Rechercher dans ce blog

dimanche 18 mai 2014

La route à 4 grammes


Le manoir de Trémelan remonte dit-on au XIIIème siècle. En arrivant en voiture de Plessé, on peut en admirer furtivement la tour et les fenêtres à meneaux, ou quelques vieilles dépendances de pierres rejointoyées de frais.







Dans les années 30 du siècle passé, c'était encore une grosse métairie des châtelains du Boisfleury, dont le domaine est situé à quelques centaines de mètres de là.

Ma mère connut à Trémelan son premier travail "chez les autres", à douze ans et demi, vers 1933 ou 1934, par conséquent. Elle y était pour garder les vaches. Quelques souvenirs lui en restent comme par exemple l'arrivée de l'électricité, en présence des Boisfleury. 

Et pour bien marquer qu'elle ne menait pas une vie de château dans ce "manoir" (dont chacun envierait la possession aujourd'hui), elle ne manque pas d'ajouter sur un ton dépréciatif, que la tour n'est qu'un escalier.

Elle menait ses vaches de l'autre côté de la route. A hauteur du passage à niveau de la ligne de Beslé à Blain inaugurée en 1910, un chemin partait vers le Don et desservait quelques champs en bordure de la rivière.




C'est probablement celui que j'ai emprunté ce matin, sous le soleil, un chemin comme autrefois, bordé d'herbes folles et d'une haie touffue, un chemin comme ceux par lesquels, enfant, j'allais chercher avec ma Grand-mère Gustine, son panier d'osier sous le bras et son petit couteau pliant à la main, de "l'herbe pour les lapins".










Ce chemin était le lieu de "résidence" des "romanichelles" de l'époque. Ma mère se souvient de son effroi d'enfant à devoir passer avec ses bêtes au milieu de cette troupe, comprenant notamment la célèbre Grande Jeanne, ses enfants ("mal peignés"), leur roulotte...

La pâture où elle se rendait faisait face au jardin de la propriété de Trégroaz appartenant au Docteur Benoist (décédé en 1944...), qu'elle se rappelle avoir aperçu quelques fois, en train de pêcher.

La ligne de chemin de fer qui passait là, désaffectée dès avant guerre et démontée après, a laissé place à une petite route bordée d'arbres qui rejoint vers le Nord la route de Redon, jusqu'à l'ancienne gare, du côté du village de la Bourdonnière.

De ce passé ferroviaire subsistent certes bien des traces (gare, maisons de garde-barrière, tracé de la ligne sous forme de chemin ou de bande d'arbres,...). Mais la relique la plus monumentale est certainement le pont construit pour enjamber le Don.

Les premières cartes postales représentant cet ouvrage révèlent une certaines nudité du paysage, due probablement à ce que les travaux de terrassement se sont faits au détriment de la végétation préexistante.



Depuis, et depuis longtemps, la nature à repris ses droits et sur les bordures non cultivables des champs qui longent l'ancienne voix ferrée, comme sur les berges du Don au voisinage du pont, des arbres ont pris possession des lieux.

Quoi de plus élégiaque, de plus apaisant, que cet endroit par une tiède matinée de printemps ! A quelques mètres après l'ouvrage, sur la gauche en remontant vers la route de Redon, un passage à été aménagé dans la pente : des pierres ont été disposées ici et là, un peu comme des marches, afin de faciliter montée et descente.

Ce sentier tourne rapidement vers la rivière et débouche au pied du pont. On peut longer la rivière à partir de là, soit vers l'aval, soit vers l'amont. Dans cette dernière éventualité, la plus intéressante, on suit un petit sentier ponctué de petits ponts de pierre ou de bois, aux confins d'un parc où ont poussé d'immenses pins.







Ces pins forment de leurs longs fûts un étroit passage, un grand "U" sombre, qui remonte vers le Nord, sans doute vers le manoir de Tregroaz.














Un pêcheur avait lancé dans tout ce coin de nombreuses lignes : je ne me suis donc pas attardé, malgré l'enchantement du lieu, et j'ai regagné la route à hauteur du pont.

Celui-ci n'est guère large et ses parapets n'offrent pas le sentiment d'une robustesse à toute épreuve... On en appréciera néanmoins le motif "nouille", bien de son époque.

La petite route qui le prolonge de part et d'autre, plus que secondaire (elle ne figure pas sur la carte IGN au 25.000ème , par exemple), se caractérise par une circulation plutôt importante, surtout l'après-midi.













Des amis bien plus au fait que moi des us et coutumes guémenois à qui je parlais ce matin de ma promenade, m'ont raconté que c'était là le chemin de traverse qu'empruntaient les automobilistes éméchés qui voulaient éviter le bourg et ses gendarmes dotés d'éthylomètre...

D'où son surnom de route "à 4 grammes". Mais la maréchaussée connaîtrait le truc : on ne la lui fait pas...

1 commentaire: