Rechercher dans ce blog

jeudi 20 février 2014

La croix et la manière (6)


Il pleut : retour à la normale, en quelque sorte.

Alors pour se consoler, voici un (très) petit sixième épisode de "La crois et la manière", tout ça parce que par hasard, j'ai aperçu une "croix" à l'orée du village le plus à l'est de la commune, Le Tahun (où, dit-on, gît un menhir couché de plusieurs mètres).

Je me suis laissé porter dans cette région extrême de la commune par l'idée assez légère que la chapelle des Lieux Saints (de Lessaint, ou tout autre orthographe qui plaira) pouvait être ouverte en semaine. En redescendant bredouille de l'éminence où perche de saint lieu, il m'est apparu une forme, qui malgré le voile de la bruine, ne pouvait être qu'une de ces croix de chemin dont je raffole. Une de plus à la collection !

Celle-ci fait le guet à l'entrée occidentale du village du Tahun, à quelques dizaines de mètres de la première maison et face à un chemin perpendiculaire à la route qui escalade la colline vers le sud.

A première vue, c'est une croix délabrée dont seule une partie verticale en schiste est restée, plantée sur un socle maçonné que recouvre un lierre luisant sous la pluie. Il est probable que la croix, aujourd'hui disparue, peut-être faite en métal, se soit trouvé posée sur ce palis vertical.

En regardant mieux, on peut voir que le socle est couvert d'une épaisse pierre bleue dans laquelle se fiche la pierre érigée.

En regardant de plus près encore la partie subsistante du monument, on lit une inscription :


Cette croix a été fait
placée par la Vve Tessier
l'an 1872

La Veuve Tessier était Marie Herrouin qui vivait au vilage du Tahun , à l'époque où elle a fait élever ce monument, comme tout le reste de sa vie d'ailleurs, de sa naissance à son décès. 

Elle y partageait son logis avec son fils Jean-Marie, âgé de 28 ans, son gendre Julien Fricaud (33 ans), sa fille Anne (33 ans) et leurs trois enfants en bas âge (4 et 2 ans et un bébé de 2 mois).

Tout ces braves gens étaient agriculteurs et on les voit bien, un beau dimanche de 1872, faire leur petite inauguration avec voisins et curé.

Marie Herrouin était née le 5 novembre 1811 et avait donc traversé sans sourciller cinq régimes politiques différents (Premier Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Seconde République, Second Empire) avant d'aborder enfin la Troisième République. 

Mais cette dernière allait durer autant que les cinq systèmes politiques qui la précédèrent.

Paraissant prendre acte de cette perspective de longévité républicaine, Marie Herrouin quitta le monde d'ici-bas le 6 avril 1874, laissant à la postérité son petit monument du Tahun.

Son mari, Mathurin Tessier, qu'elle avait épousé à Guémené le 31 août 1837, s'était, pour sa part, lassé assez rapidement des frivolités tahunoises de son existence.

Il transforma donc en 1850 Marie Herrouin en Veuve Tessier, par une nuit sans lune entre Noël et le Jour de l'An - le 29 décembre pour être précis -, préférant déguster des pissenlits par la racine pour le réveillon de la Saint-Sylvestre.

Chacun ses goûts, après tout.

Voici donc ce qu'il reste du mausolée de la Veuve Tessier :





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire