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samedi 25 octobre 2014

Le dernier mort de 14-18


En cette année de célébration du centenaire de la première guerre mondiale, toute l'attention se porte sur le soldat Jean Friot, dont le sacrifice (comme on dit), le premier chronologiquement, devient emblématique de la boucherie de 14-18, vu de Guémené, Beslé et Guénouvry.

Pourquoi pas, d'ailleurs : il n'a pas démérité, lui qui sans doute ne demandait rien. Ni les dizaines de camarades qui formeront, avec lui, le trop long cortège funèbre qui s'égrène encore sur les différents monuments aux morts de la commune et de ses deux sections.

Mais pourquoi ne célébrer que le premier mort de cette guerre ? Pourquoi ne pas rappeler à la mémoire des vivants le souvenir des près de trois cents "sacrifiés" ? Trop long, c'est sûr.

Alors, évoquons un instant la mémoire du dernier, celui qui est mort pour la France officiellement le plus tard, même bien après la cessation des hostilités.

Mais qui est le dernier ? On ne peut pas prendre celui qui serait mort au plus près de la cessation des hostilités, car d'autres survécurent à cette date qui pourtant moururent ultérieurement de séquelles de blessures reçues au front.

Pour répondre à cette question, je retiens pour juge de paix le Livre d'or des Morts pour la France, recension effectuée à la demande du Ministère des Pensions, après le conflit. Ce document est constitué par département et on y accède (difficilement) via le site des Archives Nationales.

Voici, puisé à la source, l'histoire de ce Livre d'or
Dès 1914, la qualité de « Mort pour la France » est attribuée aux civils et aux soldats victimes de la Première Guerre mondiale ; ainsi, tout au long du conflit, le ministère de la Guerre tient à jour un fichier de tous les soldats honorés de cette mention qui répondait à des critères précis : seules les personnes mortes sur le champ de bataille ou à cause de dommages directement imputables au conflit, étaient susceptibles de la recevoir.

Par la loi du 25 octobre 1919,
« relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande guerre »,


l’État lance le projet d'un Livre d'or comprenant les noms de tous ces héros obscurs, qui serait déposé au Panthéon.


Le ministère des Pensions, nouvellement créé (20 janvier 1920, André Maginot en étant le premier titulaire)est chargé d'établir, à partir du fichier existant, la liste des Morts pour la France de chaque commune ; il l'adresse en 1929 aux maires qui la contrôlent et l'amendent. 

Des correspondances témoignent souvent de ces échanges entre les deux parties. Toutefois, les décalages entre les noms figurant sur les monuments aux morts et ceux des Livres d'or proviennent du fait que la liste du ministère est établie en 1929 alors que les monuments aux morts ont presque tous été érigés entre 1920 et 1925. 

En 1935, la présentation matérielle du futur Livre d'or est fixée : 120 volumes devaient être imprimés en plusieurs exemplaires, dont un serait déposé au Panthéon. Les contraintes budgétaires, puis le début de la Seconde Guerre mondiale, mirent fin au projet, en laissant subsister la documentation préparatoire.

Pour Guémené, le dernier de 267 à bénéficier de la mention "Mort pour la France" est Joseph-Marie Perraud. Celui-ci meurt le 3 septembre 1919, soit largement dans les temps, si je puis me permettre.


Il meurt chez lui, aux Rivières, dans la section de Guénouvry, hameau de sa résidence, mais aussi de sa naissance. C'était donc, ironie de l'histoire, un voisin de Jean Friot dont il était toutefois de quinze ans l'aîné. Le village des Rivières à Guénouvry a donc le double privilège d'avoir donné le jour au premier et au dernier Morts pour la France de la commune de Guémené.

Joseph-Marie, né le 29 juillet 1878, est le dernier des six enfants de Jean-Marie Perraud, couvreur (illétré) et de Julienne Civel, cultivatrice.

Il a deux sœurs, Marie et Rose, premières nées de la famille. Trois frères le précèdent donc encore : Jean-Marie, né en 1873, Pierre-Marie, né en 1874, François-Marie, né en 1875. Tous les frères mesurent autour de 1 mètre 60, comme d'habitude à l'époque dans ce milieu.

Les quatre garçons seront mobilisées en 1914. Les deux plus âgés resteront à l'arrière, l'un (Pierre-Marie) étant "considéré comme appelé sous les drapeaux le 2 août 1914" est en fait maintenu dans son emploi aux Chemins de Fer de campagne. L'autre, Jean-Marie, est "maréchal" et se trouve d'abord détaché aux Aciéries de la Marine à Saint-Chamond, puis au dépôts des métallurgistes rue d'Estrées, à Paris : il sera réformé en raison d'une "sclérose avec pleurésie au sommet" en juillet 1917 (blessure de guerre).


Joseph-Marie ne sera pas le seul "Mort pour la France" de la fratrie Perraud. En effet, François-Marie part également au front, intégrant le 14è Régiment d'infanterie Territoriale en décembre 1914. Sa campagne contre l'Allemagne sera d'assez courte durée car il est tué "à l'ennemi" aux Eparges, le 20 juin 1915. Son nom, contrairement à celui de son plus jeune frère, figure bien d'ailleurs sur le monument aux morts de Guénouvry.


Au fait : Joseph-Marie, dernier "Mort pour la France" de Guémené selon le Livre d'or, a succombé à une grippe gastro intestinale.

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