Une fois de plus la cupidité paysanne est le thème de ce conte en patois rapporté par l'Abbé Chenet et transcrit ci-après : au fond, rien, même pas l'Enfer, ne peut détourner le paysan qui va mourir de garder l'argent mal acquis.
A vrai dire c'est sa femme, qui joue le rôle de conseillère, qui rationalise, auprès de son bonhomme au bord du gouffre éternel, le refus de se séparer de l'argent. En tant qu'héritière, elle a évidemment tout intérêt à trouver un bon argument.
Cette fois, le récit est écrit en vers octosyllabes dont j'ai un peu "limé" par endroit la version originale.
Et voici donc, où l'on apprend que le feu de Lucifer n'est qu'un inconvénient dont il est facile de s'accommoder.
Ça t'ait un gars du bourg de Mouais,
Un vrai voleur. Je vous l'assure,
Y'en a partout, c'est ben vrai. Mais
Ce copain-là passait la m'sure.
Il t'ait roublard, mais pas trop fin,
Sa fomm' tait cor' la plus avide,
Ça t'ait la fille à Jean Bertin,
Et tout comm' li, ell' tait cupide.
Un jour Julien tombit malade
Et fut sur l' point de terpasser.
Y s'confessit d'un air maussade
Au bon vieux cureu bien casseu
Qui dit : "Julien, l'argent d'autrui
Est à lui, il n'est pas à vous.
Faudrait l'rendre dès aujourd'hui
Car le demain n'est pas à nous.
Tous les voleurs vont en Enfer,
Vous le savez depuis longtemps,
Y brûler l'été comm' l'hiver
S'il ne le rend'nt auparavant."
Comme il l'avait fait tout' sa vie,
Julien voulut encore un coup
Consulter sa Jeanne-Marie
Qui devait dir' son mot sur tout.
- Jeann' lui répondit : "Mon pauvre homme,
L'Enfer, bien sûr, ça fait grand pou.
Tu t'y habitueras en somme,
Les premiers du temps c'est pas doux !
Mais rappell' te ton gilet d' peau
Qu' t'as pris après ta pluresie.
Les premiers jours sans aucun r'pos
Tu gémissais comm' un' harpie.
Et puis, à c't heur' t'es ben content :
On s'fait à tout, tout s'adoucit.
N' va donc pas rendre ton argent,
A l'Enfer, tu t' f'ras ben aussi.
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