Il est des lectures édifiantes et il est parfois regrettable que les titres de presse soit si éphémères.
Je me suis ainsi délecté à la lecture d'un organe aujourd'hui disparu - et qui assurément nous manque -, un journal patriote d'antan qui ferait encore bonne figure de nos jours, je veux parler du Nationaliste de l'Ouest.
Fondé vers 1899, cette feuille de choux arborait à sa "une" la fière devise qui n'a hélas pas perdu de son actualité : La France aux Français !
On devine assez vers quelle tendance politique ce journal versait et c'est sans surprise qu'on y trouve une relation émue et française d'un événement marquant qui toucha Guémené vers le début du siècle passé.
L'action se situe le dimanche 10 octobre 1909. Elle a pour cadre l'église de Guémené à l'heure des vêpres, puis le court espace de rues qui sépare cet édifice de l'école Saint-Michel et, enfin, la cours de cette école elle-même dont c'est l'inauguration ou, pour mieux dire, la "Bénédiction".
Ainsi commence l'article dont je me m'inspire :
"Le dimanche 10 octobre 1909, la population chrétienne de Guémené-Penfao, était convoquée à la bénédiction d’une école chrétienne de garçons."
Je dirais même chrétiennement plus :
"Le dimanche chrétien 10 octobre chrétien 1909, la population chrétienne de Guémené-Penfao, était chrétiennement convoquée à la bénédiction chrétienne de l'école chrétienne de garçons chrétiens".
On commença par chanter des vêpres. L'abbé Arbeille butinait autour de l'autel, entouré de ses vicaires. Parmi eux le Père Martin, Eugène ou Edouard, car comme on sait, il y en a plus d'un qui s'appelle Martin.
Des prêtres des environs s'étaient également joints à l'événement, ainsi que le chanoine Courgeon, enfant du pays et fer de lance de la reconquête scolaire dans le diocèse.
L'église était pleine comme un œuf, ce qui n'était pas très forcément usuel pour ce genre de cérémonies. On avait là les bienfaiteurs, les nobliaux qui avaient offert le terrain, des prêtres du coin, quelques notabilités et des paysans avec leurs enfants, tous endimanchés, cela va de soi.
On débita les psaumes et leurs antiennes. Une petite lecture d’Évangile et un Magnificat plus loin, on en vint à l'essentiel.
Au milieu du choeur de l'église gisaient des crucifix exposés sur trois brancards "gracieusement ornés de rouge et de blanc".
On commença par chanter des vêpres. L'abbé Arbeille butinait autour de l'autel, entouré de ses vicaires. Parmi eux le Père Martin, Eugène ou Edouard, car comme on sait, il y en a plus d'un qui s'appelle Martin.
Des prêtres des environs s'étaient également joints à l'événement, ainsi que le chanoine Courgeon, enfant du pays et fer de lance de la reconquête scolaire dans le diocèse.
L'église était pleine comme un œuf, ce qui n'était pas très forcément usuel pour ce genre de cérémonies. On avait là les bienfaiteurs, les nobliaux qui avaient offert le terrain, des prêtres du coin, quelques notabilités et des paysans avec leurs enfants, tous endimanchés, cela va de soi.
On débita les psaumes et leurs antiennes. Une petite lecture d’Évangile et un Magnificat plus loin, on en vint à l'essentiel.
Au milieu du choeur de l'église gisaient des crucifix exposés sur trois brancards "gracieusement ornés de rouge et de blanc".
Le curé Arbeille s'approcha et se mit à bénir ces objets. Puis le bonhomme s'écarta et de petites mains empoignèrent les brancards. Comme le remarque nos sources journalistiques, "les enfant sont heureux de porter les Crucifix qui bientôt présideront à leurs travaux".
La procession s'organisa derrière ces brancards que leurs porteurs dirigeaient vers le portail de l'église. Les prêtres tenaient la tête, suivis de deux longues files d'enfants, filles et garçons, de l'école Sainte-Marie et de la nouvelle école Saint-Michel. Les parents et les autres paroissiens passèrent derrière.
Tout se petit monde trottinait gentiment en chantant un cantique de circonstance :
Nous voulons Dieu dans nos écoles,
Pour qu'on enseigne à tous nos fils
Sa loi divine et ses paroles
Sous le regard du Crucifix.
Les curés et quelques dévots, les enfants à qui on l'avait inculqué, vociféraient le couplet et la foule reprenait en choeur le refrain :
Bénis, ô tendre Mère,
Ce cri de notre foi;
Nous voulons Dieu, c'est notre Père,
Nous voulons Dieu, c'est notre Roi.
C'était un bien bel ensemble et qui faisait bel effet. Et puis ce beau cantique vous remuait la conviction jusqu’au fond de la moelle. D'ailleurs, il comporte un autre couplet qui n'allait pas tarder à avoir quelque actualité :
Nous voulons Dieu dans notre armée,
Afin que le jeune soldat
En servant sa patrie aimée
Meure en chrétien dans le combat.
(Quel étrange idée...Ne serait il pas plus juste de dire : nous voulons Dieu dans notre armée pour que les jeunes gens de notre armée ne meurent pas au combat ?)
Aux fenêtres des maisons de la place de l'église, sur les trottoirs, quelques personnes observaient le flot des hommes, des femmes, des enfants et des prêtres, avec recueillement.
Bientôt la tête du cortège atteignit l'école et pénétra dans sa cours. Petit à petit, la procession s'engouffra et se disposa dans cette enceinte.
C'est à ce moment que le chanoine Courgeon prit la parole. Le chanoine était né à Guémené et avait fait une belle carrière ecclésiastique.
Depuis 1888, Henri -Aimé-Marie Courgeon était chanoine prébendé, ce qui n'implique rien de particulièrement cochon, mais veut dire simplement qu'il touchait un traitement.
Il avait vu le jour le 7 janvier 1850 au Grand-Moulin que l'on voit toujours sur le Don, d'un père farinier. Visiblement les Courgeon avaient l'habitude de rouler dans la farine, car au moment où se déroule notre petite fête, une autre branche des Courgeon était meunière à la Grée-Bréhaut, dans l'un des moulins de la Butte.
Passé ce premier pas matinale dans la carrière (il naît à quatre heures du matin), Henri poursuivit sa route pendant vingt-quatre ans jusqu’à être ordonné en 1874. C'est une carrière dans l'enseignement qu'il choisit : il sera ainsi maître d'établissement au Petit Séminaire, à l'Ecole Normale Ecclésiastique, puis à Saint-Stanislas, avant d'être nommé Supérieur de Guérande, en 1885.
Autant dire que ce n'était pas rien que de l'avoir là, dans la cours de la nouvelle école. Tout modeste, il s'avance et, lui "qui aime tant son pays natal, adresse à tous ses encouragements et ses conseils" (fais tes devoirs, respecte tes maîtres, dis tes prières, lave-toi les dents, fait la bise à la grand-mère, t'occupe pas des filles - ni des petits-garçons-, mouche-toi le nez, etc...).
Les mères des écoliers de Saint-Michel furent émues. Mais le meilleur restait à venir.
Alexandre Arbeille, succédant au Chanoine, s'adresse à la foule "en termes émus qui tirent les larmes des yeux, remercie tous ceux qui ont concouru à la beauté de la fête. Enfin, il adresse un merci aux parents qui ont su si bien comprendre leur devoir".
C'en est trop, il faut débonder le trop-plein d'émotion qui gît au fond du coeur de chacun. Pour se soulager, un autre cantique de circonstance est entonné qui clôt la cérémonie :
Ils ne l'auront jamais
L' âme des enfants de la France !
Redisons ce cri de vaillance :
Ils ne l'auront jamais, jamais !
Tant que brillera le soleil
Sur nos champs et sur nos montagnes,
Tant que les fils de nos campagnes
Prieront aux heures du réveil ;
Jadis nos pères ont souffert,
Leur sang a coulé dans nos plaines ;
Mais ils ont su briser leurs chaînes !
L'amour est plus fort que l'enfer.
Pour tomber sous leur joug honteux,
Enfants, vos âmes sont trop belles !
A Dieu vous resterez fidèles
Et vous regarderez les Cieux !
Et nous, jusqu'au dernier soupir,
Nous crierons : Règne sur la France,
O Christ, notre unique espérance :
Plutôt que t'abjurer, mourir...
On voit bien que tout dépendait quand même de ce que "les fils de nos campagnes prieront aux heures du réveil" ou pas...C'était pas gagné...
La procession s'organisa derrière ces brancards que leurs porteurs dirigeaient vers le portail de l'église. Les prêtres tenaient la tête, suivis de deux longues files d'enfants, filles et garçons, de l'école Sainte-Marie et de la nouvelle école Saint-Michel. Les parents et les autres paroissiens passèrent derrière.
Tout se petit monde trottinait gentiment en chantant un cantique de circonstance :
Nous voulons Dieu dans nos écoles,
Pour qu'on enseigne à tous nos fils
Sa loi divine et ses paroles
Sous le regard du Crucifix.
Les curés et quelques dévots, les enfants à qui on l'avait inculqué, vociféraient le couplet et la foule reprenait en choeur le refrain :
Bénis, ô tendre Mère,
Ce cri de notre foi;
Nous voulons Dieu, c'est notre Père,
Nous voulons Dieu, c'est notre Roi.
C'était un bien bel ensemble et qui faisait bel effet. Et puis ce beau cantique vous remuait la conviction jusqu’au fond de la moelle. D'ailleurs, il comporte un autre couplet qui n'allait pas tarder à avoir quelque actualité :
Nous voulons Dieu dans notre armée,
Afin que le jeune soldat
En servant sa patrie aimée
Meure en chrétien dans le combat.
(Quel étrange idée...Ne serait il pas plus juste de dire : nous voulons Dieu dans notre armée pour que les jeunes gens de notre armée ne meurent pas au combat ?)
Aux fenêtres des maisons de la place de l'église, sur les trottoirs, quelques personnes observaient le flot des hommes, des femmes, des enfants et des prêtres, avec recueillement.
Bientôt la tête du cortège atteignit l'école et pénétra dans sa cours. Petit à petit, la procession s'engouffra et se disposa dans cette enceinte.
C'est à ce moment que le chanoine Courgeon prit la parole. Le chanoine était né à Guémené et avait fait une belle carrière ecclésiastique.
Depuis 1888, Henri -Aimé-Marie Courgeon était chanoine prébendé, ce qui n'implique rien de particulièrement cochon, mais veut dire simplement qu'il touchait un traitement.
Il avait vu le jour le 7 janvier 1850 au Grand-Moulin que l'on voit toujours sur le Don, d'un père farinier. Visiblement les Courgeon avaient l'habitude de rouler dans la farine, car au moment où se déroule notre petite fête, une autre branche des Courgeon était meunière à la Grée-Bréhaut, dans l'un des moulins de la Butte.
Passé ce premier pas matinale dans la carrière (il naît à quatre heures du matin), Henri poursuivit sa route pendant vingt-quatre ans jusqu’à être ordonné en 1874. C'est une carrière dans l'enseignement qu'il choisit : il sera ainsi maître d'établissement au Petit Séminaire, à l'Ecole Normale Ecclésiastique, puis à Saint-Stanislas, avant d'être nommé Supérieur de Guérande, en 1885.
Autant dire que ce n'était pas rien que de l'avoir là, dans la cours de la nouvelle école. Tout modeste, il s'avance et, lui "qui aime tant son pays natal, adresse à tous ses encouragements et ses conseils" (fais tes devoirs, respecte tes maîtres, dis tes prières, lave-toi les dents, fait la bise à la grand-mère, t'occupe pas des filles - ni des petits-garçons-, mouche-toi le nez, etc...).
Les mères des écoliers de Saint-Michel furent émues. Mais le meilleur restait à venir.
Alexandre Arbeille, succédant au Chanoine, s'adresse à la foule "en termes émus qui tirent les larmes des yeux, remercie tous ceux qui ont concouru à la beauté de la fête. Enfin, il adresse un merci aux parents qui ont su si bien comprendre leur devoir".
C'en est trop, il faut débonder le trop-plein d'émotion qui gît au fond du coeur de chacun. Pour se soulager, un autre cantique de circonstance est entonné qui clôt la cérémonie :
Ils ne l'auront jamais
L' âme des enfants de la France !
Redisons ce cri de vaillance :
Ils ne l'auront jamais, jamais !
Tant que brillera le soleil
Sur nos champs et sur nos montagnes,
Tant que les fils de nos campagnes
Prieront aux heures du réveil ;
Jadis nos pères ont souffert,
Leur sang a coulé dans nos plaines ;
Mais ils ont su briser leurs chaînes !
L'amour est plus fort que l'enfer.
Pour tomber sous leur joug honteux,
Enfants, vos âmes sont trop belles !
A Dieu vous resterez fidèles
Et vous regarderez les Cieux !
Et nous, jusqu'au dernier soupir,
Nous crierons : Règne sur la France,
O Christ, notre unique espérance :
Plutôt que t'abjurer, mourir...
On voit bien que tout dépendait quand même de ce que "les fils de nos campagnes prieront aux heures du réveil" ou pas...C'était pas gagné...
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