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mercredi 31 juillet 2013

Vieux Guémené


Je me demande souvent à quoi pouvait bien ressembler le Guémené de nos aïeux ?

Les vieilles cartes postales renvoient l'image d'un bourg (quelques fois on y voit la campagne) du tournant du XIXème et du XXème siècle : celui de l'enfance de ma grand-mère Gustine, par exemple.

Le coeur du bourg de Guémené fut, comme partout ailleurs, son église et les bâtiments et ruelles qui s'agglutinèrent autour. Mais il ne reste rien de l'ancienne église, pas même le nom de la place où elle se dressait, devenue "place Simon" par l'insistance dynastique d'une même famille qui dirigea la commune pendant un siècle au moins.

Pourtant, il suffit que je vienne sur ce désormais parking du centre bourg garer ma voiture le nez vers le Vieux-Logis, cette ancienne maison de justice, d'en admirer la tour et les fenêtres, puis de glisser derrière, par la ruelle qui mène au lavoir (l'ancienne route par laquelle on entrait dans Guémené, venant du sud), pour qu'un frémissement me saisisse : je n'entends plus vraiment le moteur des véhicules modernes, mais l'écho lointain et assourdi du Vieux Guémené se pressant autour de son clocher antique.

Et c'est le Pontret, le Grand-Moulin et les bords du Don où l'on lavait le linge à moins d'y venir pêcher.

A quoi pouvait bien ressembler cette église ancienne de Guémené où tant d'hommes, de femmes et d'enfants furent enterrés, nourrissant à jamais de leurs sucs le sol supportant nos lourds véhicules modernes, qu'un édifice monumental de substitution fait ailleurs oublier et dont la trace toponymique est effacée par la célébration de dynastes municipaux ?

La sollicitude d'amis de Guémené (dans le double sens d'amis personnels vivant à Guémené et de personnes qui veulent du bien à Guémené), me permet aujourd'hui de satisfaire cette curiosité.

Voici deux images qui représentent à un siècle de distance probablement et de façon incroyablement concordante du point de vue de l'endroit d'où elles furent réalisée, une même partie du bourg.



La première image est une gravure (reprise ultérieurement en carte postale : d'où le texte la légendant). La seconde est un cliché pris à la fin du XIXème siècle. Dans les deux cas, les deux artistes se sont postés à peu près au même endroit, sur la rive sud du Don, après le Grand-Moulin, face au vieux bourg.

Avant de poursuivre la description, la datation.

La gravure figure un Guémené d'avant la Révolution de 1789 dans la mesure où c'est au cours de cette période historique qui agita pas mal la paroisse (ou plutôt la commune) que le clocher pointu de l'église fut détruit pour être ensuite reconstruit selon ce qu'on voit sur la photo (tour de base carrée, à toit aplati).

La cause de la destruction du clocher est disputée : on l'associe parfois à un épisode de la lutte des Blancs (qui tenaient plus ou moins la campagne) et des Bleus (qui tenaient le bourg), les premiers ayant mis le feu au clocher de l'église dans laquelle s'étaient réfugiés les seconds...D'autres attestent que l'incendie résulta en réalité de la foudre...

Quant à la photo, elle doit être une des toutes premières prises à Guémené : la nouvelle église, celle que nous connaissons aujourd'hui date en effet de 1886. Il faut donc penser que ce cliché a été pris peu avant la destruction du bâtiment ancien et l'édification du nouveau.

La gravure du XVIIIème siècle offre au regard un Guémené bucolique : des arbres d'essences diverses bordent la rive nord du Don ; des personnages pêchent au bord de la rivière comme s'il s'agissait d'une détente au cours de vacances d'été (il ont un chapeau à large bord, comme un chapeau de paille pour se protéger du soleil).

La photo révèle, pour sa part, un univers plus minéral : les arbres ou les feuillages ont disparu et les palis du bord de l'eau imposent à l’œil leur face argentée.

Mais au-delà de ces différences, on est surtout sensible à la rémanence, à un siècle de distance, de l'habitat et de la construction. En regardant attentivement, on note en effet, qu'à peu de choses près se retrouvent les mêmes édifices, assez peu nombreux : l'église et le Vieux-Logis, un petit bâtiment au bout de la descente du Pontret ; deux grands bâtiments à droite du Vieux-Logis.

Ensuite, la vieille photo permet de découvrir des indices qui permettent à préciser la "personnalité" extérieure de l'ancienne église. C'est bien entendu ce clocher (assez laid) déjà évoqué, mais aussi, ainsi que le révèlent les détails ci-dessous, la forme des fenêtres, apparemment à petits carreaux, et l'allure extérieure avec les contreforts qui en strient verticalement les grands murs latéraux et font sailli au dessus du bord du toit.




La gravure fournit une intéressante vue du moulin et de sa roue à aube.


Mais surtout, elle met en scène des personnages : à l'angle du moulin sur le Don, une femme est penchée. Est-ce une lavandière qui bat ses draps ? Sur la rive sud du Don, au premier plan : deux pêcheurs et un chien.




L'un des pêcheurs pêche à la ligne tandis que l'autre utilise un "carrelet" encore appelé "balance" ou "échiquier".

Dans ce dernier cas, il s'agit d'un filet carré dont les mailles s'étrécissent en principe au milieu, suspendu à ses angles à deux cannes arquées, nouées en leur croisement à une perche qui prend appui sur le sol. Une corde permet de relever plus facilement le dispositif, lesté parfois d'eau et de poissons.

Ces "carrelets" étaient utilisés pour la pêche en eau douce dans le cas d'eaux poissonneuses (pour attraper des ablettes, par exemple).

En recherchant sur Internet, on trouve des images très semblables à la figure du pêcheur à filet des bords du Don, étayant de ce fait le sentiment d'une immuabilité des choses d'un certain passé :



Les Simon, maires de Guémené au XIXème siècle, ont eu fort à faire pour soutenir la vieille église et l'empêcher de s'écrouler : les délibérations municipales votant des travaux - en particulier pour le tout jeune clocher - sont nombreuses et portent sur des réfections étendues et coûteuses.

Ils ont finalement peut-être bien mérité de la Place.

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