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dimanche 7 août 2016

Ololê, les Hermines !



Une fois encore, les chapitres des livres d'histoire s'illustrent à Guémené, échantillon du Monde. Le cas présenté aujourd'hui montre, en plus, le double sens des choses : un sens malin : la tentative insidieuse d'embarquer la jeunesse de Bretagne sur les pentes d'une idéologie pernicieuse ; un sens bénin : l'enthousiasme d'enfants à s'engager auprès des autres, à apprendre et à prouver leurs réels talents.


Lors de la Seconde Guerre Mondiale, en Bretagne, des groupes régionalistes, profitant de l'Occupation, s'agitent et tentent en effet d'entraîner une partie de la jeunesse. 


A cet effet, un journal et une organisation inspirée du scoutisme sont mis en place et déploient leur propagande et leurs activités.

A Guémené, une famille (au moins) s'abonne à la publication et deux de ses enfants s'enrôlent dans l’organisation de jeunesse. 


Mais de quoi s'agit-il ? Je condense ci-après un excellent article de Françoise Morvan, éditrice, dramaturge et essayiste.

Le 15 novembre 1940, les Éditions du Léon, propriété des frères Caouissin, situées à Landerneau, publient le premier numéro d'un journal destiné à la jeunesse bretonne : Ololê (
Ohé, en breton).

René Caouissin, membre du mouvement autonomiste Breiz Atao et auteur, en 1938, d’une apologie du groupe terroriste Gwenn ha du, prend la direction de la maison d’édition et Herry Caouissin est rédacteur en chef du journal. Ce dernier fut le secrétaire de l’abbé Perrot, lui-même engagé dans le combat nationaliste. 


Le journal Ololê, dont la devise est Doue ha Breiz (Dieu et Bretagne) se caractérise par un prosélytisme nationaliste et chrétien. Pétainiste, il vise en fait une autonomie de la Bretagne dans le cadre du Reich. Pour cela il s’appuie sur une histoire de la Bretagne présentée comme en lutte, depuis les origines, contre la France.

Il rassemble une équipe impressionnante et tire à trois mille exemplaires (vingt mille pour les numéros spéciaux), chiffre considérable, vu la pénurie de papier. Au nombre des collaborateurs, des illustrateurs de renom : Benjamin Rabier, Félix Jobbé-Duval, Étienne Le Rallic et d'autres, plus ternes, sélectionnés en fonction de leur appartenance idéologique. Une trentaine de collaborateurs au total.

Ololê, de simple publication pour la jeunesse, devient rapidement un outil de propagande politique symbolisé par l’Urz Goanag Breiz (UGB - Ordre de l’Espérance) qui vise à enrégimenter filles et garçons (les premières faisant parties des Hermines, les seconds des Loups).





















C'est une une sorte de scoutisme breton, avec organisation de camps, de tournois en relation avec le Bleun Brug (association militant régionaliste et catholique) de l’abbé Perrot, de concours. 

L'UGB fournit du matériel de propagande sous forme d’écussons, de cartes, de papiers à lettre, de fanions, et prolonge le journal par des éditions militantes.

Avec l’exécution de l’abbé Perrot par la Résistance le 12 décembre 1943, la ligne politique d'Ololê se durcira encore.

Les quatre frères Caouissin, finissent par s’engager dans le Kommando de Landerneau chargé de traquer les maquis et dénoncer les résistants.



Deux jeunes filles de Guémené appartenant à une famille du bourg, disais-je, sont abonnées à Ololê . Je n'imagine pas un instant qu'elles-mêmes (ni leur famille) l'aient fait par engagement politique. 

En septembre 1944, d'ailleurs, l'une d'entre elles composera une rédaction sur le thème du plus beau jour de sa vie où elle évoquera la Libération de Guémené par les Américains. Sans doute, simplement, n'était-ce pas un mauvais journal pour enfant.

Non contentes d'y avoir souscrit, elles sont également impliquées dans la vie de ce journal et dans les activités que suscite cette publication auprès de ses jeunes lecteurs.

Ces jeunes filles sont Marcelle et surtout Michelle Cochetel, filles du sabotier Léandre Cochetel et de Marcelle Marie Naël. Je dis "surtout" parce que si l'on en juge par les traces laissées dans les différents numéros d'Ololé c'est principalement Michelle qui apparaît. La première est née fin 1930, la seconde début 1929.

Ma mère parlait avec respect de cette famille nombreuse : neuf ou dix enfants que les parents élevèrent sans doute avec beaucoup de mérite et dont plusieurs avaient "réussi". 

Elle manifestait aussi une certaine déférence envers la figure de Marcelle Naël qui, selon elle, "savait écrire" et démêler les "papiers". Ma grand-mère, qui longtemps travailla chez la bouchère voisine de la rue de Mirette, avait, semble-t-il, eu l'occasion de solliciter son aide.

Pour moi, c'est le souvenir imprécis d'une visite avec ma grand-mère dans les années 60, et une canne à pêche ainsi qu'une épuisette qui barraient de façon intrigante le mur blanc extérieur de la grosse maison sise à l'angle de la rue de l’Épée et et de la rue de l'Eglise : Léandre Cochetel, le Père Cochetel, était, dit-on, un grand pêcheur.

Au total, les deux jeunes filles sont mentionnées ou apparaissent à quatorze reprises dans les différents numéros de la publication régionaliste.

Ces apparitions sont réparties entre des contributions sous forme de textes ou de dessins ; des annonces de dons en argent dans le cadre de listes publiées par le journal ; des annonces à l'initiative de Michelle concernant un événement personnel ou familial ; des palmarès de divers concours organisés par la publication ; des annonces d'admission dans les scouts de UGB.

Marcelle, alors âgée de onze ans, est mentionnée une première fois parce qu'elle a obtenu un deuxième prix dans le cadre d'un concours de broderie et une seconde fois au titre de son admission comme "Hermine" dans l'Urz Goanag Breiz.










Incidemment, on notera avec intérêt que "Guéméné-Penfao" (sic) ne dépare pas, en matière de "bretonitude", entre Lohuec et Landernau. On remarquera également que notre commune est situé en "L. M.", autrement dit : en "Loire-Maritime"...

Pourquoi pas, après tout : ce nom a failli être celui du département quand, au milieu des années 1950, la question du changement vint sur le tapis. Les élus départementaux en tenaient pour "Atlantique" alors que le Conseil d'Etat souhaitait "Maritime", comme pour la Charente et la Seine.

Le concours d'admission dans l'UGB est, comme l'indique le journal, une épreuve culturelle, permettant de s'assurer d'un minimum d'imprégnation de culture bretonne de la part des impétrants scouts. 

La rédaction d'Ololé précise d'ailleurs que la lecture du journal ainsi que de certains ouvrages publiés par le groupe d'édition, permettent de se mettre à niveau.

L'entrée dans la formation de jeunesse ne s'achète pas (par une cotisation), mais elle se mérite par l'adhésion aux "valeurs" de la Bretagne.















On ne sait comment était organisées pratiquement les épreuves (sans doute un questionnaire à remplir et renvoyer), mais il est amusant de constater que, comme pour le baccalauréat, on peut obtenir une mention. Tel fut le cas de Marcelle ("bien", en l'occurrence), en décembre 1943.






















Voici pour la cadette : c'est donc Michelle, l'aînée, qui se taille la part du lion.

Michelle, comme Marcelle, va faire partie de l'Urz Goanag Breiz et, en novembre 1943, on apprend qu'elle a totalisé 128 points sur 130, acquérant selon le critère du moment, une mention "bien", frôlant le "sans faute" et donc la mention "très bien".






















Michelle est la cheville ouvrière de la relation familiale avec le journal.

C'est d'ailleurs une relation très affective : Ololê, et, au-delà, la communauté qu'il rassemble (les jeunes Bretons) sont des amis à qui on peut confier ses oeuvres, mais également des nouvelles personnelles. L'implication de Michelle Cochetel se traduit par des classements récurrents lors des épreuves lancées par le journal.

Sur le premier volet, voici par exemple l'annonce de la naissance d'une petite sœur, le 13 octobre 1943, dans la déjà grande famille. Michelle fait connaître la bonne nouvelle au journal et y exprime son enthousiasme à l'arrivée de ce neuvième rejeton Cochetel en cette période de guerre et de pénurie. 

Même si neuf enfants c'est déjà une fratrie plus que conséquente, la jeune fille envisage la suite et plaisante : "...belle famille n'est-ce pas ? avec une rallonge à la table, en se serrant, bien que la maison soit petite, nous trouverons bien une place pour la nouvelle pouponne et même pour d'autres."

Evidemment, le journal, en pleine France sous influence nataliste, catholique et maréchaliste, se rengorge et ne peut s'empêcher d'en rajouter une couche : "Avec de si beaux foyers la Bretagne peut envisager l'avenir avec confiance car ils sont son Espérance". On dirait un bout de sermon ou un passage des Évangiles.


















Michelle apparaît également à deux reprises, dans des listes de donateurs.

Une première fois il s'agit d'un appel à fonds du journal auprès de ses lecteurs, sous le haut patronage de Saint Yves.

Visiblement en difficulté financière, la publication honore ses bienfaiteurs. La jeune guémenoise y est signalée pour 10 francs, une somme équivalant à 2 euros 30 de nos jours, mais qui n'est pas ridicule.

On observera par ailleurs avec quelle légèreté d'âme la rédaction d'Ololê tape ses (jeunes) lecteurs.






















Une autre occasion s'offre à Michelle Cochetel d'apparaître dans le cadre d'un appel à générosité. Ololê récolte en effet de l'argent pour les sinistrés de Saint-Nazaire. Ceux-ci sont présentés comme des "Ololéiz".

Cette collecte est nommée "l'écot de la guerre" (skoden ar brezel) et survient suite aux terribles événements de fin février 1943 où trois cents quadrimoteurs américains larguèrent pendant plus de deux heures des bombes explosives et incendiaires sur la ville, créant six cents foyers d’incendies et détruisant près de la moitié de la cité. On peut imaginer l'émoi dans la région.

Michelle Cochetel est portée dans ce qui est donné comme la quatrième liste de donateurs pour 15 francs (3 euros 50), à côté d'autres individuels mais aussi d'écoles, ce qui montre le niveau important de solidarité qu'a entraîné ce désastre.






















L'engagement de Michelle dans Ololê tient beaucoup aussi à ses talents d'écriture et de dessin, parfois mêlés d'ailleurs.

Cela se traduit indirectement par l'apparition du nom de la jeune fille dans des classements de concours.

Voici pour commencer un 10ème prix gagné en juin 1941 au concours de contes, obtenu pour un texte autour de la légende du moulin de Guérande.

Il s'agit d'un conte édifiant où un meunier pauvre mais malin passe un pacte avec le Diable mais, à la fin, le roule. Pour prix de son son âme, Satan lui bâtit un moulin, mais au moment où il va poser la dernière pierre, le meunier y substitue une statue de la Vierge, qui fait fuir le Démon...

Pour ce récit, Michelle gagna un très beau livre (aujourd'hui recherché) : La jeunesse bretonne sur les pas de ses saints, ouvrage de Marthe Le Berre, avec des bois gravés de Xavier de Langlais, artiste et militant breton.






















En septembre 1942, Michelle remporte également le premier prix de "la lettre d'Ololê à sa Maman", catégorie texte en français.

On retrouve en octobre 1942 Xavier de Langlais dans un jury où figure aussi le peintre et graveur Xavier Haas, réuni pour départager des oeuvres graphiques ayant pour thème "Cinq sujets de la vie de Jean V". Michelle y remporte le 2ème prix parmi ceux qui ont effectivement traités cinq sujets.

Ce duc de Bretagne qui naquit à la fin du XIVème siècle et régna une quarantaine d'année joua un jeu de balancier entre Français et Anglais durant la Guerre de cent Ans. Au bout du compte, il étendit sensiblement le domaine ducal de Bretagne. De quoi inspirer...






















En septembre 1941, Ololê publie un premier dessin de Michelle Cochetel. Il représente la Fée Carabosse, sous les traits d'une pauvresse en bonnet pointu et sabots, le menton en galoche, brandissant un bâton vers des petits lutins qui la narguent. 

Le texte d'une chanson, présentée comme faisant partie du folklore de Guémené, accompagne le dessin publié dans le rubrique "le Coin des humoristes".






















Six mois plus tard, en mars 1942, c'est un autre dessin que publie le journal, visiblement ému par l’enthousiasme de la jeune fille à la réception de l'édition de Pâques qui était en couleur.

Le légende du dessin est : "le cadeau des cloches, le plus beau de tous : l'Ololê de Pâques !...".

On y voit, dans une cour pavée, un grand garçon à béret entouré d'enfants plus jeunes, filles et garçons, brandir l'exemplaire tant prisé.

Voici le mot d'accompagnement envoyé par Michelle : "Cher OLOLE, Je tiens à t'envoyer mes félicitations pour ton numéro en couleurs, en même temps qu'un petit dessin qui je l'espère t'agréera, car j'y ai mis tout mon coeur. Que tu étais bien beau quand je t'ai reçu ce matin ! Dommage que tu ne sois pas de même chaque semaine...Cela viendra peut-être un jour !... Dans cet espoir je te dis toute mon amitié, cher OLOLE. Michelle Cochetel."






















Quelques mois plus tard encore, en août 1942, Michelle envoie une autre contribution personnelle dans le cadre du soutien au journal. Il s'agit d'un dessin accompagné d'un poème.

Michelle a composé une allégorie du sauvetage du journal assimilé à une embarcation en péril. De jeunes enfants au bord de la mer hisse avec une corde la barque vers la grève. Au premier plan à droite, d'autres enfants prient Saint Anne qui a mis la main à ce sauvetage (Saint Yves aussi d'ailleurs).

Le poème comprend sept strophes de quatre vers. Chacun de ces quatrains contient deux vers de sept pieds et deux vers de quatre pieds.

Il raconte l'histoire de la mobilisation des enfants d'Ololê qui touche les deux saints qui intercèdent auprès de Dieu pour que la tempête (financière) cesse. A la fin tout est à nouveau pour le mieux.






















En mai 1943, un nouveau dessin de Michelle vient illustrer la fête des Mamans. Une petite fille se blottit contre sa jeune et belle maman, assise, qui porte un autre enfant plus petit, à qui elle offre des fleurs. 

Derrière la jeune femme, debout, portant gilet, béret et sabots, le jeune Papa étend une main bienveillante sur l'épaule de la maman. A gauche, un garçon assez grand s'apprête à remettre un cadeau (un poème ?) à la brave mère de famille.

Un quatrain agrémente également ce dessin :

Maman, prend ce bouquet de fleurs sauvages
C'est aujourd'hui la fête des mamans
Et puisque tous nous avons été sages
Embrasse-nous au front bien tendrement.






















Enfin pour terminer, dans la rubrique "les échos d'Ololê," en janvier 1944, on apprend que Michelle Cochetel, de Guémené-Penfao : "est heureuse de nous faire part de son succès à un concours de dessin organisé par l'Enseignement Secondaire et technique qui a donné à la lauréate une prime de 1.000 fr."














Sans doute Michelle et Marcelle auraient pu continuer à alimenter de leurs talents le journal. Mais la Libération approchant, Ololê n'avait plus beaucoup de temps à vivre et il disparut après son 132ème numéro, le 28 mai 1944, quelques jours avant le Débarquement en Normandie.

Michelle Cochetel écrira plus tard deux romans.

Voilà comment l'Histoire passe à Guémené.

1 commentaire:

  1. Vous faites un article sans connaître votre sujet. Vous n'avez aucune preuve que les frères caouissin aient fait partie du Kommando de Landerneau, excepté des dénonciations calomnieuses, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas. il ne suffit pas de copier/coller les livres d'historiens autoproclamés pour les considérés comme factuels. Par ailleurs, vous ne connaissez pas non plus Ololê, au vu des commentaires que vous en faites.

    Je vous invite à faire un travail plus approfondi lorsque vous publiez. Par exemple, entre de multiples propos que je pourrais vous retourner, vous faites preuve de désinformation subjective quand vous parlez du Voeu de Saint Yves. L'appel au don n'était pas pour pallier à des difficultés financières, mais pour élever une statue à la gloire de Saint Yves, en confiant le journal au saint patron de la Bretagne. Il ne s'agit donc pas de "taper" les lecteurs mais de les impliquer dans une aventure commune. Mais on perçoit derrière vos propos cette volonté de décrédibiliser cette publication qui tirait à des milliers d'exemplaires et aura marqué beaucoup de bretons. Quand on fait de l'histoire, on est objectif. Sinon, ca s'appelle de l'idéologie et cela a autant d'intérêt qu'un Gala ou un Femme Actuelle chez le médecin ou dans les toilettes, alors même que votre sujet aurait été intéressant sans cette déformation de la réalité.

    EC

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