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lundi 23 décembre 2013

Pauvre Martin, pauvre misère...


J'évoquais au mois de mars dernier la figure d'un instit' qui paraît-il marqua son temps et des générations de Guémenois : le Père Martin, homme exemplaire, maître respecté et esprit positif, sema la connaissance dans le bourg entre 1890 et 1913.

Il avait reçu une breloque en argent et fait également de sa fille aînée, Emilie, une institutrice (qui d'ailleurs professa au côté de son père, à Guémené).

Il termina son existence auprès de celle-ci, à Pornichet, en 1939, fort âgé.

Il est probable qu'il fut celui qui enseigna à ma Grand-mère Gustine, au tournant des deux siècles précédents, cette belle écriture qu'elle couchait sur les innombrables cartes colorées (et parfois parfumées) de Noël, de Pâques, de fête, d'anniversaire,...dont elle inondait ses proches...

En dehors d'Emilie qui suivit les pas pédagogiques paternels, il eut beaucoup d'autres petits Martin : six exactement.

Ces derniers vinrent sur le tard, dans un laps de temps de sept ans, mais onze après la naissance de la fille aînée. Bref, une véritable rafale, de quoi peupler une classe. Qu'avaient-ils donc fait avant, pendant ces onze années stériles ?

Dans cette abondante et tardive livraison, on trouvait Amélie (appelée encore : Anna), puis Félix et les jumeaux Hippolyte et Charles, suivis d'Hélène et d'André.

En 1902, les sept jeunes Martin étaient âgés respectivement de vingt-et-un, dix, huit, six, quatre et trois ans.

Le 4 juillet, l'aînée Emilie et les deux domestiques, Anne-Marie Roué et Marie Hervé, durent s'attacher à consoler les plus jeunes des enfants : leur maman, Emilie Mercier, venait de rendre l'âme.

Mais cela ne dut pas les surprendre tant que cela : ils avaient dû voir passer le prêtre et l'enfant de choeur venus porter l'extrême onction.

Elle n'était pourtant pas bien vieille, la "Mère" Martin : quarante-trois ans...

On envoya un faire-part aux amis (comme cette institutrice de Conquereuil, Mademoiselle Halgant), sobre et d'une belle écriture, où, selon la formule consacrée, on avait "l'honneur" d'annoncer le décès de l'épouse de l'instituteur.

L'honneur, c'est bien celui de faire circuler ce genre de document dont l'usage témoigne d'une certaine bourgeoisie. J'ai l'impression que dans les campagnes, le bouche à oreille était plus de mise que la sinistre missive massivement bordée de noir. 

J'ai ainsi le souvenir de voir arriver, dans mon enfance à la maison de La Hyonnais, un gros bonhomme que je ne connaissais pas. Il était à vélo et portait un chapeau mou qui paraissait bien petit sur sa grosse tête qui rappelait celle d'un cochon. Il entra sans cérémonie annoncer quelque enterrement et repartit aussitôt, presque silencieux, vers d'autres étapes.

Dans le document funèbre et familial des Martin, il n'y a pas de place pour la douleur des domestiques. Et contrairement à d'autres faire-part où la famille est nombreuse à déclarer la disparition de l'être cher et sa douleur, dans ce cas, l'annonce est réduite à l'essentiel.

Emilie Mercier a, dans le fond, peu existé en tant que telle : elle fut d'abord Madame Hippolyte Martin, mère de sept enfants, sur la fécondité tardive de laquelle bien des commères du bourg eurent leur mot à dire - dont le babil oiseux s'est également perdu dans le néant.




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