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samedi 4 mai 2013

La croix et la manière


L'arrivée du beau temps m'a donné, hier, l'occasion de commencer de mettre en pratique une résolution assez ancienne, consistant à inventorier les calvaires qui ponctuent notre paysage, généralement à quelque carrefour.

Dans ce premier travail, je me suis surtout concentré sur les calvaires de la partie sud-orientale de la commune :  en gros, entre Boisfleury et Guénouvry et ses alentours.

Il faut bien avouer que tous ne méritent pas le détour et que trop d'entre eux sont en mauvais état malheureusement. Toutefois, pour moi il est nécessaire de leur porter attention et respect. Ils sont en effet la marque d'une dévotion sincère, d'une piété populaire ritualiste plus que spirituelle probablement, mais qui exprimait l'espérance d'un meilleur avenir dont rien, dans la situation précaire de ceux qui la pratiquait, ne pouvait être le garant qu'une intervention divine.

Ces calvaires sont donc le témoignage muet d'un monde de peine et d'espoir aujourd'hui disparu : à ce titre également, ils appartiennent à notre patrimoine, à notre hérédité de descendants de ces gens-là.

Placés à l'intersection des routes la plupart du temps, je ne peux m'empêcher d'y voir aussi la réminiscence de très anciennes pratiques consistant à amonceler des pierres et à constituer des repères aux croisements des routes, de façon à aider le chemineau à se repérer.

A noter, chaque site est numéroté et répertorié sur une carte à la fin du post.


- Vers Trémelan et Boisfleury

Quand on quitte Guémené par le sud et que l'on prend à droite la route de Fégréac, on aperçoit Trémelan. Deux cents mètres avant, sur la droite de la route, il y a un petit espace pour se garer. Juste à cet endroit se trouve, orphelin et pitoyable, un de ces petits calvaires (1) fait d'une croix peinte gris argent décorée de motifs végétaux sur laquelle ne figure pas un Christ, mais un personnage féminin en prière (la Vierge ?), le tout reposant sur un socle de maçonnerie qui n'inspire plus confiance :







Bon d'accord, vue de près, la figurine semble sortir de son lit, le visage bouffi de sommeil...

Un peu plus loin, on prend à droite la route qui mène au château de Boisfleury. A l'entrée de l'allée qui conduit à ce manoir, un calvaire (2) qui sent un peu plus son hobereau et sied parfaitement à la majesté du lieu et de ses antiques habitants, salue le visiteur.

C'est un bel ensemble, plus imposant que le précédent et plus ouvragé du côté maçonnerie : une croix métallique ajourée et nue est fichée dans un bloc maçonné en pierres bleues. Ce dernier repose lui-même sur un soubassement de gros schistes. Sur le devant une petite marche et une niche dans laquelle est logée une petite Sainte Vierge protégée par une grille.








 Il suffit de poursuivre sa route sur une vingtaine de mètres pour tomber sur un exemplaire plus rustique égaré dans la verdure printanière (3).

Pour le coup, c'est un Christ qui, dans l'abandon du lieu, achève d'expier les péchés du monde. Ce petit calvaire est assez poignant quand on y songe. Quelques pierres bleues cimentées et surmontées d'une grosse pierre taillée ; une croix métallique y est plantée, où un petit Christ rouillé agonise parmi des figures de guirlandes végétales, une couronne étrangement posée à ses pieds. 





- Vers Guénouvry

La route qui mène à Guénouvry serpente sur la rive gauche du Don. A trois kilomètres du bourg de Guémené, passé le village de Mézillac, à hauteur du lieu-dit Bourlagot, une petite route mène à Tréguely. Rapidement elle se sépare en deux voies distinctes, grimpant à flanc de colline. L'embranchement le plus à droite traverse un bois de châtaigniers  Peu  avant d'arriver à un carrefour avec un "STOP", juste au-dessus de Treguely, une pauvre route asphaltée descend sur Guénouvry. C'est à cet endroit précis que se trouve ma première "pioche" dans cette région (4).

La, nous sommes dans le classique et dans l'entretenu. Dans un petit écrin d'arbustes qui tranche avec la nudité des champs à l'arrière plan, un beau calvaire. Il reste dans la gamme des petits calvaires campagnards, mais on sent la qualité de la fabrication. Le socle est bien entendu en schiste. Il est couronné d'une belle pierre dans laquelle on a fixé la croix. Celle-ci est en métal peint gris argent, ajourée et ornementée de motifs végétaux. Un Christ qui, comme souvent, fait un peu riquiqui par rapport à la croix, y est représenté.






Au "STOP" évoqué ci-dessus, je laisse Tréguely à gauche et je file tout droit. Au bout de huit cents mètres, on atteint un carrefour de routes départementales : l'une du nord au sud relie Conquereuil à la forêt du Gâvre, l'autre, d'est en ouest, assure la liaison entre Guenouvry et Marsac-sur-Don.

C'est à ce croisement que se situe ma prochaine étape (5). L'endroit est nu et sans charme. Le socle du calvaire, formé de pierres rouges paraît un peu trop neuf. Mais une magnifique table de schiste bleu y repose. Une autre pierre bleue, s'y dresse, fine, ses angles supérieurs creusés en quart de cercle. Une croix blanche ornée des habituelles compositions végétales (assez sobres d'ailleurs), d'un blanc délavé et rouillée, y accueille un Christ qui paraît y être proportionné pour une fois.







  
Je quitte ce carrefour par la route de la forêt du Gâvre, au sud. Au bout d'environ deux kilomètres je rejoins le gros village de Dastres. A peine à sa hauteur, un nouvel exemplaire se présente (6).

Il s'agit d'un très bel ensemble, visiblement à l'abandon. Il se compose de trois éléments qui se superposent et confère au tout une réelle élégance que les outrages du temps et de la négligence des hommes rendent émouvante.

Le socle est classique et bas : des pierres de schistes bleues assemblées à l'ancienne. Peut-être une petite niche y est creusée devant, à moins que ce ne soit quelque pierre qui soit tombée. Une belle table de pierre bleue y est posée. Elle est désormais toute de travers.

Au-dessus, une pierre bleue à nouveau, dans le style de celle du carrefour précédent : mince, élancée, biseautée. Une longue inscription usée par les intempéries raconte un peu son histoire que je n'ai pu décrypter. 

Une belle croix métallique ajourée y est fixée et domine l'ensemble. Une petite Vierge y est sans doute figurée ainsi que deux anges, en contrebas. La tête de la figure principale est placée à l'intersection des deux partie de la croix, entourée d'une couronne. Les bras de la croix comportent des ornementations géométriques : croix aux extrémités, étoiles aux abords de la couronne centrale.





En continuant la même route vers le sud sur à peine n kilomètre, c'est le village de l’Épine des Haies, à la lisière de la commune du Gâvre. A la sortie du village à gauche de la route, un bosquet abrite notre prochain objet d'intérêt (7). Stylistiquement parlant, c'est un mélange de classicisme et d'originalité.

Classique, l'ordonnancement général : socle, table et stèle de pierre bleue, croix métallique. L'originalité réside dans le matériau du socle qui, de loin, fait penser au parpaing et ne présente guère d'attrait, ainsi que dans la simplicité de la croix dépourvue de personnage et peinte en blanc.





L'étape d'après se situe à Guénouvry, plus précisément juste à sa sortie sud d'où part la route qui conduit au gros village du Verger et celle qui mène aux villages excentrés du sud-est de la commune (Ligançon,...) (8).

Voilà un beau calvaire bourgeois ! Un socle très haut avec un retrait pour poser sans doute des fleurs, de classique maçonnerie en schiste, dominé par une stèle et une croix métallique gris argent, récemment peinte, avec un Christ levant les yeux au ciel. La croix est, selon l'usage répandu, ornée de motifs végétaux qui l'étreignent. A noter l'espèce de lotus qui est figuré au pied à droite.

En fait, la croix est sur un piètement blanc, distinct de la stèle de schiste. Cette dernière éternise les probables donateurs de l'ouvrage : "Julien Rigaud et Marguerite Letort - 12 mai 1892 - ". Je n'ai rien pu trouver sur ces personnes jusqu'à présent.










Guénouvry présente un autre monument de ce type, beaucoup plus imposant encore. Il est situé à l'entrée nord-est de la bourgade (9). Il s'agit d'un calvaire célébrant une "mission" datée de 1913.

Il faut gravir la colline qui borde la route et l'on arrive face au calvaire entouré d'arbres. Il est encadré de murets et quelques marches à gravir y conduisent. Le socle est surmontée d'une très haute croix en bois avec le Christ. Sur le socle se trouve une inscription peu lisible mentionnant les circonstances et les commanditaires de l'édification de ce calvaire.




Pour finir cette première contribution à l'inventaire des calvaires de Guémené, je propose de se porter à l'entrée nord-est du village du Verger, en face d'un chemin qui descend vers le "hameau" de Trégueneuc (10).

Il s'y trouve en effet un assez bel ouvrage enfoncé dans la verdure. Une bonne grosse base de maçonnerie supporte un élégant piètement de croix en schiste ouvragé. Une croix classique en métal, jadis peinte en gris argent et aujourd'hui passablement rouillée, y arbore un Christ et ses ornementations végétales usuelles (y compris le lys ou le lotus latéral).


  



Il me reste un petit reliquat de cette première moisson de dix monuments dont je fournis une carte ci-dessous : j'en ferai très rapidement un deuxième article. A bientôt pour d'autres aventures !



2 commentaires:

  1. un recueil à venir me semble inévitable !
    en tout cas bravo et merci pour la qualité des recherches et des trouvailles, celle de l'écriture et enfin pour l'humour et la précision

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    1. A vrai dire, c'est certes un peu de travail, mais beaucoup de plaisir. Il me semble que le principal "profit" est finalement pour moi car l'agrément que vous prenez à mes petits articles donne de la valeur à mes souvenirs.

      C'est moi donc qui doit vous remercier.

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