérifiées. Et même celle de Urbantschitsch pourtant fondée sur l'observation. Mais il a confondu illusion d'optique et audition colorée : passons à autre chose.

Pour Émilien Benoist (et certains auteurs), l'audition colorée procède d'associations d'idées qui se figent pour la vie, et les névrosés sont les plus exposés à cette infirmité. D'ailleurs, la littérature regorge de ces individus.

Il suffit pour s'en convaincre de regarder la poésie contemporaine (d’Émilien Benoist), poésie décadente qui s'inspire de Beaudelaire et qu'on ne peut comprendre si "on ne connaît pas la couleur des mots". Et de citer Adoré Floupette parlant au Pharmacien Tapora, René Chil et son Traité du Verbe, le recueil Vers de couleurs de l'immortel Noël Laumo. Mais rien ne vaut un témoignage personnel.

Émilien raconte qu'il a connu "un jeune poète décadent qui n'était en somme qu'un misérable névrosé, un incapable, un inutile", atteint d'audition colorée. "Flattant sa vanité", il obtient de ce poète un "mémoire" sur la coloration. Toujours dans le cadre de ses mauvaises fréquentations, Émilien nous présente enfin le cas d'un "imbécile vaniteux" qui composait des poèmes "amorphes" dont voici un exemplaire. Il s'agit d'une glauque aédie, d'un poème en vert (et non en vers), que la thèse immortalise :

Lueurs emmy les Océans

Les huîtres ont des grâces de pucelles,
Les belles !
Quand, au fond des océans mystiques,
Elles baillent, vulves érotiques,
Elles ont des reflets d'hémérocales,
Les vierges ostréicales.
Elles ont en leur glauque morbidesse,
De tentaculeuses tendresses,
Emmy les longues algues, intestins verts
Aux langueurs de vers.
Les huîtres ont des grâces de pucelles,
Les belles !

La conclusion de la thèse occupe la page 47. Je ne saurais tenter de la résumer sans risquer de l'allonger.

Aussi, si vous souhaitez prendre connaissance des détails de cette oeuvre, je vous propose de l'acheter. Elle est en vente sur un site Indien pour 1.417 roupies (de sansonnets - je ne peux pas l'éviter...).


Le docteur Benoist mourut à Guémené le 5 décembre 1944 au "manoir" de Trégoaz, après avoir soigné bien des guémenois atteints ou non d'audition colorée. Son fils Michel prit sa relève. Ce dernier est l'auteur d'une thèse dont le sujet est "La contribution à l'étude de l'opération césarienne suprasymphisaire". Mais c'est une autre histoire.

dimanche 25 août 2013

Histoire (politique) de la (re-)construction des églises de Guémené (2)


Voici la seconde partie de l'article consacré aux églises de Guémené, après celle publiée hier évoquant l'ancien bâtiment détruit à la fin du XIXème siècle.

Vers 1870 - 1880, la population de Guémené est à son plus haut, le double d'habitants par rapport à un demi-siècle auparavant. Parallèlement, on l'a vu, l'ancienne église est non seulement petite au regard de cet effectif, mais elle n'est pas en très bon état non plus.

Un curé dont j'ai déjà, par le passé, évoqué l'oeuvre, pour ne pas dire le combat, le curé Revert (voir l'article : "Tout Revert a sa médaille"), comprend vers 1878 que le temps est venu de songer à une nouvelle église.

La difficulté première va consister à fédérer, dans le cadre d'une commission, les différentes couches de notables dont le concours est nécessaire, autour du projet.

Le problème réside moins dans la noblesse terrienne locale : elle est absente certes du conseil municipal mais, catholique, elle s'avère active dans le conseil de fabrique, lequel va devoir mener ce projet.

A côté, il y a les Simon, qui incarnent à Guémené depuis bientôt 80 ans le pouvoir municipal (il y a aussi un député) et dont les options politiques, certes variables, républicaines modérées et modérément républicaines, sont éloignées des idées ultra royalistes qui inspirent certains hobereaux du cru. Il faut compter avec eux car ils sont la courroie de transmission vers le Pouvoir central et ses subsides éventuels.

Parlant de sa commission, le curé Revert écrit à l’Évêché en janvier 1879 : "Les nobles ont accepté avec empressement d'en faire partie. Les nobles et les Simon sont attelés au même char , ce qui ne s'est pas fait sans patience ni peine. Maintenant reste à les faire avancer sans culbute." Le 29 janvier 1879 est sa date fondatrice.

Les premières esquisses architecturales s'inspirent de la volonté commune de disposer d'un vaste édifice, non seulement pour des raisons objectives de taille de population, mais simplement pour faire mieux, au chef-lieu de canton, que le voisin : c'est Guémené qu'aura la plus grosse, d'abord.

La commission s'avise cependant qu'il paraît peu acceptable de proposer des plans correspondants à une église urbaine pour une simple église de campagne : elle décide donc de présenter un devis convenable, quitte à le modifier en cours de construction...

Cette sainte tricherie est déjouée : les trois premiers devis sont refusés. Les Simon sont favorables à un projet simple. L'affaire va traîner un peu, du coup.

On apprend par une délibération municipale du 22 décembre 1878 que le conseil de fabrique devra se débrouiller seul avec l'architecte nantais Bougouin (voir l'article : "Adieu Bougouin !"), l'entrepreneur et pour les démarches à effectuer. On y lit surtout que les revenus de la fabrique, 8.000 francs ( 25 à 30.000 euros) par an, seront entièrement affectés pendant dix ans au projet de nouvelle église.

Entre-temps, un terrain a été trouvé. Ou plutôt offert par Madame Louise-Marie-Caroline-Philomène Jan du Bignon, épouse de Monsieur Arthur-Gaëtan-César-Marie Potiron de Boisfleury, propriétaire demeurant au Boisfleury. Ce terrain de la Bidaudais (un champ de foire) est aussi conséquent que l'identité des donateurs et doit supporter la construction de la nouvelle église ainsi que "l'établissement autour de cet édifice de boulevards et d'un parvis".

Par un vote du 9 avril 1879, la Municipalité autorise le conseil de fabrique à accepter ce don, aux conditions fixées par la bienfaitrice (?).

L'affaire se débloque définitivement dans le courant de l'année 1883 où la souscription lancée auprès de la population est close : elle rapporte 61.000 francs (200.000 euros), avec des oboles variables (de 1 à 10.000 francs). Tant et si bien que la bénédiction de la première pierre a lieu le 21 septembre 1884, avec évêque et fanfare. D'ailleurs, les communes avoisinantes sont conviées à la fête.

Ensuite, les travaux vont à un rythme rapide. Comme c'est l'usage, à côté des dons en argent, des participations en nature sont sollicitées (charrois et travaux manuels divers).

Bien entendu, le devis n'est pas respecté et on cherche à revenir au plan pharaonique initial...Finalement, le dimanche 4 juillet 1886 a lieu la première messe, suivie par la bénédiction de l'église le 4 août.


L'histoire cependant va se poursuivre longtemps encore pour des raisons financières  : quêtes, secours de l'Etat, emprunt...vont se succéder, consécutivement à la démesure des maîtres d'ouvrage. Autres conséquences : l'ajournement sine die des travaux de la façade et du clocher, et le rafistolage affreux qui a défiguré l'oeuvre du curé Revert et de l'architecte Bougouin, auquel on a procédé il y a quelque temps.


C'est à la démesure de ses promoteurs que l'on doit également bien entendu le fait que, malgré l'espace concédé par les Boisfleury, cette église a dû être orientée Nord-Sud et non Est-Ouest comme c'est la règle.

J'ai pas mal publié de textes de d'illustrations sur ce bâtiment et ses détails extérieurs ou intérieurs, que l'on peut trouver en tapant "église de Guémené" dans le barre de recherche en tête de ce blog.

Le curé Revert souhaitait être enterré dans sa "cathédrale" : je ne crois pas que la translation de ses cendres eut bien lieu comme envisagé, mais, comme par hommage, terminons sur la plaque qui, à l'intérieur de l'édifice, est supposée marquer l'endroit de son ensevelissement :


samedi 24 août 2013

Histoire (politique) de la (re-)construction des églises de Guémené (1)


Voici mon dernier article, après le presbytère et les écoles confessionnelles, consacré aux constructions de la paroisse de Guémené au XIXème siècle, inspiré de l'étude de Marie-Pierre Guérin : "La Paroisse de Guémené-Penfao au XXème siècle", que je me suis procurée récemment.

L'existence de la remarquable et massive église actuelle résulte notamment de la décadence de l'ancienne église et de la pression démographique que connaît la commune au XIXème siècle. Mais c'est bien sûr aussi un acte d'affirmation triomphante du catholicisme fin de siècle.

Je me propose dans cette première partie de partager avec vous les derniers instants (assez longs d'ailleurs) de l'église antique de Guémené qui se trouvait comme on sait à l'emplacement de l'actuelle place Simon.

Le 8 juillet 1795, une bande assez nombreuse de Chouans attaque Guémené, commune globalement acquise à la Révolution. Les Républicains plient sous le nombre et se réfugient dans l'église immémoriale. Hélas, leurs poursuivants (tous Chouans qu'ils sont) mettent le feu à l'édifice (mais la morale religieuse est sauve : les Bleus font une sortie et culbutent les royalistes incendiaires).

Sans être totalement abattue, l'église antique de Guémené est bien abîmée, à l'extérieur et à l'intérieur. Rapidement la question de sa restauration s'impose aux autorités que sont, d'une part, la Municipalité et, d'autre part, la fabrique, c'est-à-dire l'organisme paroissial en charge des questions matérielles.

Ainsi, le 26 nivôse an XI (le 16 janvier 1803, pour les mauvais patriotes...), François Simon étant maire de la commune, le Conseil Municipal évoque l'urgence à procéder à des réparations. Peu de temps après sa création, le 18 janvier 1805, le conseil de fabrique s'inquiète également de l'état de l'église.

Rapidement on passe de la parole aux actes. Les paroissiens sont mis à contribution via une quête. La fabrique (qui dispose de revenus) et la Municipalité se joignent à l'effort de la base.

Dans un premier temps, la toiture est posée. Puis en août 1806, un clocher est fini d'être édifié (payé à nouveau par les paroissiens). Dans les années qui suivent, c'est le tour des réparations intérieures : fenêtres, bancs et chaises, fonts baptismaux, lambris...), tant et si bien que vers 1815, l'église ressemble enfin à une église, et moins à une ruine, décente pour son objet, à savoir le culte.

Vers 1800, la population de Guémené se monte à environ 3.500 habitants. Vers 1830 s'amorce une montée démographique qui va conduire au doublement de cet effectif, cinquante ans plus tard. Les premiers effets de cette envolée se font sentir rapidement : la capacité d'accueil de l'église est insuffisante.

La fabrique décide le 15 janvier 1832 qu'un agrandissement s'impose. Une commission est formée entre le conseil de fabrique et les notables du cru (les plus imposés, ceux qui ont l'argent) pour la surveillance des travaux qui débutent en 1834.

Comme de bien entendu, les paroissiens sont priés d'apporter leur cote-part : dons, fourniture de bois de charpente, charrois gratuits...

Ainsi, la tour de l'église est (re-)construite dès cette première année, la cloche étant bénie le 7 janvier 1835. Mais malgré l'avancement des réparations, la "vie" cultuelle dans le bâtiment demeure extrêmement précaire. Le curé de l'époque, monsieur Coué, la décrit dans un courrier adressé le 28 août 1835 à un collègue : 

"Nous sommes sans porte de sacristie, sans balustrade, sans carrelage. Bientôt cependant les murs dedans seront au moins crépis avec un peu de terre et de chaux."

C'est que le problème n'est pas qu'esthétique, comme l'exprime encore le pauvre curé Coué :

"Vous seriez surpris par l'énorme quantité de poussière qui s'élève dans l'église comme un tourbillon, les dimanches à chaque fois que les pauvres bonnes femmes se lèvent en secouant leurs cottes imprégnées."

Au passage, on relève que les hommes font moins de poussière, mais les conséquences de cette situation sont néanmoins dramatiques, couine le saint homme :

"Nous en sommes aveuglés jusque dans le choeur....à chaque fois il faut une nouvelle lessive. Jugez de notre position et de la propreté de nos cérémonies."

Il faut bien penser, hélas, qu'à la messe du dimanche les couches ordinairement plus propres de la société cohabitent avec "les bonnes femmes" : que penser en effet d'une messe qui transforme les maîtres en statues de poussière...Et puis la lessive, à l'époque, c'est quand même sans machine...

Comme si ça ne suffisait pas, il y a l'hiver où c'est bien pire :

"Tout l'hiver nous grelottons sur notre poussière et sur nos ardoises en plein vent".

En 1836 les travaux ont progressé : la sacristie est réparée, la charpente côté nord également, le crépissage intérieur est terminé. Malheureusement, il reste le côté sud toujours en suspens et cela provoque la détérioration des travaux déjà exécutés...C'est encore le manque de moyens financiers qui entrave la bonne fin de la restauration.

En juillet 1837, par exemple, le conseil Municipal se réunit et aborde la question. Le Maire de Guémené déclare qu'il va bien falloir céder aux instances du conseil de fabrique, et terminer les réparations.

Malheureusement, il n'y a plus d'argent car on a décidé de construire une halle et des chemins. On se résout donc à demander un "secours" au préfet pour faire au moins la couverture. Cette délibération permet d'ailleurs de mesurer l'ampleur du travail à accomplir, telle que rappelée dans la discussion du Conseil :

- travaux extérieurs

Crépissage de l'église sur 180 pieds (55 m) de longueur et 80 pieds (24 m) de hauteur, pour les murs ; sur 53 pieds (16 m) de longueur et 35 pieds (11 m) de hauteur, pour les pignons ;

Érection d'une tour de 18 pieds au carré (5,5 m x 5,5 m) sur 80 pieds (24 m) de hauteur ;

Couverture en plomb de la tour surmontée d'une plateforme portant une croix de fer.

- travaux intérieurs :

Lambrissage des deux bas-côté et de la moitié de la nef ;

Carrelage de la totalité de l'église ;

Réfection à neuf de trois autels et des boiseries du choeur ; peinture pour le décor de l'église ;

Escalier, 4 planchers et crépissage intérieur de la tour.


En réalité, l’exécution du programme de travaux ne sera effective (et encore) qu'en 1841, soit sept ans après le lancement du projet !

Cependant, les difficultés rencontrées n'ont pas permis au final de reconstruire un bâtiment remarquable, soit pas son esthétique soit par sa qualité matérielle. Ainsi, en 1846, à la faveur de la visite de l'évêque de Nantes, le curé décrit encore une église peu appétissante... :

"Une des sacristies n'est pas finie, la tour de l'église n'a pas de terminaison et sa couverture en zinc laisse pénétrer la pluie qui endommage la charpente. La tour n'est point lambrissée...Les murs à l'extérieur comme à l'intérieur sont passables pour la propreté mais peu solides".

Pour autant, il faudra bien vivre avec, pendant quelques décennies encore. Car ce n'est qu'à l'été 1886 qu'un nouveau bâtiment sera ouvert au culte.

A suivre, donc. 

En attendant, je remets des illustrations (déjà publiées) de l'ancienne église, peu de temps avant sa mort, vers 1880 :






mercredi 21 août 2013

Histoire de l'école de garçons de Guémené


Voici venu le temps de parler des garçons. Du moins de ceux de l'école Saint-Michel.

Comme celle des filles dont on a parlé hier, la question d'ouvrir une école catholique de garçons s'inscrit dans la réaction de l'Église à la progressive laïcisation de la société - et en particulier de l'enseignement, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème.

Persuadé que l'athéisme qui conquiert les villes commence de gangrener aussi les campagnes, et que le vecteur principal de cette infection mortelle (pour l'âme) est l'école publique, laïque et obligatoire, l'évêque de Nantes, Mgr Rouard, un monarchiste bon teint, décide d'orchestrer la contre-attaque par le déploiement d'écoles concurrentes dites "libres". Cet évêque déclare ainsi que les écoles, l'enseignement catholique, lui sont plus chers que les églises du diocèse : c'est dire son engagement...

Le curé de Guémené est Alexandre Arbeille. Il a succédé en 1899 au curé Revert, promoteur de la construction de l'énorme église actuelle de Guémené, sujet abordé précédemment sur le blog.

Sa mission : complaire à son évêque. Il a déjà à son actif le succès de l'école de filles (notre propos d'hier). Sans doute le temps de souffler (et de trouver des ressources), ce n'est qu'en 1909 que l'école Saint-Michel voit le jour.

Comme toujours, le premier problème à résoudre consiste à trouver un terrain, gratuit de préférence. Comme toujours, la meilleure porte à laquelle frapper pour ce faire, est celle d'un hobereau local, propriétaire disposant de terrains en abondance. L'heureux mécène (il a dû gagner son paradis sur ce coup-là) est Monsieur de Boisfleury. Pour le reste, ce sont les mêmes ressorts que pour l'école de filles : contribution financière des paroissiens et prestation de main d'oeuvre gratuite (charrois).

Le brave Arbeille se préoccupe ensuite de recruter des cadres : un directeur, bientôt flanqué de deux adjoints laïcs, fait son apparition.

Il lui reste ensuite à organiser le recrutement des élèves. Il suffit pour cela d'exhorter les guémenois par la parole ou par l'écrit. Arbeille s'investit énormément dans ce travail. Ses arguments sont frappants et il suffit de se pencher sur un bulletin paroissial, celui du 6 février 1910 en l'occurrence, pour apprécier toute la dialectique du curé.

L'argument développé s'appuie sur un constat que chacun peut faire (ou croire faire) d'une société qui part à vau-l'eau : criminalités galopantes, suicides à tous les étages, stupre et fornication à volonté...Mais quoi de mieux que de le lire pour apprécier l'esprit de nuance cher au bon père : "Parents, ne l'oubliez pas. C'est l'éducation sans Dieu qui fait les insoumis, les voleurs, les assassins, les apaches de toute sorte !".

A Guémené, ce monitoire au tribunal de l'éducation chrétienne dut produire son petit effet dans les chaumières. Qui dans les villages, voudrait en effet prendre le risque de produire de mauvais sujets ? Comme pour les filles, le succès du curé avec son école Saint-Michel est ainsi quasi immédiat : les effectifs de l'école "libre" dépassent bientôt ceux de l'école publique.

Au passage, le bon Arbeille trouve moyen de régler le problème du financement des dépenses scolaires courantes, en inventant le "denier de la foi", offrande demandée aux paroissiens et dédiée à l'entretien et au fonctionnement de ses établissements.

A noter, pour conclure sur une note relativiste, qu'Arbeille n'eut toutefois pas que des succès. S'il vainquit la tentation des esprits de succomber aux charmes délétères de l'école du Diable, il échoua à convertir les Guémenois sur un autre point tout à fait important. Il avoue ainsi en 1899 que ses paroissiens sont des "fanatiques" de la boisson tant le vice de l'ivrognerie est ancré dans leurs mœurs. Comme quoi, à Guémené, il y avait deux liquides sacrés : l'eau bénite et le cidre (il me semble que des deux, il en reste encore un, de nos jours !)...

Pour agrémenter, voici une photo d'une classe à l'école Saint-Michel, de 1950 environ, passée par un ami, ainsi qu'une photo de notre héros du jour, le curé Arbeille, en chemise d'éternité, prise dans le cimetière de Guémené.

A bientôt pour la suite de nos aventures !




mardi 20 août 2013

Histoire de l'école de filles de Guémené


En 1836, un ensemble de textes législatifs encouragent l'ouverture d'écoles primaires dans les communes, d'abord pour les garçons (Loi Guizot), puis pour les filles (Loi Pelet de la Lozère).

J'aurai l'occasion de reparler de l'instruction des garçons.

En 1842, la première école pour filles est ouverte à Guémené. C'est une école privée. Pour enseigner les jeunes demoiselles de Guémené, le maire propose de recourir à des sœurs, celles de Saint-Gildas des Bois, en l'occurrence. Il se trouve qu'elles ont plutôt bonne réputation pour cette activité : ce sont de bonnes "classières", selon l'expression consacrée.

Cette initiative connaît un grand succès : les effectifs de l'école de filles ne va cesser de croître entre 1844 et 1871. Cela a pour effet d'ailleurs d'augmenter le nombre des sœurs enseignantes : trois en 1844 ; huit en 1879 et même dix en 1887 ! A noter que l'école accueille aussi des élèves pensionnaires (entre vingt et trente).

Les sœurs sont plutôt appréciées, non seulement de la population qui leur envoie ses filles comme on vient de le constater, mais de l'inspection académique dont les rapports les présentent comme "morales, zélées et estimées". On peut donc en conclure, au passage, que ni la morale ni le zèle n'étaient donnés pour acquis...

Nos souvenirs d'histoire nous indiquent que la fin du XIXème siècle et le début du XXème ont été des périodes de lutte d'influence entre républicains laïques et cléricaux, lutte dont l'enseignement fut un terrain d'exercice.

Une loi de 1886, la Loi Goblet, vient couronner la reprise en main de l'Ecole par la République, à Guémené comme ailleurs, en imposant que le personnel en soit laïcisé, autrement dit que les bonnes sœurs rendent leur tablier et soient remplacées par des institutrices laïques. Idem côté masculin de la chose, évidemment.

A Guémené, il semble qu'une forme de résistance se soit déployée quant à la mise en oeuvre de cette disposition, car ce n'est qu'en 1902, apparemment, que la laïcisation de l'enseignement intervient.

Mais les sacripants de l'Ecole du Diable (terminologie à peine anachronique) n'ont qu'à bien se tenir car la réplique des catholiques - hiérarchie et paroissiens - est foudroyante : l'école chrétienne pour les filles de Guémené ouvre ainsi ses portes en 1903.

Il s'agit de l'Ecole Saint-Marie, bien sûr, dont on peut affirmer qu'elle est le résultat d'une mobilisation assez transversale de la société guémenoise de l'époque.

Par exemple, le terrain est donné par Monsieur du Halgouët (après tout, c'est un propriétaire terrien) ; des contributions financières des paroissiens facilitent le financement (une bonne taxe porte nécessairement sur une large population) ; de la main-d'oeuvre gratuite est fournie pour assurer les charrois lors de la construction des bâtiments (ça rappelle le bon vieux temps et les corvées d'Ancien Régime)...

Le succès de cette école communale congréganiste est immédiat, ce dont témoigne à nouveau l'augmentation de ses effectifs.

Naturellement, l'enseignement religieux, "sorti" des écoles laïques, est présent, et certains ouvrages utilisés sont ceux qu'on trouvait déjà dans l'école des bonnes sœurs de Saint-Gildas, en 1880 : Le catéchisme du diocèse, l'Histoire Sainte, Les Devoirs du Chrétien,...

Nostalgie, quand tu nous tiens...

Ma mère, comme bien d'autres filles avant et après, a fait ses "études" à Saint-Marie. Même toutes ses études...

Elle m'en parle parfois,...les quatre kilomètres à pied depuis l'Epinay,...parfois, les repas pris le midi chez la grand-mère Françoise au village de la Hyonnais, relativement peu éloigné de l'école,... mais c'était à la fin des années 20...c'est loin...

Je ne résiste pas au plaisir de publier une photo de classe, de sa classe, de 1927, où elle figure avec 39 condisciples. Je ne sais pas s'il est facile ou courant d'avoir une photo de classe si ancienne, mais je trouve le document exceptionnel quand même. Et émouvant aussi, bien sûr : combien de petites filles de cette photo peuvent-elles encore évoquer leurs souvenirs, bons ou mauvais ?...

Ma (future) mère étant parmi les plus petites (physiquement), elle est au premier rang, presque au milieu, vêtue d'un sarrau à pois sombres qui se boutonne sur le côté et de bas noirs. On dirait qu'elle est en chaussons (les autres - sauf une autre, à droite, en charentaises également - ont des bottines), ce qui tendrait à prouver qu'elle venait à l'école en sabots...

J'imagine que c'était une de ses premières photos. Son regard noir de petite fille de six ans paraît assez farouche sous la petite frange...

Le cliché a dû être pris devant le bâtiment qui se trouve le plus éloigné de la route, dans la cour figurant sur la dernière photo à la fin de ce post.







Je suis retourné à l'Ecole Saint-Marie, dimanche dernier, faire quelques photos. La vie continue...