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samedi 24 août 2013

Histoire (politique) de la (re-)construction des églises de Guémené (1)


Voici mon dernier article, après le presbytère et les écoles confessionnelles, consacré aux constructions de la paroisse de Guémené au XIXème siècle, inspiré de l'étude de Marie-Pierre Guérin : "La Paroisse de Guémené-Penfao au XXème siècle", que je me suis procurée récemment.

L'existence de la remarquable et massive église actuelle résulte notamment de la décadence de l'ancienne église et de la pression démographique que connaît la commune au XIXème siècle. Mais c'est bien sûr aussi un acte d'affirmation triomphante du catholicisme fin de siècle.

Je me propose dans cette première partie de partager avec vous les derniers instants (assez longs d'ailleurs) de l'église antique de Guémené qui se trouvait comme on sait à l'emplacement de l'actuelle place Simon.

Le 8 juillet 1795, une bande assez nombreuse de Chouans attaque Guémené, commune globalement acquise à la Révolution. Les Républicains plient sous le nombre et se réfugient dans l'église immémoriale. Hélas, leurs poursuivants (tous Chouans qu'ils sont) mettent le feu à l'édifice (mais la morale religieuse est sauve : les Bleus font une sortie et culbutent les royalistes incendiaires).

Sans être totalement abattue, l'église antique de Guémené est bien abîmée, à l'extérieur et à l'intérieur. Rapidement la question de sa restauration s'impose aux autorités que sont, d'une part, la Municipalité et, d'autre part, la fabrique, c'est-à-dire l'organisme paroissial en charge des questions matérielles.

Ainsi, le 26 nivôse an XI (le 16 janvier 1803, pour les mauvais patriotes...), François Simon étant maire de la commune, le Conseil Municipal évoque l'urgence à procéder à des réparations. Peu de temps après sa création, le 18 janvier 1805, le conseil de fabrique s'inquiète également de l'état de l'église.

Rapidement on passe de la parole aux actes. Les paroissiens sont mis à contribution via une quête. La fabrique (qui dispose de revenus) et la Municipalité se joignent à l'effort de la base.

Dans un premier temps, la toiture est posée. Puis en août 1806, un clocher est fini d'être édifié (payé à nouveau par les paroissiens). Dans les années qui suivent, c'est le tour des réparations intérieures : fenêtres, bancs et chaises, fonts baptismaux, lambris...), tant et si bien que vers 1815, l'église ressemble enfin à une église, et moins à une ruine, décente pour son objet, à savoir le culte.

Vers 1800, la population de Guémené se monte à environ 3.500 habitants. Vers 1830 s'amorce une montée démographique qui va conduire au doublement de cet effectif, cinquante ans plus tard. Les premiers effets de cette envolée se font sentir rapidement : la capacité d'accueil de l'église est insuffisante.

La fabrique décide le 15 janvier 1832 qu'un agrandissement s'impose. Une commission est formée entre le conseil de fabrique et les notables du cru (les plus imposés, ceux qui ont l'argent) pour la surveillance des travaux qui débutent en 1834.

Comme de bien entendu, les paroissiens sont priés d'apporter leur cote-part : dons, fourniture de bois de charpente, charrois gratuits...

Ainsi, la tour de l'église est (re-)construite dès cette première année, la cloche étant bénie le 7 janvier 1835. Mais malgré l'avancement des réparations, la "vie" cultuelle dans le bâtiment demeure extrêmement précaire. Le curé de l'époque, monsieur Coué, la décrit dans un courrier adressé le 28 août 1835 à un collègue : 

"Nous sommes sans porte de sacristie, sans balustrade, sans carrelage. Bientôt cependant les murs dedans seront au moins crépis avec un peu de terre et de chaux."

C'est que le problème n'est pas qu'esthétique, comme l'exprime encore le pauvre curé Coué :

"Vous seriez surpris par l'énorme quantité de poussière qui s'élève dans l'église comme un tourbillon, les dimanches à chaque fois que les pauvres bonnes femmes se lèvent en secouant leurs cottes imprégnées."

Au passage, on relève que les hommes font moins de poussière, mais les conséquences de cette situation sont néanmoins dramatiques, couine le saint homme :

"Nous en sommes aveuglés jusque dans le choeur....à chaque fois il faut une nouvelle lessive. Jugez de notre position et de la propreté de nos cérémonies."

Il faut bien penser, hélas, qu'à la messe du dimanche les couches ordinairement plus propres de la société cohabitent avec "les bonnes femmes" : que penser en effet d'une messe qui transforme les maîtres en statues de poussière...Et puis la lessive, à l'époque, c'est quand même sans machine...

Comme si ça ne suffisait pas, il y a l'hiver où c'est bien pire :

"Tout l'hiver nous grelottons sur notre poussière et sur nos ardoises en plein vent".

En 1836 les travaux ont progressé : la sacristie est réparée, la charpente côté nord également, le crépissage intérieur est terminé. Malheureusement, il reste le côté sud toujours en suspens et cela provoque la détérioration des travaux déjà exécutés...C'est encore le manque de moyens financiers qui entrave la bonne fin de la restauration.

En juillet 1837, par exemple, le conseil Municipal se réunit et aborde la question. Le Maire de Guémené déclare qu'il va bien falloir céder aux instances du conseil de fabrique, et terminer les réparations.

Malheureusement, il n'y a plus d'argent car on a décidé de construire une halle et des chemins. On se résout donc à demander un "secours" au préfet pour faire au moins la couverture. Cette délibération permet d'ailleurs de mesurer l'ampleur du travail à accomplir, telle que rappelée dans la discussion du Conseil :

- travaux extérieurs

Crépissage de l'église sur 180 pieds (55 m) de longueur et 80 pieds (24 m) de hauteur, pour les murs ; sur 53 pieds (16 m) de longueur et 35 pieds (11 m) de hauteur, pour les pignons ;

Érection d'une tour de 18 pieds au carré (5,5 m x 5,5 m) sur 80 pieds (24 m) de hauteur ;

Couverture en plomb de la tour surmontée d'une plateforme portant une croix de fer.

- travaux intérieurs :

Lambrissage des deux bas-côté et de la moitié de la nef ;

Carrelage de la totalité de l'église ;

Réfection à neuf de trois autels et des boiseries du choeur ; peinture pour le décor de l'église ;

Escalier, 4 planchers et crépissage intérieur de la tour.


En réalité, l’exécution du programme de travaux ne sera effective (et encore) qu'en 1841, soit sept ans après le lancement du projet !

Cependant, les difficultés rencontrées n'ont pas permis au final de reconstruire un bâtiment remarquable, soit pas son esthétique soit par sa qualité matérielle. Ainsi, en 1846, à la faveur de la visite de l'évêque de Nantes, le curé décrit encore une église peu appétissante... :

"Une des sacristies n'est pas finie, la tour de l'église n'a pas de terminaison et sa couverture en zinc laisse pénétrer la pluie qui endommage la charpente. La tour n'est point lambrissée...Les murs à l'extérieur comme à l'intérieur sont passables pour la propreté mais peu solides".

Pour autant, il faudra bien vivre avec, pendant quelques décennies encore. Car ce n'est qu'à l'été 1886 qu'un nouveau bâtiment sera ouvert au culte.

A suivre, donc. 

En attendant, je remets des illustrations (déjà publiées) de l'ancienne église, peu de temps avant sa mort, vers 1880 :






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