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dimanche 24 juin 2012

"La chemise", rimiaux en patois de Guémené


Et voici un quatrième petit conte "léger", après "La soupe au choux", " La truie à Nanon" et "Comment Mathurin Sicard ne put entrer au Ciel", que l'on doit aux bons offices de feu l'Abbé Chenet.


Je rappelle que, dans l'entre deux guerre, ce prêtre originaire de Guémené publia quelques contes en patois de Guémené. Il prétendait dans leur préface que c'était ces vieilles bonnes qui les lui avaient narrées dans son enfance, c'est à dire vers 1890.


Celui que j'ai choisi aujourd'hui, "La chemise", raconte une anecdote : une femme très malade envoie son mari chercher le curé . Le conte s'attarde d'abord sur le "mal" et son traitement (vain), décrivant dans le fond la façon paysanne de se soigner "dans le temps". La seconde partie, qui concerne le retour du mari avec le curé, prépare la chute de l'histoire : une chemise blanche sert de balise pour se guider dans la pénombre, mais on découvre que la vue n'est pas forcément celui des cinq sens qui permet ce guidage nocturne...


Bonne lecture à tous !


La chemise

Ça ’tait un saill’ d’hiver min pas d’ l’hiver dernieu
La bonn’ femm’ à Bertin, Bertin d’ la Hunaudière
Sa femm’ qu’est un’ picra et une embarratière,
S’avait piqueu un daill’ en allant qu’ri du bouès
Et 1’ daille avait enfleu comm’ la traill’ à Jean-Pierre
La sienn’ qu’il avait hérité d’ son cousin d’ Mouais.
L’armaïjeur de Nozaille y mit un catapiasse
Ça n’y fit rin du tout : il n’enflit que d’ pus belle.
Il mit d’ la merd’ de oie avec un p’tit d’ filasse
Le frottit d’herbe sainte et de graiss’ de chandelle
Ça ‘tait comm’ s’il chantait et l’ fils d’ bougueur de daille
Continuit à groussi. Et v’là ti pas qu’enfin
Y s’ mit dans tout son corps, et ça ‘tait selon maille
Un mau qu’on n’ connait guèr’ comme un’ espèce de v’lin.
La femme eut pou d’ mourir et dit au gars Bertin :
« Va qu’ri Monsieur l’ Cureu, car je vas terpasseu !
Et il coût’ra terjous ben moins cher que l’ méd’cin ! »
Et v’là donc l’ gars parti et le v’la de s’ presseu !
II faisait naill’ comm’ diab’ et on n’y voyait goutte,
« Monsieur l’ Cureu, qu’il dit, j’ vas vous montreu la route
J’irai dret devant vous comm’ le chantr’ le dimanche
J’ai ouï dire es anciens qu’un’ affair’ qu’était blanche
Se voyait ben la neu, tout aussi ben que l’ jour.
Pour un’ faill’, j’ s’rais l’premier, c’est point souvent mon tour !
J’ m’en vas, si vous v’lez ben, vous attireu d’ ma « haine »
La queue d’ ma ch’mis’ de taill, qu’ j’héritis d’ ma marraine.
Vous vous fix’rez sur ielle, el’ vous dira l’ chemin. »
Dam’ les v’là donc partis. Tout à coup, Bertin dit :
« Monsieur l’ Cureu, Voyez-vous ? » L’ Cureu répondit...
« Ça n’est pas que j’ la vaill, mon pèr... mais j’ la sens bin ! » 

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