Et pourquoi ne pas parler des vingt autres ? - Ils méritent bien autant qu'on les sorte de l'ombre, par la magie de la lumière produite par l'archivage électronique, que les trois grognards médaillés de l'article précédent !
Alors disons quelques paroles de trois autres pauvres braves, héros sans le vouloir, comme on prononcerait une oraison sur une tombe, la leur, aujourd'hui disparue.
Commençons par un étranger : Antoine Jean Georges Bonnaffé. Ce nom ne fleure pas son terroir guémenois : il ne s'agit ni d'un Houguet, d'un Heurtel, d'un Orain et encore moins d'un Amossé ou d'un Gascoin. Non, Antoine Jean Georges est né au loin, bien au delà de la Loire, sur les rives d'un autre fleuve, le Tarn.
Bonnaffé est un patronyme de Montauban (en tout cas, ce Bonnaffé qui nous occupe), où Antoine naît le 23 avril 1784, paroisse Saint-Jacques. La famille est apparemment catholique.
C'est un fils de bonne famille, le père étant qualifié de bourgeois et la mère portant un nom à rallonge du genre Maldant de Tallery.
Un décret de septembre 1852 nous apprend que Sa Majesté Napoléon III lui a octroyé une pension (comme à 89 autres chenus) en considération de la longueur de sa vie qu'il a bien voulu consacrer à la chose armée : trente deux ans, dont deux de campagne.
Antoine est lieutenant d'infanterie, ayant servi pendant l'Empire (le premier) au 28è de ligne. Sa carrière a débuté fin 1803 et a donc dû s'achever vers 1836.
C'est en tout cas vers cette période qu'il épouse une dame Marie Geay, on ne sait où, dont il aura deux filles : Virginie, née vers 1835 et Adèle, née vers 1837.
On retrouve la trace de cette honorable famille à Guémené-Penfao en 1851, où la maisonnée a dû arriver quelques mois auparavant. Antoine y est présenté comme receveur des droits réunis et buraliste. C'était souvent le destin des anciens militaires de finir dans le tabac et les impôts indirects. De nos jours, ils se recyclent bien dans les ressources humaines : alors, pourquoi pas...
Ils habitent le bourg, et voisinent avec un médecin, Jean-Baptiste Heuzé, dont il a déjà été question dans ce blog, par le passé.
Enfin pour finir, oserais-je dire que Jean Antoine Bonnaffé le buraliste cassa sa pipe le 10 juin 1862 ?
Puis la famille quitte probablement Guémené, laissant la dépouille du pauvre Antoine en guise de souvenir à la terre de Guémené.
Pour Pierre Boussard, l'armée ne fut qu'une parenthèse, sans doute pénible, finalement courte.
Il était né le 27 septembre 1790 au village de la Grée-Caillette, qui, comme la première partie de son nom l'indique, se trouve sur une hauteur de la commune, au nord du bourg.
C'est au printemps 1809 que l'armée impériale s'enquit de lui. Il fut versé dans l'infanterie et servit au 28è de ligne, comme notre héros précédent.
Une fois cette aumône de son existence consentie à la grandeur de la France de l'époque, on le retrouve en train de se marier, le 23 août 1822. Remarquez la date, on est l'été et, n'étant pas laboureur, il peut bien profiter de la belle saison pour convoler. Jeanne Hervé, une jeune domestique guémenoise de vingt-quatre ans sera sa moitié.
Le mariage est sans doute heureux comme un mariage pouvait l'être en ces temps difficiles. Des enfants leurs viennent : Marie Modeste en 1832, Pierre en 1836, Auguste vers 1838 et Jean-Baptiste vers 1842. Peut-être d'autres avant, mais je n'en ai pas vu la trace.
Sans doute Pierre remit-il cent fois son ouvrage sur le métier avant que la monotonie du va-et-vient de la navette ne soit interrompue par l'arrivée de la sacrée médaille de Saint-Hélène, en 1857. Puis, comme de juste, la vie reprit son rythme habituel jusqu'à que le vieux tisserand expire, le 18 juin 1859, en sa maison du hameau de Feuilly.
Que dire de Julien Rousseau ? Il était né le 8 décembre 1793 au village de Castres, perdu dans les terres entre le bourg de Guémené et celui de Beslé, dans une famille de laboureurs. Castres, qui doit son nom au camp romain qui jadis se trouvait en ce lieu, inspira-t-il à notre jeune ami une âme de légionnaire quand, à l'approche de l'hiver 1814, l'Empire finissant vint lui signifier de l'aller défendre ?
Et pourquoi lui et pourquoi pas Jean son jumeau ? Mais ce dernier vivait-il encore en 1814 ?
Après avoir vaticiné en Europe avec le 36è régiment d'infanterie de ligne, le jeune homme va s'installer avec sa famille à Conquereuil, au hameau de la Saudraie. De là, il va se marier une première fois au Grand-Fougeray en juillet 1830 avec une certaine Jeanne Aubry dont il a deux enfants.
Hélas cette dernière décède en 1838 et deux ans plus tard, il épouse à Conquereuil Jeanne Marchand, jeune fille de vingt ans (et de vingt-sept ans sa cadette !) dont il aura trois nouveaux rejetons.
L'errance (relative) du laboureur s'achèvera quand même à Guémené, à l'opposé d'où il était né, au village de la Châtaigneraie, au sud du bourg, près du château du Bois-Fleury, le 10 août 1869, au crépuscule du Second Empire.
NB : les photos sont issues du site "Les Médaillés de Sainte-Hélène" et ne sont malheureusement pas celles de personnages de Guémené.