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dimanche 20 avril 2014

La chapelle de Planté


C'est une excursion que j'ai réalisée il y a déjà quelque temps par une journée maussade, comme celle qui se profile aujourd'hui.

La chapelle de Planté se trouve à 23 kilomètres au sud de Guémené, près du bourg de Quilly. Cette bourgade, comme bien d'autres de la région, fut englobée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans la "Poche de Saint-Nazaire", zone que les troupes allemandes défendirent jusqu'au dernier jour du conflit.



La chapelle Notre-Dame de Planté est liée au folklore et à l'Histoire locaux ainsi qu'à un ermite mangeur de patates,  Julien Château.

C'est un joli bâtiment entretenu et restauré qui surgit dans la campagne au milieu de rien. Le corps principal du bâtiment est surmonté d'un clocheton pointu qui se termine par une sorte de paratonnerre embrochant un pauvre coq.

Il est flanqué d'appentis au nord et d'un petit oratoire au sud, ce dernier ayant servi de résidence à l'ermite précité. Une joli petite croix de pierre domine le faîte de la façade ouest, percée d'une longue et étroite ouverture en forme de meurtrière.

Si l'on en croit les affichettes disposées à l'intérieur de l'édifice, une première chapelle fut érigée au XIIIè siècle. Le bâtiment actuel résulte de réfections datant de 1816. Cette chapelle avait échappé aux saccages de la période révolutionnaire car elle aurait servi de dépôt de munitions aux "Bleus".







L'oratoire accolé au flanc sud de la chapelle se prolonge par une sorte de petit préau dont le toit repose sur un gros pilier de pierre. Sous ce préau, deux fontaines situées au ras du mur, juste à côté de la porte. Un peu plus au sud, en contrebas, se trouve une sorte de piscine en pierres que je n'ai pas photographiée (curieusement).

Les fontaines avaient, dit-on, pour vertu de donner du lait aux nourrices et la piscine, de guérir les femmes de certaines maladies...

Il est possible d'ailleurs que la chapelle résulte d'un vœu d'un antique seigneur de Campbon dont le nouveau-né aurait été sauvé.













Difficile de ne pas évoquer en ces lieux la mémoire de l'ermite de Planté, Julien Château. Une statue posée sur un piédestal représente le bienheureux habillé en "frère tertiaire de Saint-François d'Assise" (ordre de franciscains destinés à vivre dans le monde et non dans un couvent) : sandales, robe de bure, corde à trois nœuds, chapelet à la ceinture....

Le brave Julien à l'air en grande discussion avec le Ciel. Le port de la tête, le geste des mains, confèrent une grande expressivité à cette statue qu'on entend presque parler : "Mon Dieu, suis-je digne de figurer sur ce podium ? Qu'ai-je fait pour mériter cette publicité ?"

Là est bien, en effet, la question.

On ne sait trop sous quelle influence, à 21 ans, Julien, fils de famille aisée dont les parents étaient décédés, prit l'habit et vendit ses biens pour les donner aux pauvres. Il alla se réfugier dans une grotte où il passa six ans en grande austérité.

Comme son refuge ne disposait pas vraiment du confort moderne, ses supérieurs, craignant pour sa santé, lui enjoignirent d'occuper un autre local, à savoir l'oratoire attenant à la Chapelle de Planté où l'on peut voir un petit autel de pierre sur lequel un bouquet a été disposé.





C'est dans cet espace réduit que le bienheureux passa les quinze dernières années de sa vie. Une vie pas drôle, faite de prières et de pénitences sévères.

Il ne mangeait qu'une fois par jour, et encore des pommes de terres et des herbes bouillies : pas de vin, pas de poisson, pas d’œufs, pas de viande ! de quoi garder la ligne et ne pas desserrer le chapelet autour du bide.

Ajouter à cela un peu d'exercice physique et vous aurez le secret de ce régime : il effectuait tous les jours le trajet par champs et par vaux jusqu'à l'église de Campbon, à six kilomètres, afin d'y écouter la sainte messe. Sans doute avait-il de l'entraînement car il avait fait deux fois le pèlerinage de Rome et une fois celui de Compostelle. Le tout en sandales, faut oser.

Il complétait son emploi du temps en catéchisant les enfants du coin et en entretenant son petit jardin où il cultivait les patates.

Car vous le lisez bien : alors que Parmentier n'était pas encore né (il n'avait que six ans à la mort de Julien Château), la patate croissait et se multipliait déjà en France non loin de Guémené-Penfao grâce aux pieuses cultures du bienheureux de Quilly. A bas l'imposteur ! Vive Julien Château à qui les enfants et les édentés doivent la purée !

Ce bienfaiteur de l'Humanité, "épuisé par les jeûnes et les austérités", s'éteignit dans son petit oratoire où l'on voit encore la pierre ou il reposait sa tête. Il avait 46 ans, c'était le 11 mai 1744. 


***

L'intérieur de la chapelle présente plusieurs éléments d'intérêt.

On y distingue la charpente du toit qu'aucun plafond ne vient cacher à la vue. Près de l'autel une pierre creusée prise dans le mur fait un fruste bénitier.

Mais le plus curieux est une grande peinture dressée au-dessus de l'autel, entre deux niches désertées par leurs saints.

On y trouve la naïveté des ex-voto, une fraîcheur d'art populaire. On doit cette composition à un artiste nommé Lemasson, suite à une demande des habitants de Quilly. Peut-être s'agit-il de Paul Lemasson, né et décédé dans la région de Nantes, qui eut pour professeurs des élèves de Puvis de Chavannes et de Maurice Denis, et dont la renommée n'est pas nulle.

Le tableau s'intitule "Reconnaissance 1945" : il attribue à la bienveillance de la Vierge le fait que l'église de Quilly ait été miraculeusement épargnée de la destruction malgré des bombardements intenses lors de la période des neuf derniers mois de la guerre, alors que, dans la "Poche de Saint-Nazaire", les clochers du coin (points d'observation appréciables) étaient la cible des artilleurs.

Cette bienveillance virginale est marquée par un bras protecteur au-dessus de l'église dont descend un faisceau blanc.

Au bas à droite de la composition, une église est très endommagée et de la fumée sombre s'en échappe : il s'agit de Notre-Dame de Grâce du bourg voisin de Guenrouët.

Voici pour vos yeux :









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