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dimanche 17 mars 2013

Le dernier recueil d'Eugène Cogrel


Je ne connais pas personnellement Eugène Cogrel qui, avec beaucoup de mérite, entretient depuis des années, par la voix et par la plume, la mémoire de la culture populaire de Guémené, et de sa langue.

Il a publié il y a quelque temps un nouveau recueil de contes ("Eugène Cogrel raconte", environ 410 pages, 24 euros) que je viens de me procurer à l'Office du Tourisme de Guémené. Il comprend 82 histoires écrites à la fois en patois de Guémené (ou si l'on préfère en Gallo) et en français. Idée de génie, un CD, fait d'enregistrements d'Eugène Cogrel en public, accompagne le livre.


Je n'ai pas fini de lire ce bouquin, mais j'ai écouté toutes les histoires du CD et je ne regrette déjà pas mon achat : c'est souvent drôle et cela s'ancre dans le Guémené des deux derniers siècles. Je vous le recommande donc.

Je le fais d'autant plus librement, que je n'aime pas du tout la façon dont Eugène Cogrel transcrit le parler de Guémené. Je ne vois pas l’intérêt, en effet, d'obscurcir la compréhension du texte par des conventions d'écriture qui n'apportent rien, si ce n'est l'illusion d'une soit-disant langue originale, différente du français.

Comme je fais ce que je veux sur ce blog, j'ai pris une partie d'un des meilleurs contes ("Ma grand-mère et son bouchon d'écuelle") et je l'ai retranscrite à ma manière (sans doute également très critiquable...)

Bien sûr que j'utilise aussi des conventions d'écriture, mais j'essaie de les cantonner aux prononciations sans équivalent en français  (hh pour le "h" fortement aspiré ; "an-in" pour représenter la prononciation des "an" qui se traînent en "in" évanescents ; "àou" pour la diphtongue "au", l'accent tonique portant sur le "a".). A l'inverse de la graphie cogrelienne, j'ai chaque fois que possible essayé de conserver l'orthographe française.

Voici en tout cas une histoire facétieuse et "rurale", mais aussi pleine d'enseignements : si par exemple vous aviez "l'enteurfesson échaouffeu l'éteu prouchain", vous y trouveriez un remède de grand-mère tout à fait efficace...

***

Ma grin-and-mère et son bouchon d’écuelle

C’que je m’souviens l’ pus de ma grin-and-mère, c’est son bouchon d’écuelle.

Ç’ateut quaï, un bouchon d’écuelle, le savous ? La grin-and-mère, quin-and èl’ en vleut yin tout neu, èl’ alleut din-ans eul’ coin à dreute, è’ défronmeu le batin-ant de l’armouère en chêne (que ç’ateu son grin-and-père a yelle qui l’aveut faite et qu’c’é maï qui ‘n’a hériteu) et peurneut en’ morsé de tail’ de len’ din-ans eul rintieu d’en’ cheumins’ de son bounonm’.

O les grin-ands cisiàou à touzeu les oueilles, èl’ tailleut en’ carreu, èl l’épénicheut conm’ il fàout et hop, èl’ jeteut eul’ morsé d’tail’ din-ans l’chàoudron naï, lu qui’teut pendu din-ans la chmineuï du matin au saï et du saï au matin…

C’é din-ans ce chàoudron-là que le bouchon d’écuelle passeut pu d’la maïtieu de son tin-emps, trempeu din-ans l’iàou chàoude ou ben freude, ben claire ou ben graissouse.

Le bouchon d’écuelle, ça serveut à tout : faire la vaisselle d’abord, i’ torcheut les écuelles et les piats, i’ torcheut la tab’ apreuï que le balai de g’neuts aveut outeu èl’ pu grous.

I’ serveut oussi à netayeu l’armouère, èl’ buffet, lé bin-ancs, les rouleaux du lit à ridiàoux, et cor èl’ billot pour hacheu la viin-ande, le grin-and bin-anc pour tueu le poursé et l’échelle pour le pend’ ! Faut dire que pour faire tout ça, le chàoudron naï suiveut le bouchon d’écuelle ou ben l’contraire. Is’ quitteuent point….

Sans son bouchon d’écuelle, ma grin-and-mère areut éteu perdue, pa’ce que i’ serveut à ben àout’ chouse. Quin-and mon frère et maï on teut cor tous p’tits queniàou, qui c’est qui nous a torcheus ? Eh ben c’est èl’ bouchon d’écuelle ! La grin-and-mère diseut yel’ : « La fouère de queniàou c’nest pas du pouéson, i’ n’beuvent que du lait ! ».

Le matin, les vaches aveuent-elles le peu bousou ? En’ coup d’bouchon d’écuelle.

La boun’ fonm’ aveut-elle de la bouse de vache su’ la goule (C‘est qu’ les queues d’vaches c’nest pas tout l’ temps prop’, et n’ça n’eurgarde pas euyoù qu’ça va) ? Eh ben cor en’ coup d’bouchon d’écuelle !

Mon frère et maï, quin-and oun a éteu d’âge, avin-ant d’alleu à l’école tou les matins, la viette au chat, o quaï teut-elle faite ? Eh ben avec le bouchon d’écuelle ! Ni l’un, ni l’àout’, on a attrapeu d’boutons, jan-meuï d’la vie ! Ergardez don les queniàou asteur qui sont pourtin-ant ben mieux débarbouilleus, i’ sont peuturoneus d’ partout su’ la goule !

El’ grin-and-père aveut quèqu’ faï les fesses échàouffeues din-ans l’éteu, l’enteurfesson, quaï : eh ben en’ coup d’bouchon d’écuelle ben gras et d’la farinne de bié naï, et i eurparteut conm’ en quatorze !

En’ bouchon d’écuelle, ça n’ dureut pas tout l’temps longtin-emps, j’ direus même pas longtin-emps, desfaï. Je m’rappelle en’ faï, ç’ateut en’ lend’main d’tuerie d’ pourcé, eun’ veuï treuï qu’aveut yel’ fait tré porteuï de p’tit pourciàou, qu’aveut la couënne épaisse conm’ deux pouces, l’un su’ l’àout’.

Falleut terjous netayeu tous les orsiàou qu’aveuent seurvi pour faire le pateu, les boudins, les sàoucisses et l’fricaud du pot.

Le matin, la grin-and-mère peurnit en’ bouchon d’écuelle tout neu, à midi apreuï avèr min-angeu, pu mo-yen de l’eurtrouveu ! Et cherche que j’te cherche, hern de hern et ras de ras ! El’ jou’ d’apreuï, on a su euyoù qu’i’teut : rin qu’à vouèr el’ chien Gobmeça qui s’prom’neut li din-ans le hhàout d’l’aire en r’chignin-ant o en’ tir’pelisse à traineu sous la queue…

Enteur temps, la grin-and-mère ‘teut yèl’ alleuï à dreute din-ans l’fond. El’ aveut défronmeu le batin-ant de l’armouère en chêne (que ç’ateu son grin-and-père a yelle qui l’aveut faite et qu’c’é maï qui ‘n’a hériteu). O les grin-ands cisiàou à touseu les oueuilles, el’ aveut tailleu pi épeunicheu en’ dabon de taille de len’, din-ans en’ rintieu d’en’ cheumins’ de son bounonm’, et hop, el’ l’aveut chteu din-ans le chàoudron naï qui, du saï au matin et du matin au saï est pendu din-ans la chmineuï.

1 commentaire:

  1. A EUGENE COGREL DE GUEMENE PENFAO Historien et celebre conteur décédé cette année 2019.Un membre de votre famille VOUS presente son tres profond respect.PATRICK COGREL .

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