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mercredi 21 août 2013

Histoire de l'école de garçons de Guémené


Voici venu le temps de parler des garçons. Du moins de ceux de l'école Saint-Michel.

Comme celle des filles dont on a parlé hier, la question d'ouvrir une école catholique de garçons s'inscrit dans la réaction de l'Église à la progressive laïcisation de la société - et en particulier de l'enseignement, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème.

Persuadé que l'athéisme qui conquiert les villes commence de gangrener aussi les campagnes, et que le vecteur principal de cette infection mortelle (pour l'âme) est l'école publique, laïque et obligatoire, l'évêque de Nantes, Mgr Rouard, un monarchiste bon teint, décide d'orchestrer la contre-attaque par le déploiement d'écoles concurrentes dites "libres". Cet évêque déclare ainsi que les écoles, l'enseignement catholique, lui sont plus chers que les églises du diocèse : c'est dire son engagement...

Le curé de Guémené est Alexandre Arbeille. Il a succédé en 1899 au curé Revert, promoteur de la construction de l'énorme église actuelle de Guémené, sujet abordé précédemment sur le blog.

Sa mission : complaire à son évêque. Il a déjà à son actif le succès de l'école de filles (notre propos d'hier). Sans doute le temps de souffler (et de trouver des ressources), ce n'est qu'en 1909 que l'école Saint-Michel voit le jour.

Comme toujours, le premier problème à résoudre consiste à trouver un terrain, gratuit de préférence. Comme toujours, la meilleure porte à laquelle frapper pour ce faire, est celle d'un hobereau local, propriétaire disposant de terrains en abondance. L'heureux mécène (il a dû gagner son paradis sur ce coup-là) est Monsieur de Boisfleury. Pour le reste, ce sont les mêmes ressorts que pour l'école de filles : contribution financière des paroissiens et prestation de main d'oeuvre gratuite (charrois).

Le brave Arbeille se préoccupe ensuite de recruter des cadres : un directeur, bientôt flanqué de deux adjoints laïcs, fait son apparition.

Il lui reste ensuite à organiser le recrutement des élèves. Il suffit pour cela d'exhorter les guémenois par la parole ou par l'écrit. Arbeille s'investit énormément dans ce travail. Ses arguments sont frappants et il suffit de se pencher sur un bulletin paroissial, celui du 6 février 1910 en l'occurrence, pour apprécier toute la dialectique du curé.

L'argument développé s'appuie sur un constat que chacun peut faire (ou croire faire) d'une société qui part à vau-l'eau : criminalités galopantes, suicides à tous les étages, stupre et fornication à volonté...Mais quoi de mieux que de le lire pour apprécier l'esprit de nuance cher au bon père : "Parents, ne l'oubliez pas. C'est l'éducation sans Dieu qui fait les insoumis, les voleurs, les assassins, les apaches de toute sorte !".

A Guémené, ce monitoire au tribunal de l'éducation chrétienne dut produire son petit effet dans les chaumières. Qui dans les villages, voudrait en effet prendre le risque de produire de mauvais sujets ? Comme pour les filles, le succès du curé avec son école Saint-Michel est ainsi quasi immédiat : les effectifs de l'école "libre" dépassent bientôt ceux de l'école publique.

Au passage, le bon Arbeille trouve moyen de régler le problème du financement des dépenses scolaires courantes, en inventant le "denier de la foi", offrande demandée aux paroissiens et dédiée à l'entretien et au fonctionnement de ses établissements.

A noter, pour conclure sur une note relativiste, qu'Arbeille n'eut toutefois pas que des succès. S'il vainquit la tentation des esprits de succomber aux charmes délétères de l'école du Diable, il échoua à convertir les Guémenois sur un autre point tout à fait important. Il avoue ainsi en 1899 que ses paroissiens sont des "fanatiques" de la boisson tant le vice de l'ivrognerie est ancré dans leurs mœurs. Comme quoi, à Guémené, il y avait deux liquides sacrés : l'eau bénite et le cidre (il me semble que des deux, il en reste encore un, de nos jours !)...

Pour agrémenter, voici une photo d'une classe à l'école Saint-Michel, de 1950 environ, passée par un ami, ainsi qu'une photo de notre héros du jour, le curé Arbeille, en chemise d'éternité, prise dans le cimetière de Guémené.

A bientôt pour la suite de nos aventures !




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