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mardi 24 décembre 2013

Pigeons volent


L'histoire de ce jour ne concerne Guémené qu'incidemment. Mais elle montre à quel point la Grande Histoire peut venir effleurer le monde paisible qui s'en croit éloigner. Inversement, il est des gestes quotidiens, banals ou légers qui participent parfois à une forme d'épopée, presque à leur corps défendant.

La guerre franco-prussienne de 1870, déclarée en juillet et dont les opérations débutèrent en d'août, ne fut qu'une longue série de défaites pour les armées françaises. Très vite, la République est proclamée (4 septembre) et Paris est encerclé (19 septembre). Le 7 octobre Gambetta quitte la capitale en ballon pour rejoindre Tours où le gouvernement s'est replié. La situation continuant de se détériorer, celui-ci rejoint Bordeaux un peu avant la mi-décembre.

Pendant ce temps, le siège de Paris continue et durera jusqu'en février 1871, suivi par les deux mois de la Commune.

Très vite, un incroyable dispositif de communication entre la province et Paris se met en place.

On recourut en effet à des pigeons voyageurs à qui l'on confia le soin de convoyer des dépêches d'abord officielles puis privées (dès novembre 1870).

Le système fut rapidement perfectionné : les dépêches venant de province étaient réunies à Tours (puis à Bordeaux). Elles étaient recopiées typographiquement, par paquets, à la manière d'une page de journal. Cette page étaient ensuite micro-photographiée.


On mettaient ensuite ces micro-photos dans un petit tube (ou une plume d'oie) percé à ses extrémités pour y passer un fil sur lequel on coulait un sceau. Ce tube était enfin accroché à une plume du volatile.

Les pigeons, originaires de Paris, s'en retournaient ensuite dans la capitale où leurs propriétaires les récupéraient. Ceux-ci les remettaient à l'administration des Postes. Les micro-photos étaient ensuite projetée sur un grand écran grâce à un microscope photo-électrique.

Plusieurs employés des Postes recopiaient alors les textes des dépêches qu'on allait ensuite remettre à leurs destinataires parisiens.

Des milliers de messages passèrent ainsi les lignes prussiennes et plusieurs de ces pigeons furent de véritables héros de l'aéropostale.


Le 22 décembre 1870, Fidèle Simon (père), réélu début août, est donc toujours maire de Guémené, malgré la proclamation de la République en septembre. Et puis le Conseil Municipal ne se réunira pas avant longtemps.

A Paris, le siège continue et l'inquiétude monte pour ceux, amis ou parents, enfermés dans la capitale dont on est sans nouvelle. En particulier le fils Desmars, un parent artilleur dont la condition militaire est précisément un élément d'inquiétude supplémentaire.

Desmars réside dans le Quartier Latin, au 8 de la rue Victor-Cousin, emplacement d'un hôtel, de nos jours comme peut-être à l'époque.

En ce tout début d'hiver, Fidèle se dirige vers le bureau des recettes du bourg car il a entendu parlé du système des pigeons voyageurs.

Il a préparé son message où chaque mot est pesé (car chaque mot coûte cinquante centimes), qu'il tend à la préposée en lui exposant son intention. Elise Desbois, la receveuse des Postes, est une amie et de plus le docteur Heuzé, son mari, et les Simon sont parents. Celle-ci prend donc l'affaire en main. 

Le message est recopié sur le formulaire ad-hoc et Fidèle acquitte huit francs, soit un assez belle somme pour l'époque.

Transmis à Bordeaux, il sera transcrit ainsi :

"Guéméné-Penfao, 22 déc.- Desmars, artilleur, victor-cousin, 8. très inquiets, donne tes nouvelles. fidèle. - Simon"

On ignore ce qu'il advint de Desmars l'artilleur et s'il a pu donner de ses nouvelles. Et puis de toute façon quatre mois après tout revint dans l'ordre, celui des Versaillais massacreurs de la Commune, celui de la Poste sans pigeons voyageurs.


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