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mardi 1 mai 2012

Le monument aux morts de Guémené-Penfao (partie 1)


Il n'y a pas beaucoup de monuments récents à Guémené-Penfao. Pas moins qu'ailleurs sans doute, à taille de commune comparable.

Mais chacun peut s'accorder sur le fait que les rares dont on dispose sont remarquables. Je pense à l'église monumentale, je pense à l'ancien vélodrome, je pense au monument aux morts installé dans le coin sud-ouest du cimetière. Je voudrais consacrer deux chapitres à évoquer ce dernier.



On ne peut pas ne pas avoir le regard accroché par la figure grise, légèrement voûtée et humble qui domine le cimetière et que l'on aperçoit, quoiqu'on fasse, en passant sur la route de Beslé. 

Il y a quelque chose de la silhouette de la paysanne de l'Angélus de Millet. Sans doute la douleur est trop grande pour donner lieu à quelque extériorisation. Cette paysanne de Guémené porte sur ses épaules, sur sa nuque, le joug de la peine muette, infinie et irréversible, celui que porteront les épouses, mères, soeurs de 180 jeunes gens de Guémené. 

Il faut le dire, ce monument est remarquable ; car il ne s'agit pas de ces stèles ordinaires dont chaque commune s'est souvent acquittée ; non, il s'agit une oeuvre originale et sensible qu'il est important de célébrer.


Ce premier post est destiné à en montrer la qualité, soit par celle de ses concepteurs et réalisateurs, soit par celle du matériau utilisé. Dans une livraison ultérieure, je transcrirai la relation de son inauguration survenue le 29 avril 1923, telle qu'on peut la lire dans la presse de l'époque et peut-être d'autres évènements consécutifs à cette inauguration, si le temps me le permet... A noter que j'ai trouvé une bonne partie de mes informations sur Wikipedia auquel je renvoie bien volontiers.


1/ Les Artistes


Deux architectes, dont le nom ne figure pas sur le monument, ont collaboré à sa conception. Il s'agit de messieurs Lebas et Rivière. Je n'ai rien trouvé sur leur compte et suis donc incapable d'en dire plus. 

En revanche, le sculpteur est mieux documenté.
Il s'agit en effet de Louis-Henri Nicot, né à Rennes le 12 février 1878 et mort brutalement à paris le 12 juillet 1944. Son nom est perpétué sur son oeuvre guéménéenne.
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Fils d'un entrepreneur, il fréquente l'école des Beaux-Arts de Rennes avant de devenir professeur à l'école des arts appliqués de Paris. Médaillé d'or au Salon des artistes français, c'est un sculpteur et statuaire prolifique et éclectique.


On lui doit notamment en effet (outre le monuments de Guémené et bien d'autres oeuvres), la décoration du palais de justice de Reims, l'Hymne à la mort pour un aviateur tué en service commandé (1912), le monuments aux morts de l'armée du Rhin (Mayence), la Fille au Lévrier (Luxembourg), Evangéline (1933, prétexte à sa médaille d'or), la Martyre de LongfellowAnnaïg Mam Goz (Faoüet),...

Monument aux morts de l'armée du Rhin


 Evangéline

Mais il a également collaboré avec le célèbre faïencier Henriot de Quimper (les Trois Commères, Léonard au Veau, le Mendiant, la Marchande de Poulet,..).


Les Trois Commères


Il est également l'auteur du buste de l'amiral Guépratte, de celui de Charles Le Goffic, de la statue de Théodore Botrel et bien entendus de nombreux monuments aux morts.












Charles Le Goffic

 
2/ Le matériau de la sculpture

Louis-Henri Nicot a choisi la kersantite comme matériau pour cette oeuvre. La kersantite tire son nom de Kersanton hameau de la commune de Loperhet, à 15 km de Brest. 

C'est une roche de composition proche du granite présentant un intérêt certain pour la sculpture, car elle allie la facilité à être sculptée à la résistance au temps et aux intempéries. C'est probablement la seule pierre dont le nom officiel soit directement issu d'un toponyme de Bretagne.

La kersantite est une roche magmatique formée par l'activité volcanique, mais n'ayant pas subi d'éruption. En conséquence elle se trouve en filons et a un grain très fin. Elle est en général de couleur sombre à moyenne. Cette roche est observable maintenant car l'érosion a dégagé plusieurs milliers de mètres de couverture.

La pierre de Kersanton est exploitée depuis le début du XVème siècle, comme en témoignent les plus vieux monuments retrouvés.

Cette exploitation s'est faite dans des carrières de faible profondeur, les filons étant situés entre 20 à 40 mètres. Compte tenu de la faible altitude des carrières, les fronts de taille devaient être asséchés en permanence par pompage. Ces filons sont situés entre des couches de schiste, ce qui permet de les dégager assez facilement.

Un des gros atouts du site de Kersanton, hormis la qualité de la pierre, est la proximité de la mer. Situé à moins de 8 km du rivage, le transport maritime a de tout temps été utilisé pour acheminer ces pierres dans le monde entier. Mais une bonne partie de la production était sculptée sur place et acheminée comme produit fini.

L'histoire de la kersantite est intimement liée à celle du patrimoine religieux breton. Les carrières de l'Hôpital-Camfrout et celles de la pointe du château à Logonna-Daoulas, de Rosmellec à Daoulas et de Kersanton à Loperhet ont fourni une part non négligeable de la matière d'œuvre de la statuaire bretonne. 

Les premières utilisations remontent à l'ouverture du chantier de l'abbaye de Daoulas (1167-1179) et l'utilisation du Kersanton prend son essor au XIVe siècle avec le chantier ducal de la collégiale du Folgoët. 

C'est la pierre de prédilection des plus grands sculpteurs de la région (Roland Doré et Julienn Ozanne). Parmi toutes les constructions et sculptures, citons les églises de Rumengol, de  l'Hôpital-Camfrout , de Lampaul-Guimiliau, les ossuaires de Saint-Herbot, de Sizun, une partie du calvaire de Plougastel-Daoulas, les phares d'Eckmül, de l’Île Vierge, du Créac'h, de Kereon.

La kersantite a servi aussi à la fabrication de boulets de canon...

 Avant guerre, 450 ouvriers travaillaient la pierre dans 6 carrières de l'Hôpital-Camfrout et de Logonna-Daoulas. Il y a un siècle, ils étaient un millier. La dernière carrière, a cessé de fonctionner en 1987.

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