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dimanche 3 août 2014

La mairie


Il y a deux édifices de conséquence, à Guémené, dont on a déjà parlé sur ce blog : le presbytère, l’église. Mais du côté laïc des choses, il en est un qui trône pourtant au milieu du bourg et qui n’a pas encore fait l’objet de ma sollicitude : la mairie.

Comme bien des mairies du XIXè siècle, celle de Guémené est l’héritière des « maisons communes », concept crée  au moment de la Révolution lors de la laïcisation du pouvoir communal. Leur architecture obéit à quelques règles et préoccupations que l’on retrouve à Guémené.

La réfection de la mairie de Guémené est assez tardive par rapport à ce qu’on observait dans le département. Elle s’inscrit dans un contexte assez particulier. En effet, la décision de la reconstruire est prise en mai 1886, quelques semaines seulement avant la première messe dans la nouvelle et monumentale église de Guémené qui s’est tenue le 4 juillet de la même année : difficile de ne pas y voir quelque peu une réponse du berger laïc à la bergère religieuse.


Les mairies au XIXè siècle

La Révolution de 1789 conduit les communes à disposer de maisons communes, c’est-à-dire de mairies. Ce sont au départ, bien sûr, des bâtiments existants, mais assez vite, au fil du temps, va se poser la question de construire des bâtiments spécifiques.

On doit à l'architecte Jean Nicolas Louis Durand, d’avoir défini en 1817 les canons d'une monumentalité publique. Ce théoricien est favorable à une architecture simple, symétrique, dotée de décors sobres, en un mot une architecture « basée sur les convenances ». Sur ces bases, les communes du XIXè siècle tenteront « d'exprimer simplement la dignité et la sagesse du nouveau pouvoir local ».

Une commune de Loire-Atlantique sur deux possède une mairie héritée du XIXe siècle. Leur façade principale, souvent simple, peut s'orner d'un fronton, d'un balcon à l'étage, de la devise de la République, parfois d'une horloge. Un escalier plus ou moins monumental ou un porche à arcades peut en compléter l'ordonnancement.

Leur implantation dans le bourg, au centre de l’agglomération, bien en valeur sur une place, défiant parfois l’église ou le presbytère qui se trouvent à côté ou vis-à-vis, les différencie des demeures de maître néo-classiques qu’on peut trouver à la même époque. En conséquence de cette situation dans la ville, ces nouveaux édifices facilement repérables participent fortement à la structuration de la plupart des bourgs.

L’importance des nouvelles mairies figure symboliquement ce que représente désormais le Maire, à savoir « le repré­sentant d'une collectivité locale et celui de l'Etat unificateur et centralisé ».

A la fin du XlXè et au début du XXè  siècle, peu de nouvelles mairies seront construites dans le département. Mais les quelques communes concernées (Ponchâteau, Les Sorinières, Sion-les-Mines, La Baule, Guémené, notamment) suivront, à des variantes près, les principes stylistiques adoptés au cours des décennies précédentes.


Le bâtiment de Guémené

L'Hôtel de Ville de Guémené-Penfao a été, dit-on, construit en 1889 à l'occasion du centenaire de la Révolution française. Mais on verra qu’il convient probablement de nuancer cette affirmation.

Ce nouvel édifice vient remplacer une vieille bâtisse du XVè siècle.

Il est bâti en granit dans les soubassements, pierre efficace contre la pénétration de l'humidité, et en calcaire blanc pour le reste.

Le schiste local en est absent : dans les constructions de prestige de l'époque, les matériaux précieux sont privilégiés. De surcroît, leur acheminement en était rendu plus aisé par l'ouverture récente (1881) d’une ligne de chemin de fer (Chateaubriand – Beslé) passant par Guémené et permettant de rejoindre Redon et Rennes.

La façade de l'édifice est ornée d'un clocheton dont la cloche originelle a été remplacée par la sirène des pompiers, et d'une horloge réputée avoir été offerte par Adolphe Simon, ultime avatar de la dynastie municipale des Simon, fils de son père et maire Fidèle II, maire de 1904 à 1919.


La chronologie des événements

Le 12 mai 1886, Fidèle Simon fils, deuxième de ce nom, maire de Guémené comme papa, propose à son Conseil Municipal la construction d’un nouveau bâtiment pour abriter la Mairie et la Justice de paix de la commune.

L’adoption de cette proposition par le Conseil le conduit à voter le principe d’un emprunt de 40.000 francs auprès du Crédit Foncier, lors de sa séance du 16 octobre 1886.

Des plans sont réalisés, confiés aux bons soin d’un cabinet d’architectes nantais fondé par un architecte réputé, Joseph-Fleury Chenantais, où œuvre désormais son fils, Eugène Chenantais.

Le 12 juin 1888, le Conseil Municipal de Guémené décide de maintenir la futur mairie à l’emplacement de l’ancienne. Cette décision à pour effet d’entraîner une réfection des premiers plans, car ceux du cabinet Chenantais sont impropres pour l’emplacement retenu.

D’une certaine façon cela tombe bien. En effet, il faut, pour ce projet de nouvelle mairie, changer d’architecte : la commune est en procès avec M. Chenantais en raison des malfaçons graves constatées au niveau de la construction de l’école de garçons dans la section communale de Guénouvry (la situation y est si dégradée qu’il vaudrait mieux la reconstruire !).

Ainsi, le 14 mars 1889, le Conseil Municipal de Guémené adopte les nouveaux plans présentés par un autre architecte nantais : M. Lenoir.






















Léon Lenoir n’est pas n’importe qui. Né à Nantes en 1830 et il y meurt en 1909. Précurseur, il est l’un des tous premiers à utiliser le béton armé («Grands Moulins de Nantes», en 1894). Il a participé à de nombreux projets dans la région (casino de Pornic, lycée Georges-Clémenceau à Nantes, usines de Couëron, Musée des Beaux-Arts, Forges de Trignac,…). Il fut membre de la Commission Départementale des Bâtiments Civils (instance qui intervenait en tant qu’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès des communes).

Le devis Lenoir se monte à 46.630 francs de l’époque (180 à 200.000 euros), mais on estime que 3.000 francs pourront être épargnés en récupérant des matériaux du bâtiment de la mairie qui sera démoli.

Le 25 juin 1889, Fidèle Simon rapporte devant son Conseil que des riverains du projet souhaitent un autre emplacement, estimant que l’on pourrait ainsi faire construire un marché couvert au lieu et place de la mairie actuelle (derrière laquelle se tenait un marché aux cochons).

Le Maire a réuni ces personnes : onze sur dix-sept ont confirmé le souhait d’un déplacement. Fidèle Simon annonce à son Conseil qu’il le laisse libre de décider, attirant toutefois son attention sur le fait qu’un changement d’emplacement aurait des conséquences financières en ce qu’il remettrait probablement en cause le rabais important consenti par l’adjudicataire des travaux…En sa grande sagesse (pécuniaire), et contre l’avis des riverains, le Conseil vote pour le maintien (les Conseillers sont eux-mêmes des contribuables importants…).

Le 10 septembre 1890, Fidèle Simon expose que les travaux sont terminés : il faut désormais que le Conseil désigne en son sein deux délégués pour leur réception. MM. Chenet Lucas et Durand se commettent à cette tâche.

Enfin, le 15 mars 1891, le Maire signale que l’architecte M. Lenoir a soldé les comptes avec l’entrepreneur (un nommé Bonnet). Il en ressort que, par rapport à un budget final de 46.100 francs, la dépense réelle est de 700 francs inférieure, somme qui reste donc disponible.

Fidèle Simon propose qu’on emploie ce reliquat budgétaire à l’acquisition de mobilier pour les cabinets du Maire et du Juge de Paix, pour celui du Secrétaire de Mairie et du Greffier, ainsi que pour la bibliothèque (dont on découvre l’existence, au passage).

Il semble donc bien que si le projet de réfection de la mairie s’est inscrit dans la perspective du centenaire de la Révolution de 1789, le nouvel édifice n’a pu, en réalité, être utilisé que fin 1890, au mieux, ou début 1891, plus probablement.

Enfin, en 1921, le Conseil Municipal ayant alors à sa tête Gilles Durand, décide l’acquisition d’une horloge pour en orner la mairie. Cette horloge serait fournie par M. Pellerin fils, demeurant 1 rue Santeuil à Nantes. Le montant de cette dépense est de 7.000 francs (environ 7.600 euros), installation comprise. Cette somme est inscrite au budget additionnel pour 1921.

Soit l’horloge offerte par Adolphe Simon a été cassée entre temps, soit Adolphe n’a rien offert du tout, contrairement à ce qu’on peut lire parfois…


Pour finir, voici quelques photos récentes de la façade de la « maison commune » de Guémené.

















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