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samedi 3 août 2013

La fin tragique de Christian Benoist-Gironière


Les belles villas des bonnes familles de Guémené bordent la route de Redon. De même, quand on remonte l'allée centrale du cimetière, les "dernières demeures" qui la délimitent sont souvent celles de familles guémenoises remarquables : les Simon, les Boisfleury, les Benoist-Gironière, d'autres...



La tombe des Benoist-Gironière porte des plaques de marbre gravées au nom des disparus. Ici gît, ainsi, Christian Benoist-Gironière, fils et frère des docteurs Émilien et Michel Benoist qui soignèrent la population de Guémené à la fin du XIXème siècle et au cours d'une bonne partie du XXème.


Assez parlé du destin des pauvres hères, du sort tragique des "gueux" ! Évoquons pour une fois celui non moins tragique d'un membre de la bourgeoisie locale.



Christian Benoist-Gironière était né à Guémené le 4 mars 1899. Aîné survivant des enfants du premier docteur Benoist (un premier fils, Robert, était mort à deux ans), c'était, aurait-on dit, un brillant sujet.

Entré en mars 1922 à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, il en sortait avec son diplôme d'architecte en poche en novembre 1924 et avait remporté de nombreux concours et distinctions. A Paris, ce jeune homme demeurait au 38 de la rue du Bac (photo ci-dessous), à 250 mètres de cet établissement où il s'illustra.



Comme on dit : un avenir radieux s'ouvrait à lui et à sa fiancée Andrée Daviod, fille elle-même d'un autre médecin, parisien celui-là. Mais les Parques ne l'entendaient pas ainsi, qui coupèrent le fils de sa vie, au petit matin de ses succès.

A l'été 1925, les jeunes gens s'en vont en effet passer quelques temps dans le château d'un oncle du jeune homme, situé dans le massif de la Chartreuse, vers Grenoble, précisément à Saint-Nazaire-les-Eymes.

L'excursion :

Le dimanche 30 août, vers 16 heures, Christian et Andrée préviennent leurs hôtes qu'ils partent faire une promenade. En guise d'au revoir, l'oncle leur recommande de ne pas trop s'éloigner et de ne pas rentrer trop tard.

Chaussé de simples espadrilles le couple s'engage sur le sentier qui conduit au col de Faita, 4 ou 5 km au nord du bourg où est localisé le château avunculaire. Le sentier chemine sous les arbres, de sorte qu'on ne sait pas bien si le jour est avancé ou pas. Au sortir de ce tunnel arboré, les marcheurs atteignent le col et découvre la nuit. Il est donc urgent de chercher le chemin de retour que l'on vient pourtant à peine de quitter et que la pénombre efface au regard. Les jeunes gens sont perdus.

L'accident :

Christian se met en peine de retrouver le chemin, furetant de ci et de là à tâtons. A un moment, il se penche et agrippe une branche d'arbre, puis il fait un pas en avant. Las ! Au lieu du sol solide, il n'y a que le terrible vide :  bientôt la branche empoignée cède sous le poids de l'architecte.

Son corps glisse alors le long d'un escarpement semé de rocailles jusqu'à ce que sa course fatale soit stoppée, deux cents mètres plus bas, par un arbre.

Pour la jeune fille, ce n'est qu'une bande-son dans le noir : un long cri, un corps qui se fracasse contre des minéraux acérés, des pierres qui déboulent avec le corps en grondant dans la nuit, le tout ponctué d'un brutal et terrible silence final.

La veillée :

La jeune fille n'écoute que son courage et entreprend de porter secours à son fiancé. Elle tente de le rejoindre et se laisse glisser le long de la pente jusqu’à l'endroit ou gît le pauvre jeune homme. Elle le trouve, brisé et sanglant. Mais le coeur bat toujours. Afin de sécuriser la position (un abîme de 200 autres mètres s'ouvre à nouveau en-dessous de lui), elle l'attache avec sa ceinture à un arbre. Elle s'emploie ensuite à essuyer le sang et à panser les plaies du blessé de son mieux.

Mais les soins prodigués n'y font rien et, une heure et demi après l'accident, le fiancé expire, dans les bras de sa promise et dans la nuit d'août de la Chartreuse. Les cris et les appels de cette dernière ne peuvent que rester vains. Et ils le sont : Elle passe donc la nuit auprès du corps sans vie de Christian Benoist, seule et désespérée.

Les secours :

Au matin du 31 août, alertés par l'oncle, les secours se mettent en branle. La fiancée prostrée auprès du décédé est retrouvée et le cadavre mutilé est ramené au château de l'oncle.

Le corps est par la suite conduit à Guémené pour y être inhumé.

Ainsi s'achève le périple humain de Christian Benoist-Gironière, architecte, fiancé et mort en vacances.

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