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mardi 1 mai 2012

Le monument aux morts de Guémené-Penfao (partie 2)

On connait le détail de la cérémonie d'inauguration du monument aux morts de Guémené, survenue le dimanche 29 avril 1923, par une relation journalistique assez longue, parue dans le numéro 7 878 de Ouest-Eclair (ancêtre de Ouest-France, comme on sait) en date du 30 avril 1923.




Sans doute fut-ce un grand évènement  à Guémené. La relation qu'en donne le journaliste est spectaculaire et pittoresque. C'est une pièce de théâtre dont les "fonctions" et les notabilités sont les personnages, et le peuple de Guémené le spectateur.


En dépit de la gravité de la situation, on sent bien à chaque instant la fête pointer jusqu'à ce qu'elle emporte le morceau par la banquet (le bouquet) final.


Eglise et République, sacré et profane, se tirent la bourre et composent finalement un tableau éclectique et cocasse.


Voici la transcription de l'article :

La ville de Guémené-Penfao inaugurait dimanche le monument élevé à la mémoire de ses morts pour la patrie.

La coquette cité avait revêtu sa tenue des jours de fête. Les rues du bourg étaient décorées de drapeaux et de guirlandes de feuillage d'un très bel effet.


La réception

A l'Hôtel de Ville, à 9 heures, M. Gilles Durand maire, entouré des membres du Conseil municipal, reçoit les invités. Il y a là MM. Aubrée, juge de paix ; Fournis, président de la section des anciens combattants ; Beilier, secrétaire ; Praud, président du Comité des fêtes ; Brachet, secrétaire ; Luzel, receveur des Postes ; Taillandier, secrétaire de la mairie ; les fonctionnaires de la ville, les maires du canton, les notables. Successivement arrivent MM. Bouju, préfet de la Loire-Inférieure ; Graux, sous-préfet de Saint-Nazaire ; Babin-Chevaye, Busson-Billault, Saint-Maur, sénateurs ; Le Cour-Grandmaison, de Dion, de la Ferronays, Ginoux-Défernon, députés ; le capitaine de frégate Ferlicot, le commandant Quintin, représentant le XIè corps d'armée ; Bardoul, Letourneau, conseiller général ; Marie d'Avigneau, représentant l'Union Nationale des combattants ; Fleury, agent-voyer en chef ; du Saint, président de la section des pupilles de la nation ; les représentants de la presse, etc., etc.

Au cours de la réception, M. le Préfet donna l'accolade au jeune Francis Boussard, de Conquereuil, âgé de 11 ans, pupille de la nation, qui a été l'objet d'une citation à l'ordre de la nation, en raison de sa touchante et courageuse conduite : malgré son jeune âge, cet enfant travaille comme un homme et aide sa mère à la direction d'une ferme de neuf hectares. M. le Préfet le félicite avec émotion et lui remet un livret de caisse d'épargne de 300 francs.


A l'église

A l'issue de cette cérémonie, les personnages officiels, précédés de la musique et des sapeurs-pompiers, se rendent à l'église paroissiale où est célébré un service solennel.

M. le curé Arbeille officie, entouré de tout le clergé. La musique municipale, réorganisée, renforcée par des musiciens de Redon et dirigée par M. Benoiston, joue plusieurs morceaux ; un duo de violon et violoncelle par M. et Mme Sébilleau se fait également entendre, ainsi que des choeurs chantés par les enfants des écoles.

La cérémonie religieuse terminée, le cortège se forme et se dirige vers le cimetière, où est édifié le monument aux morts.

En tête marchent les sociétés de gymnastique, suivies des enfants des écoles, sous la conduite de Mmes Gasnault et Rolland, directrices et de MM. Brachet et Chapron, directeurs d'école ; le clergé vient ensuite ; puis la musique, précédant les représentants officiels, les invités, le Conseil municipal et les fonctionnaires ; ensuite viennent les familles des morts, les Vétérans de 1870 et les membres de l'Union nationale des combattants suivis par la foule, nombreuse et recueillie.


Devant le monument

Le monument aux morts est édifié sur l'emplacement du caveau contenant les glorieux restes des combattants, dont il forme le couronnement.

La partie architecturale, dûe à MM. Marcel Lebas et Albert Rivière, architectes, se compose d'un socle rectangulaire en pierre bleue de Bretagne surélevé par deux gradins. L'une des faces du socle porte l'inscription par laquelle la ville de Guémené rend hommage à ses enfants ; sur les trois autres faces sont gravés les noms des 189 morts.

Le groupe sculptural qui surmonte le monument est l'oeuvre de M. Louis Nicot, de Paris, lauréat hors concours au Salon des Artistes Français. Ce groupe, taillé dans un bloc de granit de Kersanton, représente un soldat mort, couché au pied de la statue symbolisant l'image des mères, veuves et familles douloureusement atteintes, sous les traits de la ville de Guémené-Penfao.

Les Sociétés de gymnastique se rangent au pied du mur décoratif, les autorités et le clergé entourent le monument.

Après le De profundis, chanté par le clergé, M. le Curé Arbeille bénit le monument et prononce une vibrante allocution, exaltant les vertus des enfants de Guémené, morts chrétiennement pour la patrie.

Puis, dans un silence émouvant, c'est l'appel des morts, fait par M. Danet, instituteur ; à chaque nom, un vieux combattant, M. Cougeon, répond d'une voix forte : "Mort au champ d'honneur".

Les choeurs chantent, la musique alternant ses accents, un hymne aux morts, puis commencent une série de discours.

M. Gilles Durand, maire, exprime avec une émotion mal dissimulée, la reconnaissance de la ville de Guémené envers ses morts, qu'il salue avec respect.

M. Marie d'Avigneau s'adresse ne termes vibrants à ses anciens compagnons d'armes, qui sont là en nombre imposant :


"Nous sommes tous frères, s'écrie-t-il, restons unis, sans distinction de religions ni de partis, afin que la France reste grande. La désunion équivaudrait à une trahison."


M. le commandant Quintin retrace ensuite les qualités héroïques de nos soldats ; puis successivement MM. Bardoul, conseiller général ; Le Cour-Grandmaison, de Dion, députés ; Saint-Maur, sénateur, prennent la parole.

M. Bouju, préfet, termina la série des discours en exprimant, de la façon la plus digne, les sentiments de tristesse et à la fois de fierté que lui inspire cette cérémonie de commémoration où se retrouvent unis tous les citoyens dans un même élan de concorde nationale.

Au moment de la dislocation, la musique municipale joue la "Marseillaise", puis les personnages officiels et les invités se rendent à la salle du banquet.


Le banquet

Le banquet avait lieu dans la salle des Fêtes municipales, décorées avec un goût simple et très sûr. A la table d'honneur prirent place M. le maire, ayant à sa droite MM. Bouju, préfet, et Ferlicot, et à sa gauche, MM. Brisson-Billault et Quintin.

Le repas fut des plus animés. Le menu, confié aux soins de Mme Haméon de l'Hôtel des Voyageurs, était exquis et copieux.

Au dessert, M. le maire ouvrit la série des toasts, qui fut close par M. le préfet.



Il y a quelque chose des antiques jeux et banquets funéraires dans cette histoire...


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