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dimanche 15 mars 2015

Contretorpilleur Louet


Depuis quelques temps, je m'efforce de réunir une petite collection de cartes postales anciennes (pour la plupart) sur Guémené, et il m'est arrivé de les utiliser pour illustrer certains articles de ce blog, par le passé. Tout cela n'est guère original, et il ne m'arrive que très distraitement de regarder le dos de ces cartes qui trop souvent ne sont pas écrites ou bien ne présentent rien d'intéressant.

C'est bien ce que j'ai fait lors du sujet publié dimanche dernier, où je me suis servi d'une carte représentant l'école communale de garçons pour un sujet concernant un ancien instituteur de Guémené. Et en tournant la carte, ce que visiblement je n'avais jamais fait vraiment, mon œil a été accroché par l'adresse que je reproduis ci-après et dont je respecte l'ordonnancement (et les majuscules) : 


Monsieur Louet

Donatien Torpilleur à bord
du Contre Torpilleur
Mortier.
Escadre des Dardanelles.

Torpilleur....contre torpilleur...Dardanelles...: évidemment, l'imagination se met au travail. Et l'enquête commence, à la recherche de Donatien Louet, de son histoire.


Donatien Similien Marie Louet est né le 22 mars 1895 à Massérac au Bas Paimbu, non loin du Lac de Murin, où ses parents, Similien Louet et Marie-Rose Cogrel, exerçaient leur métier de cultivateurs. Il est le premier enfant du couple : quatre autres suivront.


Ces parents s'étaient mariés deux ans plus tôt à Guémené où ils demeuraient alors, l'un à Coisnerion, l'autre à Laspé, deux hameaux voisins du sud de Guémené par conséquent. Ils entretenaient ainsi un certain lien avec Guémené où il reviendront après la naissance de leur second fils Eugène, à Massérac en 1897, et avant la naissance de leurs autres enfants à Guémené : Hortense en 1899 ; Similien en 1901 et André en 1905.


On les retrouve alors au bourg de Guémené : ainsi, en 1911, Similien le père est-il réputé journalier et la mère, sans profession. La famille paraît demeurer alors non loin de la place Simon, au centre du bourg. A cette date toujours, le jeune Donatien est âgée de 16 ans et exerce le métier de bourrelier chez Menuet.


Il faut croire que cette noble profession consistant à fabriquer licols et harnais, capotes et matelas, le lassa, car Donatien s'engage dans la Marine peu avant Noël 1912 : il n'a alors pas tout à fait 18 ans.


La guerre de 14 le surprend dans cette position, ayant gravi le premier échelon de la gloire en passant de matelot de 3ème classe à matelot de 2ème classe en octobre 1913.


Sur quel navire le jeune homme d'un mètre soixante (comme toujours), aux cheveux noirs et aux yeux marrons, fit ses classes ? L'histoire ne l'a pas retenu pour l'instant.


Quand le grand drame mondial allume sa mèche, début août 1914, le jeune Donatien embarque à bord du contre torpilleur Mortier sur lequel il restera affecté jusqu'à fin décembre 1916. Ce navire avait pour mission d'accompagner les convois de plus gros bateaux faisant route vers les confins de la Grèce et de la Turquie, Salonique, les Dardanelles, ou bien vers la Mer Adriatique, au large des côtes Dalmates.


Il est toujours loisible d'imaginer que sur les deux photos ci-dessous, la silhouette du jeune Louet est présente, qui sait ?


Le Mortier


Au cours de cette première affectation , il restera trois mois à Alger pendant lesquels son bateau est en réparation et quatre mois dans différents dépôts (Toulon, puis Lorient), entre deux bordées en Méditerranée.


Au tout début de la guerre, le Mortier quitte Toulon avec la 1ère Armée Navale, 4ème escadrille de Torpilleurs d'Escadre, et rejoint Alger, puis Bizerte et Malte. Il va croiser entre cette île, les îles ioniennes et l'Adriatique. Le baptême du feu semble survenir à la mi-août, du côté de Corfou, contre un navire autrichien qui s'enfuit.

Ce n'est qu'au printemps de l'année suivante que le navire croise au large de la Turquie dans le détroit de Chios avant de revenir vers Salonique à l'automne 1915.

C'est de cette période probablement que date la carte postale (on devine plus qu'on ne voit un "15" sur l’oblitération).

Donatien Louet continuera la guerre sur deux autres navires : l'Opiniâtre entre la toute fin de 1916 et fin janvier 1917 ; l'Inconstant, entre mars 1918 et avril 1919.


L'Opiniâtre

l'Inconstant





























Démobilisé en juin 1919, indemne de ses tribulations maritimes et belliqueuses, il regagne Guémené puis, affecté au chemins de fer d'Etat, il entame une carrière de manœuvre à Argentan. On le retrouve à Paris où il se marie en 1930, à la Mairie du XXè.

La carte postale contenait un texte à côté de l'adresse, bien sûr. En voici la reproduction littérale :

"Mon cher frère Donatien
nous sommes bien éloigner
l'un de l'autre je dit tous
les jours une prière pour
que la guerre finisent
et que tu pourrait
venir nous voirent.
Ton frère qui pense toujours
à toi André"

J'ai laissé les fautes, non pour me moquer d'un garçon de dix ans qui envoie à son frère aîné, parti à la guerre du côté de l'Orient, la carte postale de son école. Non.

Mais juste pour respecter ce texte, fait sans doute dans l'effort et l'application, qu'aucune main ni magister n'ont pu ou voulu corriger, pas même celui ou celle qui a mis l'adresse, qui elle ne comporte pas de faute.

André Louet avait en effet dix ans quand il écrivit cette carte. Et sans doute avait-il peu à offrir à ce frère inatteignable, que sa pensée et ses prières. André rejoindra son frère plus tard, quand lui-même sera ouvrier, à Argentan. Il mourra à 48 ans.



Je n'ai pas suivi la trace d'Hortense, la seul fille de la fratrie, ni de Marie-Rose Cogrel, la maman.

Quant à Eugène le cadet, ajourné pour faiblesse en 1915, ravigoté, il fut incorporé au 116è Régiment d'Infanterie en septembre 1916. Vingt-cinq mois plus tard, trente neuf jours avant l'Armistice du 11 Novembre 1918, lors d'une offensive victorieuse de l'Armée française en Champagne, il fut tué "à l'ennemi" à Somme-Py. 

Son nom est gravé sur le monument aux morts du cimetière, entre ceux de Charles Lizé et de Marcel Luneau.

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