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samedi 16 août 2014

Parfums d’Occupation 2 : Fables animalières


Le corbeau…

Sous l’Occupation, le Régime de Vichy tente de s'appuyer sur le monde agricole. Il met en place fin décembre 1942, la « Corporation paysanne », organisation pyramidale très hiérarchisée, contrôlée par le Ministère de l’Agriculture, disposant d’une Direction Nationale relayée par un réseau de syndics régionaux patrons « d’Unions régionales corporatives ». Ces dernières sont elles-mêmes subdivisées en syndicats locaux au niveau communal.

Cette courroie de transmission de Vichy accorde par exemple aux syndics locaux la charge de fixer les impositions individuelles et de les notifier aux agriculteurs. Autant dire que gérer un tel organisme dans une petite commune comme Guémené doit valoir pas mal de réactions diverses à son responsable.

Ou sa responsable. Car par chez nous, en ce temps-là (1943), une certaine Veuve Guérin est « gérante » du syndicat.

Mais, à l’évidence, sa gestion lui vaut quelques rancœurs et voici que l’un des plaignants choisit un mode de rétorsion bien de l’époque.

Depuis quelque temps, en effet, des lettres contenant des allégations calomnieuses sont adressées à des habitants de Guémené.

Elles sont en général, signées du nom de la veuve Guérin, ou bien elles portent la mention « Envoi de Mme Vve Guérin ».

Comme dit le journal qui fait état de ces incidents, « cet état de chose n’a pas été sans amener une certaine perturbation dans la localité ».


La Veuve Guérin, a fini par se lasser et a porté plainte. Comme le conclut l’article : « Une enquête est ouverte ; il est à souhaiter qu’elle aboutisse à la découverte de l’auteur de cette lâcheté ».


…et le renard…

Il faisait nuit depuis longtemps ce 11 mars 1943 quand dans la pénombre rôdait un inconnu. Les poules étaient bien rentrées et les renards n’avaient rien à espérer. Sauf un …

Au village de Coisfoux, comme ailleurs, les habitants s'étaient calfeutrés chez eux, des rideaux ne laissant en principe rien filtrer vers l’extérieur des lumières de l’intérieur.

Ce soir-là,  vers 22 h 30, Pauline Levant (née Plantard) qui tient la ferme familiale depuis la mort de son mari, Joseph Levant, et qui y demeure avec sa fille Fernande, âgée de 19 ans, voit soudain entrer l’inconnu.

Celui-ci apostrophe les pauvres femmes inquiètes en se présentant comme un policier. Et même, un « policier étranger », pour reprendre la formule de l’article dont je m’inspire. Un « policier étranger »…voyons, voyons…Un policier anglais ?...non…Américain ?...non…Non, décidément, je ne vois pas de quelle nationalité il peut bien se prévaloir…

Toujours est-il qu’il déclare aux deux femmes être venu leur dresser contravention pour non camouflage de lumière, celle-ci filtrant légèrement au travers d’un carreau de la porte d’entrée.

Les dénégations des femmes n’y font rien : l’inconnu à la nationalité inconnue tire de sa poche un carnet, y graticule quelques mots, détache la feuille et la tend aux contrevenantes. Celles-ci quelque peu incrédules y découvrent le montant réclamé : la somme incroyable de 650 fr. (150 euros) !

Trouvant l’amende exagérée, la cultivatrice discute. L’inconnu passe alors à l’intimidation et menace la femme Levant de revenir la chercher pour la faire envoyer en Allemagne ! (Tiens, pourquoi l’Allemagne ?...)

Enfin, le « kommissar » étant bon enfant, il finit par transiger à 325 fr. (75 euros) dont la veuve et sa fille s’acquittent. Puis il les laisse en disant qu’il avait d’autres infractions à relever. 

Les deux femmes « crouillent » leur porte. Soulagées certes, mais toutes émotionnées quand même, elles finissent par aller se coucher.

L’inconnu poursuit sa tournée dans le voisinage où d’autres femmes seules résident. Il va ainsi frapper à la porte de Marie Guérin, quinquagénaire célibataire, unique occupante de la ferme où jadis vivaient avec elle son frère et sa sœur. Elle en est de 650 francs (150 euros).

Puis c'est au tour de Julienne Amossé, veuve du caporal Pierre-marie Fournel tué à l’ennemi en septembre 1915, qui a alors plus de 60 ans. Le policier mystérieux vient troubler également sa solitude nocturne et lui prend 325 francs (75 euros).

Au matin, Coisfoux s’éveille et les commères se racontent leur mésaventure. Bien sûr, à froid, tout est plus simple et, remarquant entre elles qu’il parlait vraiment bien le français (sans accent) pour un policier « étranger », elles en concluent qu’elles ont été victimes d’un escroc bien de chez nous.

Ensemble, elles sont ensuite parties porter plainte à la gendarmerie qui espère tirer parti de la fiche d’hôtel du malfaiteur pour le retrouver. A condition qu’elle soit exacte…


…et les trois petits cochons

Vichy avait dès l’automne 1940 mis en place une réglementation tatillonne autour de la question du ravitaillement. Il s’agissait d’organiser toute la collecte et la répartition des produits agricoles, dans un pays mis en coupe réglée par les Allemands.

Une administration pyramidale avait été dédiée à cette tâche. Au niveau local, des « chefs de district » étaient soumis à l’autorité de « directeurs départementaux », eux-mêmes soumis aux services de l’administration centrale du Ravitaillement basée à Vichy et à Paris.


Pour Guémené, le fonctionnaire en charge de la question avait nom (cela ne s’invente pas) M. Sieg : « Victoire » en allemand. Était-il allemand d’origine ? Il pouvait en tout cas bien l’être de cœur…

Ainsi, par une belle journée de juillet 1942, M. Sieg se met à suivre à bicyclette les traces des roues d’une camionnette. On voit immédiatement qu’il y a du détective chez tout bon chef de district du Ravitaillement.

Sa traque finit par le mener dans la cour de M. Jarnot, charcutier, place de l’Eglise.

Hélas, le sagace et zélé fonctionnaire n’y voit pas trace du véhicule qui est à l’évidence reparti.

M. Sieg  décide cependant de poursuivre son enquête et se présente à la charcuterie. Je ne sais s’il est alors salué d’un Sieg Heil ! retentissant, mais toujours est-il que, sur sa demande, on le conduit à la « tuerie ».


Et que trouve-t-on à la « tuerie » du charcutier Victor Jarnot ?... Hein ?...Eh bien, on y trouve trois porcs enfermés dans des sacs, preuve du flair quasi animal du fonctionnaire du Ravitaillement. On s’étonne d’ailleurs que M. Sieg ait pu se (Zig et Puce !) rendre aussi efficace tout seul…une petite dénonciation de derrière les fagots, peut-être…

Enfin, le compte du charcutier est bon : Sieg avise aussitôt les gendarmes.

Entendu par ces derniers, M. Jarnot reconnaît que les animaux ont été abattus par lui-même à la campagne et ce irrégulièrement. Il refuse cependant de livrer le nom des vendeurs, ce qui est tout à son honneur.


Quant à la camionnette qui avait si fort à propos aiguisé la curiosité du chef de district au ravitaillement, elle ne transportait qu’une cuisinière électrique pour Mme Jarnot mère…

dimanche 10 août 2014

Parfums d'Occupation 1 : Le testament d’Arthur


Pendant l’Occupation ma famille était pour l'essentiel à Guémené. Ma grand-mère Gustine y travaillait dans une épicerie (chez Madame Miché) ; mon grand-père ne décéda qu’en 1941 ; leurs enfants, à l’exception de ma mère partie à Paris chercher sa subsistance sinon la fortune, y vivotaient avec eux à la Hyonnais, auprès de leur grand-mère maternelle, Françoise Brard.

Les événements qui émaillèrent la vie dans leur commune durent plus ou moins les concerner. Mais s’il en est qui devaient justement les frapper c’était certainement les enterrements et en particulier quand il s’agissait d’un « bel » enterrement.

Mais quoi de plus beau qu’un enterrement de première classe, un enterrement de gens nobles, avec la participation de notabilités et de politiques, des femmes éplorées en grande tenue de deuil, voilette et tout ce qui s’ensuit ?

Ainsi, le mercredi 13 août 1941, en l’église de Guémené, des obsèques d’Arthur Gaétan Potiron de Boisfleury, « décédé pieusement en sa propriété du Boisfleury , alors qu’il allait atteindre, en septembre prochain, sa centième année ».

Si de plus c’est un centenaire, alors la cérémonie a comme un « bonus » : ce n’est pas tous les jours non plus qu’on enterre un centenaire. Bref ce fut un enterrement mémorable, un bien bel enterrement.

Ma mère, vers l’âge de douze ans, avait commencé à travailler à Trémelan, qui dépendait du Boisfleury tout proche. Elle gardait les vaches. Cet engagement lui avait permis de rencontrer des vaches, bien sûr, mais aussi Arthur de Boisfleury, alors déjà nonagénaire. Elle en garde aujourd’hui le souvenir d’un vieillard courbé qui lui parlait de l’Action Française.

Mais il est toutefois impossible de savoir par quelle étrange sinuosité des choses la petite vachère de l’Epinay put inspirer au sénile châtelain l’incongruité de la prêcher sur la formation royaliste qui semblait lui tenir à cœur.

Comme elle manqua ensuite probablement son enterrement : le voici donc, pour elle aussi, en souvenir du vieil hobereau réactionnaire.

Je tire ce récit d’un journal collaborationniste de l’époque (le « Journal de Châteaubriant et de sa Région »), qui expédie assez rapidement l’aspect décoratif des choses au profit de la dimension politique de l’événement qu’il instrumentalise en une propagande tout à la gloire du Maréchal, naturellement.

Pour le pittoresque, deux lignes suffisent : « Les cordons du poêle étaient tenus par MM. le Dr Emilien Benoist, Marion de Procé [maire de Plessé], Marcel Bureau et le comte Amaury du Halgouët. » Une escouade de fameux chasseurs. Puis : « M. l’abbé Diais, curé de Guémené, célébra la Sainte Messe et donna l’absoute. » C’est court, c’est grand !

Ne serait-ce que par curiosité, il dut y avoir foule. Mais le journaliste se concentre sur les « célébrités » : l’inénarrable Emerand Bardoul, député-maire de Marsac (il vota les pleins pouvoirs à Pétain) et conseiller général du canton de Guémené qui est de tous les bons coups ; des personnalités municipales de Guémené (Geffray, maire ; Métayer, premier adjoint ; Chollet, bientôt maire) ; Le Gouvello dirigeant de la très vichyste Corporation Agricole, membre du non moins vichyste « Conseil National » ; des voisins ou amis plus ou moins pourvus de particule (du Dresnay, vicomte maire de Fégréac ; de Saint-Germain, de Chantérac, de Becdelièvre, du Rostu, du Saint ; le Dr Michel Benoist, Fournis, notaire….).

La procession quitta l’église et s’ébranla vers le cimetière, tournant à droite dans la rue de la Poste puis remontant la rue de Beslé. La foule suivait.

Au cimetière, le député Emerand Bardoul prit la parole afin de rendre hommage au défunt. Et quoi de plus parlant pour illustrer la valeur (les valeurs) du disparu, que de donner lecture d’une « adresse » au Vieillard de l’Hôtel du Parc à Vichy, écrite par vieil homme de Guémené de quinze ans son aîné, le 3 mars précédent.

Dans ce mot de billet, Arthur y va à fond la caisse (si j’ose dire…) :

« Monsieur le Maréchal,

Etant entré dans ma centième année, je suis certainement le doyen des saint-cyriens et c’est à ce titre que je me permets de vous adresser ce témoignage de vénération.

Tous les officiers sont fiers de vous. Après avoir admiré le héros de Verdun, ils s’inclinent avec reconnaissance devant le Sauveur de la France.

Puissiez-vous, Monsieur le Maréchal, vivre aussi vieux que moi, pour mener à bien la Rénovation Nationale que vous dirigez avec tant de sagesse.

Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, le salut très respectueux d’un centenaire qui se dit votre obéissant serviteur .»

Evidemment, Emerand ne pouvait pas se contenter de cette lecture sans apporter un peu de matière de son cru.

Ainsi, le député tient à inscrire la personnalité de feu l’ancien élève de St-Cyr (promotion «  Nice et Savoie », 1859 – 1861) dans un lignage, même (et surtout) si les « de Boisfleury » étant d’abord « Potiron » n’avaient aucun titre de noblesse : « Il appartenait à une famille qui a toujours donné à la France de valeureux officiers et chez laquelle les traditions de l’honneur, la fidélité aux convictions les plus chères, l’amour des mêmes devoirs, se sont transmis, de génération en génération, comme des charges héréditaires. »

Emerand Bardoul, voit ensuite dans la « touchante adresse » au Maréchal,  qu’il qualifie de « précieuse synthèse des nobles sentiments de son cœur qui n’avait jamais vieilli », le résumé d’une vie : une vie toute dévouée à la Grande Patrie du défunt, la France…

Mais ce serait réduire la portée cosmique des sentiments patriotiques du doyens des Saint-cyriens, que de passer sous silence l’autre engagement d’Arthur, son implication admirable au profit cette fois de sa petite patrie, c’est-à-dire, vous l’avez compris je pense Mesdames et Messieurs : Guémené-Penfao.

Et en quoi consistait donc, Mesdames et Messieurs, ce substantiel engagement au profit de sa petite patrie ? Eh bien Emerand va vous le dire, Mesdames et Messieurs, Emerand vous le donne en mille, Mesdames et Messieurs… Non, finalement, il ne va rien vous dire de ce que pendant un siècle Arthur Gaétan a fait pour Guémené, « cette terre dont tous les champs, dont tous les bois qu’il avait tant de fois parcourus en infatigable chasseur lui étaient familiers. », à part donc l’avoir nettoyé de son gibier…

S’ensuivent de jolies considérations creuses et bien ciselées évoquant « ce gentilhomme simple et bon », chez qui on trouvait « la charmante bonne grâce d’une âme élevée et bienveillante, une droiture parfaite et cette politesse de l’esprit qui constituait le charme de ses entretiens ». Souvenirs sans doute de quelques propos de table entre nemrods du coin.

Emerand termine sa harangue par quelques larmoiements de bon ton : lamentation sur l’absence du petit-fils en captivité (le lieutenant Henri de Boisfleury, futur maire de Guémené) ; sentiments de profonde et attristée sympathie « à la famille qui pleure son vénéré doyen ; assurance que le souvenir d’Arthur « sera par tous fidèlement conservé ».

Ce fut ensuite au tour de M. Geffray, maire de Guémené, de prendre la parole pour retracer la vie du défunt. Il restait donc des choses à dire…

Enfin, pour conclure, un cortège (forcément long) de parents et d’amis vint serrer la paluche à la famille, c’est-à-dire l’assurer « de toute sa sympathie dans le deuil qui venait de la frapper ».

Un vin d’honneur et un repas apportèrent sans doute un point final aux cérémonies de cette belle journée, mais le journaliste n’était probablement pas invité. 

Dommage, il y aurait eu encore, sans doute, de quoi s'extasier...





dimanche 3 août 2014

La mairie


Il y a deux édifices de conséquence, à Guémené, dont on a déjà parlé sur ce blog : le presbytère, l’église. Mais du côté laïc des choses, il en est un qui trône pourtant au milieu du bourg et qui n’a pas encore fait l’objet de ma sollicitude : la mairie.

Comme bien des mairies du XIXè siècle, celle de Guémené est l’héritière des « maisons communes », concept crée  au moment de la Révolution lors de la laïcisation du pouvoir communal. Leur architecture obéit à quelques règles et préoccupations que l’on retrouve à Guémené.

La réfection de la mairie de Guémené est assez tardive par rapport à ce qu’on observait dans le département. Elle s’inscrit dans un contexte assez particulier. En effet, la décision de la reconstruire est prise en mai 1886, quelques semaines seulement avant la première messe dans la nouvelle et monumentale église de Guémené qui s’est tenue le 4 juillet de la même année : difficile de ne pas y voir quelque peu une réponse du berger laïc à la bergère religieuse.


Les mairies au XIXè siècle

La Révolution de 1789 conduit les communes à disposer de maisons communes, c’est-à-dire de mairies. Ce sont au départ, bien sûr, des bâtiments existants, mais assez vite, au fil du temps, va se poser la question de construire des bâtiments spécifiques.

On doit à l'architecte Jean Nicolas Louis Durand, d’avoir défini en 1817 les canons d'une monumentalité publique. Ce théoricien est favorable à une architecture simple, symétrique, dotée de décors sobres, en un mot une architecture « basée sur les convenances ». Sur ces bases, les communes du XIXè siècle tenteront « d'exprimer simplement la dignité et la sagesse du nouveau pouvoir local ».

Une commune de Loire-Atlantique sur deux possède une mairie héritée du XIXe siècle. Leur façade principale, souvent simple, peut s'orner d'un fronton, d'un balcon à l'étage, de la devise de la République, parfois d'une horloge. Un escalier plus ou moins monumental ou un porche à arcades peut en compléter l'ordonnancement.

Leur implantation dans le bourg, au centre de l’agglomération, bien en valeur sur une place, défiant parfois l’église ou le presbytère qui se trouvent à côté ou vis-à-vis, les différencie des demeures de maître néo-classiques qu’on peut trouver à la même époque. En conséquence de cette situation dans la ville, ces nouveaux édifices facilement repérables participent fortement à la structuration de la plupart des bourgs.

L’importance des nouvelles mairies figure symboliquement ce que représente désormais le Maire, à savoir « le repré­sentant d'une collectivité locale et celui de l'Etat unificateur et centralisé ».

A la fin du XlXè et au début du XXè  siècle, peu de nouvelles mairies seront construites dans le département. Mais les quelques communes concernées (Ponchâteau, Les Sorinières, Sion-les-Mines, La Baule, Guémené, notamment) suivront, à des variantes près, les principes stylistiques adoptés au cours des décennies précédentes.


Le bâtiment de Guémené

L'Hôtel de Ville de Guémené-Penfao a été, dit-on, construit en 1889 à l'occasion du centenaire de la Révolution française. Mais on verra qu’il convient probablement de nuancer cette affirmation.

Ce nouvel édifice vient remplacer une vieille bâtisse du XVè siècle.

Il est bâti en granit dans les soubassements, pierre efficace contre la pénétration de l'humidité, et en calcaire blanc pour le reste.

Le schiste local en est absent : dans les constructions de prestige de l'époque, les matériaux précieux sont privilégiés. De surcroît, leur acheminement en était rendu plus aisé par l'ouverture récente (1881) d’une ligne de chemin de fer (Chateaubriand – Beslé) passant par Guémené et permettant de rejoindre Redon et Rennes.

La façade de l'édifice est ornée d'un clocheton dont la cloche originelle a été remplacée par la sirène des pompiers, et d'une horloge réputée avoir été offerte par Adolphe Simon, ultime avatar de la dynastie municipale des Simon, fils de son père et maire Fidèle II, maire de 1904 à 1919.


La chronologie des événements

Le 12 mai 1886, Fidèle Simon fils, deuxième de ce nom, maire de Guémené comme papa, propose à son Conseil Municipal la construction d’un nouveau bâtiment pour abriter la Mairie et la Justice de paix de la commune.

L’adoption de cette proposition par le Conseil le conduit à voter le principe d’un emprunt de 40.000 francs auprès du Crédit Foncier, lors de sa séance du 16 octobre 1886.

Des plans sont réalisés, confiés aux bons soin d’un cabinet d’architectes nantais fondé par un architecte réputé, Joseph-Fleury Chenantais, où œuvre désormais son fils, Eugène Chenantais.

Le 12 juin 1888, le Conseil Municipal de Guémené décide de maintenir la futur mairie à l’emplacement de l’ancienne. Cette décision à pour effet d’entraîner une réfection des premiers plans, car ceux du cabinet Chenantais sont impropres pour l’emplacement retenu.

D’une certaine façon cela tombe bien. En effet, il faut, pour ce projet de nouvelle mairie, changer d’architecte : la commune est en procès avec M. Chenantais en raison des malfaçons graves constatées au niveau de la construction de l’école de garçons dans la section communale de Guénouvry (la situation y est si dégradée qu’il vaudrait mieux la reconstruire !).

Ainsi, le 14 mars 1889, le Conseil Municipal de Guémené adopte les nouveaux plans présentés par un autre architecte nantais : M. Lenoir.






















Léon Lenoir n’est pas n’importe qui. Né à Nantes en 1830 et il y meurt en 1909. Précurseur, il est l’un des tous premiers à utiliser le béton armé («Grands Moulins de Nantes», en 1894). Il a participé à de nombreux projets dans la région (casino de Pornic, lycée Georges-Clémenceau à Nantes, usines de Couëron, Musée des Beaux-Arts, Forges de Trignac,…). Il fut membre de la Commission Départementale des Bâtiments Civils (instance qui intervenait en tant qu’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès des communes).

Le devis Lenoir se monte à 46.630 francs de l’époque (180 à 200.000 euros), mais on estime que 3.000 francs pourront être épargnés en récupérant des matériaux du bâtiment de la mairie qui sera démoli.

Le 25 juin 1889, Fidèle Simon rapporte devant son Conseil que des riverains du projet souhaitent un autre emplacement, estimant que l’on pourrait ainsi faire construire un marché couvert au lieu et place de la mairie actuelle (derrière laquelle se tenait un marché aux cochons).

Le Maire a réuni ces personnes : onze sur dix-sept ont confirmé le souhait d’un déplacement. Fidèle Simon annonce à son Conseil qu’il le laisse libre de décider, attirant toutefois son attention sur le fait qu’un changement d’emplacement aurait des conséquences financières en ce qu’il remettrait probablement en cause le rabais important consenti par l’adjudicataire des travaux…En sa grande sagesse (pécuniaire), et contre l’avis des riverains, le Conseil vote pour le maintien (les Conseillers sont eux-mêmes des contribuables importants…).

Le 10 septembre 1890, Fidèle Simon expose que les travaux sont terminés : il faut désormais que le Conseil désigne en son sein deux délégués pour leur réception. MM. Chenet Lucas et Durand se commettent à cette tâche.

Enfin, le 15 mars 1891, le Maire signale que l’architecte M. Lenoir a soldé les comptes avec l’entrepreneur (un nommé Bonnet). Il en ressort que, par rapport à un budget final de 46.100 francs, la dépense réelle est de 700 francs inférieure, somme qui reste donc disponible.

Fidèle Simon propose qu’on emploie ce reliquat budgétaire à l’acquisition de mobilier pour les cabinets du Maire et du Juge de Paix, pour celui du Secrétaire de Mairie et du Greffier, ainsi que pour la bibliothèque (dont on découvre l’existence, au passage).

Il semble donc bien que si le projet de réfection de la mairie s’est inscrit dans la perspective du centenaire de la Révolution de 1789, le nouvel édifice n’a pu, en réalité, être utilisé que fin 1890, au mieux, ou début 1891, plus probablement.

Enfin, en 1921, le Conseil Municipal ayant alors à sa tête Gilles Durand, décide l’acquisition d’une horloge pour en orner la mairie. Cette horloge serait fournie par M. Pellerin fils, demeurant 1 rue Santeuil à Nantes. Le montant de cette dépense est de 7.000 francs (environ 7.600 euros), installation comprise. Cette somme est inscrite au budget additionnel pour 1921.

Soit l’horloge offerte par Adolphe Simon a été cassée entre temps, soit Adolphe n’a rien offert du tout, contrairement à ce qu’on peut lire parfois…


Pour finir, voici quelques photos récentes de la façade de la « maison commune » de Guémené.