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dimanche 18 janvier 2015

Vitraux et merveilles (9)


Voilà déjà pas mal de mois que j'ai entrepris de décrire les vitraux de l'église de Guémené, le premier article datant de mars 2013. Ce n'est que récemment que je me suis remis à cette série qui se développe au rythme des succès plus ou moins affirmés que je rencontre dans l'identification des commanditaires de ces oeuvres.

Partant du principe que l'on trouve tout sur Internet, je persévère plus ou moins, jusqu'à ce que la chance ou l'inspiration dans la recherche m'offre une début de solution.

Les vitraux, comme on sait, sont en général signés par le maître verrier, leur auteur, et l'on identifie ceux qui les ont commandés quelques  fois par leur nom indiqué de manière explicite, parfois par des initiales plus ou moins décryptables et souvent par des armoiries, celles d'un homme et celle de son épouse.

Il y a au fond du choeur de l'église de Guémené de beaux vitraux, allant par paires. On va s'intéresser aujourd'hui aux deux paires qui se font face et qui sont aux deux extrémités de la série. Ce qui permet de les réunir dans un même articles est l'identité des commanditaires marquée par leurs armoiries : une famille noble a donc offert à la communauté des paroissiens quatre vitraux, et ce en 1903.

Voici les armes de ces bienfaiteurs :



Il s'agit d'abord du blason de la famille Lanfranc de Panthou qu'on peut décrire ainsi : "de gueule à deux fasces d'argent accompagnés de quatre croissants d'or, deux en chef et deux en fasces". Le second est probablement celui de la famille de Fontbonne, ce dont je n'ai pas encore trouvé confirmation.

Les deux saints représentés, Saint Ambroise et Sainte Eugénie permettent de confirmer que les commanditaires étaient Théodore  Ambroise Constantin de Panthou et Eugénie Thaïs Julia de Fontbonne qui s'étaient unis dans la commune de Vihiers, dans le Maine-et-Loire, en 1825, lui étant Receveur des droits réunis (des Contributions indirectes) en cette commune.

Théodore Ambroise était originaire du Calvados et elle était née à Elisabeth, dans le New Jersey, en "Amérique Septentrionale"



Vu l'époque de leur mariage, il est peu probable qu'ils aient encore eu l'occasion de faire cadeau de vitraux à l'église en 1903 : c'est bien plutôt un hommage du fils de ces gens-là, Gabriel de Panthou, dont la tombe au cimetière de Guémené, près de celle de sa mère Eugénie de Fontbonne, indique qu'il est mort en 1906. Ces tombes se trouvent toutes groupées en un enclos du bas du cimetière de Guémené, près de mon coin à moi.

Tombe d'Eugénie de Fonbonne

Tombe de Gabriel de Panthou

Un jour, je raconterai ce que ces gens étranges venus d'ailleurs pouvaient bien avoir comme point commun avec Guémené. En attendant, ils avaient eu l'air de s'y plaire suffisamment pour y laisser les traces artistiques qui font l'objet de cet article.

Les quatre vitraux qu'ils payèrent de leurs deniers (ou que leur fils offrit) datent de 1903 et émane de l'atelier de Jean Clamens, maître verrier installé à Angers entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Il meurt en 1918 âgé de 68 ans.

Il est l'auteur de nombreux vitraux dans l'église de Guémené, en particulier ceux de la nef, mais aussi certains autres du choeur ou d'ailleurs.


La paire occidentale de vitraux du choeur est une illustration de Saint Ambroise et de Sainte Eugénie.

Saint Ambroise est un Père de l'Eglise, évêque de Milan, connu pour avoir converti l'empereur romain Théodose. C'est probablement cet événement que figure la partie basse du vitrail consacré à ce personnage, qu'on retrouve plus haut, comme on l'a vu, avec sa mitre et sa crosse épiscopales, son manteau rouge et sa soutane violette, un gros livre vert posé sur la poitrine.

Un personnage un peu en retrait observe la scène, un bandeau lui ceignant le front. A l'arrière-plan, une tour et peut-être la silhouette d'un château (Milan ?).

Saint Eugénie aurait vécu à Rome au milieu du 3e siècle, à l'époque de l'empereur Valérien qui persécutait les chrétiens. Son père était un gouverneur. Suite à une affaire embrouillée, la sainte qui avait rejoint des moines et guérissait à tout va, se retrouve mise en accusation par une femme pour viol, devant son père le gouverneur. 

Elle s'en sort car papa la reconnaît et on découvre qu'il s'agit d'une femme et non d'un moine lubrique. Mais Valérien la fait reprendre et après lui avoir fait subir en vain divers supplices (bûcher, noyade,...) décide de lui faire couper la tête.

Sur le vitrail, on voit d'abord, en bas, la sainte ficelée comme un saucisson tenue à genou par un sbire à culotte violette. Un homme en manteau et capuche rouges semble l'envoyer à un sort cruel (est-ce Papa, est l'affreux Valérien ?), tandis qu'un soldat romain casqué et doté d'une lance supervise la scène. Le décor est un palais et on reconnaît un fronton de temple avec une colonnade. Au milieu se tient une femme avec un voile blanc sur la tête et un manteau bleu : peut-être s'agit-il de l'accusatrice de la sainte.

Plus haut, la sainte auréolée tient la palme du martyr de la main gauche et laisse reposer son autre main sur une épée (peut-être l'instrument de son supplice).




La seconde paire de vitraux, dans la partie orientale du choeur, rend hommage à Saint Louis et Saint Thomas d'Aquin. Le choix de ces deux personnages par les Panthou-Fontbonne m'échappe.

La partie basse du vitrail dédié au roi de France montre sa mort, au début de la huitième croisade, à Tunis en 1270, du typhus ou de la dysenterie.

Un évêque lui donne le sacrement, des moines sont présents dont l'un porte une croix. Le roi est auréolé, allongé dans son lit, recouvert d'une couverture bleue fleurdelisée, un livre à son chevet. Un chevalier en manteau rouge et cote de maille (son fils Philippe III ?), agenouillé, cache son visage dans sa main.

L'image du roi fournie dans la partie haute du vitrail le montre avec sa couronne la tête dans une auréole. Il est revêtu d'un manteau bleu à fleurs de lys.

D'une main (la gauche) il tient un sceptre et de l'autre, des reliques. Saint-Louis en effet en était friand : on voit sur le vitrail la couronne d'épine et un linge (peut-être la Sainte-Éponge).

Saint Thomas d'Aquin est le héros du second vitrail de cet ensemble. Moine dominicain, on le voit d'abord en prière devant un autel, un parchemin y étant posé. Sans doute est-ce la recherche de l'inspiration pour cet intellectuel. A l'arrière-plan, d'autres moines le regardent : seul Thomas a la tête dans une auréole.

L'image supérieure le présente en habit de dominicain, l'auréole autour de la tonsure, tenant un calice d'une main et un livre rouge de l'autre. Un coeur d'or rayonne sur son scapulaire noir.





La suite, au prochain numéro...

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