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dimanche 20 novembre 2016

Timons et merveilles


Les photos sont paradoxales. D'un côté, en figeant un instant de la vie de personnages ou de paysages, elles offrent un souvenir inespéré et bien réel, un peu comme Pompéi permet de voir effectivement une ville antique, parmi tant d'autres dont on parle, disparues et inimaginables.

Mais d'un autre côté, le hasard qui amène un photographe à saisir cet instant plutôt qu'un autre, le mutisme sur le contexte dans lequel le cliché à été pris (on ignore bien souvent qui étaient ces gens, où se trouvait l'endroit qui sert de décor,...) rendent inintelligible et pour ainsi dire onirique la représentation qui se trouve sous nos yeux.

Oui, c'est un rêve : ont-ils vraiment existé, ces hommes, ces femmes et ces bœufs ? Est-ce bien Guémené, ces prés, ces routes et ce cours d'eau ?

La tentation de mettre un nom sur des visages ou des lieux, ou, à défaut, de retrouver aujourd'hui l'endroit où fut pris la photo, devient irrépressible, comme on cherche, le matin au réveil, à fixer le rêve qui s'enfuit.

Voici deux photos à nouveau tirées des plaques de verre récupérées récemment. Elles sont très belles et ont pour thème des hommes et des bœufs.

La première est très dynamique. Trois hommes, le plus jeune en tête, marchent d'un pas décidé sur une route dans la campagne, au loin, conduisant une charrette chargée peut-être de bois, tirée par deux bœufs. Il faut beau, mais les arbres n'ont pas trop de feuilles : est-ce le printemps, l'automne...?





















Les trois hommes portent des chapeaux différents : chapeau mou pour le premier, chapeau de paille pour le moustachu, chapeau melon pour le plus en retrait.

Les bœufs ont le front bas et leur démarche témoigne de l'effort animal pour tracter la charrette lourdement chargée.

Les sabots des hommes, ceux des bovidés, les roues de la charrette retentissent sur la route.

Le photographe est forcément en vue, tant des hommes que des bêtes : les uns comme les autres semblent juste un peu étonnés. Que va-t-il se passer ?

























































La seconde photo est encore plus belle, et plus énigmatique aussi.

Contrairement à la précédente, on ne voit ni les hommes ni les bêtes de face. L'attelage est au milieu de la rivière. Les bœufs, placides comme il se doit, attendent les ordres, offrant à l'objectif leur meilleur profil.

On aperçoit la rive opposée, bordée d'une prairie et, plus au fond, des arbres, une forêt sans doute.

Deux hommes s'affairent, les pieds dans l'eau : l'un est penché et plonge ses mains dans le cours d'eau tandis que l'autre, de dos, semble ranger quelque chose dans le tombereau ou fixer la ridelle.















On ne saura jamais ce qu'ils ramassaient. Peut-être des pierres, de ces pierres bleues et rousses, ferrugineuses, aux arrêtes régulières, polies et grasses, qui peuplent le fond du Don.

L'eau est basse, au milieu de ce gué, vingt à trente centimètres tout au plus.
















Cette photo a probablement été prise au bas de la route qui descend de Mézillac vers le Don, là où elle fait un coude à angle droit pour longer la vallée vers Juzet, juste avant la passerelle qui enjambe la rivière.

C'est à cet endroit que le ruisseau de Mézillac, qui dégringole depuis l'étang aux nénuphars qui alimentait l'ancien moulin, vient se jeter dans le Don. C'est ici également que les vaches peuvent passer pour rejoindre la prairie située sur la rive gauche de l'affluent de la Vilaine (mais il n'y a plus de fermes de nos jours, en ces parages).

C'est enfin là, que bruissent les échos inaudibles de nos anciens cris d'enfants batifolant dans l'eau claire, construisant d'improbables barrages, pataugeant en sandales plastiques dans la fraîcheur du courant, tandis que nos parents, allongés dans l'herbe ou assis sur une couverture ou un matelas pneumatique, jouissaient de leurs congés payés.

C'étaient les radieuses années 60.





















Mais on ne peut pas rester sur l'idée que seul hier était beau. Les endroits magiques conservent leur magie, et c'est ce que j'ai pu vérifier il y a peu encore.





















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