J'aime beaucoup la dévotion populaire, celle qui faisait qu'on allait avec Grand-mère Gustine chez Trivière acheter des fleurs en plastiques pour mettre au cimetière ou y mettre des fleurs normales, qu'on cultivait au jardin, là-bas, derrière le puits. Dahlias, glaïeuls, marguerites, arums, hortensias...
Un petit vase sombre ou un grand bocal leur servaient de réceptacles, qu'on enfonçaient bien dans le petit lit de graviers blancs qui recouvraient la tombe de Grand-mère Françoise, la mère de Grand-mère Gustine, décédée quelques années avant ma naissance.
Les grottes, les oratoires peuplent nos campagnes. Des statues de saints ou de saintes plus ou moins improbables, y recevaient un hommage occasionnel, au détour de quelque détresse consolée, ou régulier, à la faveur de quelque pèlerinage ou cérémonie.
Ces lieux portaient d'humbles marques de reconnaissance : ex votos, fleurs, etc...Des curés en chasubles ou surplis y processionnaient entourés de la croix et de bannières, entonnant des hymnes.
Aujourd'hui, seul le cantique du vent qui caresse en toutes saisons ces oratoires bucoliques, vient célébrer ces saints délaissés.
Ou presque.
Je suis retourné à la chapelle de Lessaints, sur Guénouvry, ce haut-lieu de dévotion à Sainte-Anne. J'ai gravi la petite route qui mène au sommet de la colline. Là, sur l'esplanade que domine encore le petit édifice, nul âme qui vive, comme souvent.
Mais la chapelle était ouverte. J'en ai profité pour faire un petit coucou à un saint sympathique, le bon Saint Corneille (ou Cornély) protecteur des enfants ou des animaux, selon les régions.
Ma mère m'a raconté qu'à son époque, un Saint Cornély accueillait les fidèles à l'entrée gauche de l'église de Guémené : un petit tronc anodin permettait de recevoir les dévotions intéressés des paysans pour la santé de leurs bêtes...et d'améliorer le casuel du curé...
Celui de la chapelle de Lessaints loge dans une petite niche, à gauche en retrait de l'autel.
A ses pieds un bovin. Il porte des habits pontificaux (Cornely, pas la vache...) puisqu'il fut pape. Quelques roses viennent s'harmoniser avec le plâtre rosâtre de la statue. Tout cela est bien sobre.
Du coup, j'en ai profité aussi pour jeter un coup d’œil à la composition disposée sur l'autel : il s'agit bien entendu d'une Sainte Anne qui selon la tradition est représentée en train d'enseigner la lecture à sa fille Marie.
On admire les joues rouges des deux personnages en plâtre, rehaussant leurs chairs rosées, non moins que leurs lèvres sang-de-bœuf du plus bel effet. Sainte Anne est bien nourrie si l'on se fie à son visage poupin et bien rempli.
Les sourcils de pin-ups sont en revanche de très mauvais goût.
Marie a un petit diadème dans les cheveux tandis que Sainte Anne à le chef couvert d'un voile blanc qui fronce gracieusement sur son front. Et les deux femmes, revêtues de robes bleu pastel serrées à la taille de ceintures dorées, sont couvertes d'une cape marron.
Le livre à la tranche rouge que tiennent la maman céleste et sa fille, ressemble à une sorte de missel (mais c'est un anachronisme, bien sûr).
Selon un certain angle de vue, l'anneau de fer peint où se rejoignent les barres qui tiennent les murs de l'édifice, forme même une sorte d'auréole au-dessus de la sainte, c'est magique !
Mais le vrai motif de ma venue était plutôt la grotte de Sainte Anne qui se trouve en contrebas de la chapelle. Pour s'y rendre, il suffit d'emprunter le petit chemin qui descend vers la Vallée et de tourner tout de suite à droite. Vingt mètres d'une pente douce et nous voilà devant la grotte.
A flanc de roche, dans un écrin minéral entouré de verdure, un objet blanc se détache.
Quand on se rapproche, on remarque aussi une espèce de socle maçonné couvert de lierre et, tout de suite à sa droite, un étroit et raide escalier aux marches de ciment qui tournicote jusqu'à une sorte de balcon à la rambarde métallique verte.
Là, posée sur une partie de roche aplanie, une statue blanche de la mère et de la fille lisant à nouveau un livre.
Deux types d'objets, principalement, jonchent le petit sanctuaire : des fleurs et des ardoises.
Les fleurs sont majoritairement en plastique, "comme dans le temps". Mais on en trouve cependant quelques unes naturelles, fraîches ou fanées.
Derrière la statue, on aperçoit bien une plaque scellée dans la parois du rocher : d'une écriture gauche, une marque de reconnaissance à la Sainte.
Mais en matière de plaques, plus curieuses sont les nombreuses ardoises portant des inscriptions qui semblent de la main d'enfants...plus ou moins grands : remerciements, amour exprimé à sa maman,...deux prénoms, l'un masculin, l'autre féminin...
Puis, ne voulant pas abuser du beau temps exceptionnel et relatif qui m'avait permis cette excursion, je m'en suis retourné, laissant cette colline à ses habitants, c'est-à-dire à ses statues de saints jadis populaires.
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