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samedi 19 avril 2014

Saint Colomban priez pour nous !


Quoi de plus simple et de plus naturel que le destin de la famille Monnier qui vivait à Guémené au milieu et à la fin du XIXème siècle.

Voilà Sébastien Monnier, un brave garçon originaire de Massérac où il nait en 1818. Il est charpentier de marine, un beau métier pour sûr. Son frère aîné aussi est charpentier, à Guémené, à la Grée Caillette.

Sébastien épouse en octobre 1847 la petite Rose Morisseau, fille d'un cabaretier du bourg de Guémené.

Tout ça prospère gentiment et fait ce qu'il faut d'enfants pour l'époque. En l'occurrence, quatre.

Il y a l'aînée, Rosalie née en 1850 ; le cadet, François de 1853 ; vient ensuite Léonie, en 1857 ; et on termine par Alexandre qui vient au monde en novembre 1860 : un tous les trois quatre ans, papa et maman Monnier ont le sens du rythme.

Alexandre, c'est un prénom bien ambitieux. On en ferait bien un curé, du petit dernier.

Le 29 juin 1883, le jeune homme, qui a terminé ses études, est admis dans les ordres majeurs. Bref le voilà prêtre. Sa maman est fière, monsieur le curé aussi.

Sans doute mène-t-il sa petite vie de petit curé tranquillement dans le département. On le relève une dernière fois vicaire à Châteaubriant avant d'être nommé curé d'un petit bourg au sud de Nantes peuplé d'un peu plus de deux mille âmes : Saint-Colomban. Il prend possession de sa paroisse fin 1905 ou au début de 1906, il est alors âgé de 45 ans, âge de toutes les crises.

Le 7 mai 1906, un lundi, Saint-Colomban bruisse d'une folle rumeur : Monsieur le curé s'en va, Monsieur le curé est parti ! On dit qu'on a vu son cheval à vendre à la foire du bourg voisin ; on dit qu'il a disparu depuis plusieurs jours et que c'est pas pour rien que c'est le vicaire qui fait le service. 

Des langues bien informées parlent d'anguilles sous roche, de fumée sans feu, de guilledou, de démon de midi...de source sûre !

On harcèle la domestique, la pauvre Angèle Caharel : mais elle ne sait rien...ne voit rien...n'entend rien...

L'ancien curé Tardivel, âgé de près de 80 ans, cacochyme et égrotant, enchaîne en bredouillant les ave et les pater : il en bave sur son bréviaire.

Les bourgeois et les vielles bigotes disent : "On avait bien besoin de ça ! et au moment où la Religion est déjà si accablée par les ennemis du bon Dieu"... (on est en pleine période d'inventaire des églises, suite à la Séparation de l'Eglise et de l'Etat).

Les nobliaux des châteaux ne s'étonnent de rien, car ce curé libéral fréquentait plus les chaumines paysannes que les manoirs des puissants.

Et c'est pourtant vrai. Certains ont même réussi à se procurer un journal qui parle de l'affaire. Et ils y ont lu une lettre incroyable adressée par le curé Monnier à l'évêque de Nantes :

"Monseigneur,

J'ai l'honneur de vous remettre ma démission de curé de Saint-Colomban. N'ayant plus la foi, je n'ai plus, par là même, les qualités que vous demandez pour gouverner ma paroisse.

Je retourne donc dans la foule d'où je suis sorti, après bien des hésitations et sous l'influence du milieu où j'ai vécu.

Beaucoup me blâmerons, d'autres me plaindront. A tous, je peux dire que je m'en vais conscient d'avoir toujours fait honnêtement et loyalement mon devoir, d'avoir consacré ma vie, depuis vingt-cinq ans, au service du soldat et de l'ouvrier, et que l'on peut bien changer de condition sans perdre pour cela le droit à l'estime des honnêtes gens".

On dit l'ancien curé parti vers Paris.


***

Trois mois plus tard jour pour jour, le samedi 7 juillet 1906, à la mairie du XIè arrondissement de Paris, Alexandre Louis Monnier, un gars de Guémené, épousait Eugénie Naugarède.


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