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dimanche 6 mars 2016

Tabernacle !


Faisons une pause dans les biographies héroïques pour aller porter nos pieds vers Guénouvry et plus exactement son église, aujourd'hui fermée pour travaux.

Guénouvry est une succursale, une section de Guémené, située à l'est et au sud-est du territoire communal.

Longtemps, cette partie éloignée du bourg de Guémené n'avait d'autre lieu de culte que la chapelle frairiale de Saint-Georges, un des douze villages en dehors du bourg de Guénouvry, reste d'un antique prieuré. 

Cette chapelle dont on a déjà parlé sur ce blog, est aujourd'hui inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques même si elle offre, plantée au milieu des choux, un air un peu piteux et abandonné.

Dans le grand mouvement de reconquête des âmes qui agita le premier XIXème siècle post-révolutionnaire, bien des églises furent reconstruites ou transformées, dans la région.

Ainsi, la création de la paroisse de Guénouvry et l'érection de l'église Saint-Clair (une nef avec transept), ont lieu de 1840 à 1846 (ordonnance royale). L'église a été restaurée au XXème siècle.

Les curés qui s'y succédèrent jusqu’à la Guerre de 14 avaient nom :


1846 - 1847 : Léobin ARLAIS, né à Saint-Lumine-de-Coutais en 1804, mort en 1872 ;

1847 - 1859 : Prosper MERLAUD, né à Nantes en 1807, mort en 1889 ;

1859 - 1861 : Pierre CHELET, né à Saillé en 1816, mort en 1870 ;

1861 - 1872 : Joseph MICHENAUD, né à Remouillé en 1816, mort en 1875 ;

1872 - 1889 : Jean-Mathurin BIROT, né au Louroux en 1826, mort en 1891 ;

1889 - 1891 : Noël LE CARRE, né à Quintin en 1844 ;

1891 - 1917 : Jacques DUGAST, né à Vieillevigne en 1843.

Une petite incidente pour le premier des ces saints hommes qui, non content de naître dans un pays au nom compliqué, se trouve de surcroît affublé d'un blase peu commun ;  Léobin, lait au bain, laid aubain, larbin, etc... 

En réalité, les deux se tiennent. Le nom de Saint-Lumine-de-Coutais, commune au sud de Nantes, vient de Saint Lumine, c'est-à-dire Lubin de Chartres ou Lupin ou encore Léobin (nous y voilà), l’un des évangélisateurs du Pays de Retz, autrement dit de la région.


L'extérieur

Les cartes postales anciennes montre l'église telle qu'elle était soixante ans environ après son édification. Une petite église sans prétention (contrairement à celle de Guémené, plus récente et complètement délirante), plutôt petite et de guingois (on a l'impression qu'elle part vers la droite, comme si elle avait mal au dos) et peu lumineuse (on remarque le petit oculus entre le portail et la croix sculptée juste au début du clocher). Sa façade commence déjà à se décrépir.






















L'intérieur

Sans doute ce bourg rural n'était pas riche. Peu de mobilier et peu de vitraux pour rehausser l'éclat de la petite église.

Il y a bien deux ou trois groupes de familles qui se sont cotisés pour offrir quelques vitraux fadasses : les Mathelier - Amossé - Morel, ou les Audrain - Château ou bien encore les Motreuil - Marbac - Jaunasse, illustres inconnus dont rien ne permet de dire plus que ce que les vitraux nous en disent.























Il y a bien encore l'emplacement de l'ancien baptistère, un recoin à gauche de l'entrée principale du bâtiment dont on note la grille de fer forgé représentant en son centre un coeur cerné d'une guirlande d'où partent des rayons de lumière.
















Sur le sol de ciment, à peine visible, se dessine une croix piétinée et poussiéreuse. Symétriquement, juste en face, sur le sol du renfoncement où se trouve l'échelle qui permet d'accéder au clocher, on découvre une sorte de grand calice aux traits très simplifiés.






















L'objet le plus intéressant qu'on rencontre dans cette église de Guénouvry est sans conteste l'autel qui semble dater des débuts de l'édifice. Un autel à l'ancienne par conséquent, qu'on a laissé malgré Vatican II et ses changements liturgiques.

Nu pour cause de travaux, cet ouvrage polychrome est disposé devant un choeur dont le mur est couvert de boiseries.

L'autel est surmonté d'un tabernacle.

La table par elle-même est trapézoïdale, comme souvent, et présente des effets de marbre. 
















Au milieu de la partie qui fait face à la nef, à la verticale du tabernacle, on remarque un médaillon de teinte claire. 

On y a représenté un agneau à grosse laine bouclée couché sur une croix, autrement dit un "agnus dei". Il entrouvre un œil comme si on venait de le réveiller d'un long somme que rien n'est plus venu troubler depuis longtemps.
















Le tabernacle figure un temple antique richement décoré. Comme le bâtiment antique, il possède colonnettes (noires) et fronton. Les colonnettes reposent sur un socle décoré et le fronton comporte un petit triangle rouge divin à peine visible. Des sortes de trophées longilignes de couleur cuivrée en décorent les côtés.
























La partie la plus ouvragée de ce tabernacle est sans conteste la porte côté nef, côté public. On y voit un pélican blanc aux ailes dorées qui se fouaille le corps de son long bec : symbole du Christ, il nourrit de son sang (on voit une tache rouge sur son flanc, près du bout de son bec) et de sa chair ses trois petits qui sont réunis dans un nid tout bleu.  

Juste au-dessus de cette touchante scène familiale et symbolique, veille l'œil de la Providence ou « œil omniscient », œil encadré dans la forme d'un triangle rouge, entouré par des rayons de lumière dorés. Comme on sait, il s'agit de la représentation de l'œil de Dieu exerçant sa surveillance sur l'Humanité...Big Brother, déjà...

Au-dessus de cette porte, une triplette d'angelots grotesques, joufflus et roses semblent sortir du sauna. Ils s'ébattent dans un nuage de vapeur bleu d'où s’irradient des rais de lumière d'or.

De l'autre côté du tabernacle, côté choeur, la décoration est plus sobre (personne pour regarder, normalement). On appréciera cependant la petite porte blanche représentant un calice posé sur un nuage.

























Enfin, on notera en sortant et pour finir en musique, l'harmonium de la maison Alexandre Père & Fils. Cet établissement a fourni du milieu du XIXème siècle jusqu'au milieu du siècle suivant des harmoniums de qualité qui étaient fabriqués en région parisienne.




dimanche 18 janvier 2015

Vitraux et merveilles (9)


Voilà déjà pas mal de mois que j'ai entrepris de décrire les vitraux de l'église de Guémené, le premier article datant de mars 2013. Ce n'est que récemment que je me suis remis à cette série qui se développe au rythme des succès plus ou moins affirmés que je rencontre dans l'identification des commanditaires de ces oeuvres.

Partant du principe que l'on trouve tout sur Internet, je persévère plus ou moins, jusqu'à ce que la chance ou l'inspiration dans la recherche m'offre une début de solution.

Les vitraux, comme on sait, sont en général signés par le maître verrier, leur auteur, et l'on identifie ceux qui les ont commandés quelques  fois par leur nom indiqué de manière explicite, parfois par des initiales plus ou moins décryptables et souvent par des armoiries, celles d'un homme et celle de son épouse.

Il y a au fond du choeur de l'église de Guémené de beaux vitraux, allant par paires. On va s'intéresser aujourd'hui aux deux paires qui se font face et qui sont aux deux extrémités de la série. Ce qui permet de les réunir dans un même articles est l'identité des commanditaires marquée par leurs armoiries : une famille noble a donc offert à la communauté des paroissiens quatre vitraux, et ce en 1903.

Voici les armes de ces bienfaiteurs :



Il s'agit d'abord du blason de la famille Lanfranc de Panthou qu'on peut décrire ainsi : "de gueule à deux fasces d'argent accompagnés de quatre croissants d'or, deux en chef et deux en fasces". Le second est probablement celui de la famille de Fontbonne, ce dont je n'ai pas encore trouvé confirmation.

Les deux saints représentés, Saint Ambroise et Sainte Eugénie permettent de confirmer que les commanditaires étaient Théodore  Ambroise Constantin de Panthou et Eugénie Thaïs Julia de Fontbonne qui s'étaient unis dans la commune de Vihiers, dans le Maine-et-Loire, en 1825, lui étant Receveur des droits réunis (des Contributions indirectes) en cette commune.

Théodore Ambroise était originaire du Calvados et elle était née à Elisabeth, dans le New Jersey, en "Amérique Septentrionale"



Vu l'époque de leur mariage, il est peu probable qu'ils aient encore eu l'occasion de faire cadeau de vitraux à l'église en 1903 : c'est bien plutôt un hommage du fils de ces gens-là, Gabriel de Panthou, dont la tombe au cimetière de Guémené, près de celle de sa mère Eugénie de Fontbonne, indique qu'il est mort en 1906. Ces tombes se trouvent toutes groupées en un enclos du bas du cimetière de Guémené, près de mon coin à moi.

Tombe d'Eugénie de Fonbonne

Tombe de Gabriel de Panthou

Un jour, je raconterai ce que ces gens étranges venus d'ailleurs pouvaient bien avoir comme point commun avec Guémené. En attendant, ils avaient eu l'air de s'y plaire suffisamment pour y laisser les traces artistiques qui font l'objet de cet article.

Les quatre vitraux qu'ils payèrent de leurs deniers (ou que leur fils offrit) datent de 1903 et émane de l'atelier de Jean Clamens, maître verrier installé à Angers entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Il meurt en 1918 âgé de 68 ans.

Il est l'auteur de nombreux vitraux dans l'église de Guémené, en particulier ceux de la nef, mais aussi certains autres du choeur ou d'ailleurs.


La paire occidentale de vitraux du choeur est une illustration de Saint Ambroise et de Sainte Eugénie.

Saint Ambroise est un Père de l'Eglise, évêque de Milan, connu pour avoir converti l'empereur romain Théodose. C'est probablement cet événement que figure la partie basse du vitrail consacré à ce personnage, qu'on retrouve plus haut, comme on l'a vu, avec sa mitre et sa crosse épiscopales, son manteau rouge et sa soutane violette, un gros livre vert posé sur la poitrine.

Un personnage un peu en retrait observe la scène, un bandeau lui ceignant le front. A l'arrière-plan, une tour et peut-être la silhouette d'un château (Milan ?).

Saint Eugénie aurait vécu à Rome au milieu du 3e siècle, à l'époque de l'empereur Valérien qui persécutait les chrétiens. Son père était un gouverneur. Suite à une affaire embrouillée, la sainte qui avait rejoint des moines et guérissait à tout va, se retrouve mise en accusation par une femme pour viol, devant son père le gouverneur. 

Elle s'en sort car papa la reconnaît et on découvre qu'il s'agit d'une femme et non d'un moine lubrique. Mais Valérien la fait reprendre et après lui avoir fait subir en vain divers supplices (bûcher, noyade,...) décide de lui faire couper la tête.

Sur le vitrail, on voit d'abord, en bas, la sainte ficelée comme un saucisson tenue à genou par un sbire à culotte violette. Un homme en manteau et capuche rouges semble l'envoyer à un sort cruel (est-ce Papa, est l'affreux Valérien ?), tandis qu'un soldat romain casqué et doté d'une lance supervise la scène. Le décor est un palais et on reconnaît un fronton de temple avec une colonnade. Au milieu se tient une femme avec un voile blanc sur la tête et un manteau bleu : peut-être s'agit-il de l'accusatrice de la sainte.

Plus haut, la sainte auréolée tient la palme du martyr de la main gauche et laisse reposer son autre main sur une épée (peut-être l'instrument de son supplice).




La seconde paire de vitraux, dans la partie orientale du choeur, rend hommage à Saint Louis et Saint Thomas d'Aquin. Le choix de ces deux personnages par les Panthou-Fontbonne m'échappe.

La partie basse du vitrail dédié au roi de France montre sa mort, au début de la huitième croisade, à Tunis en 1270, du typhus ou de la dysenterie.

Un évêque lui donne le sacrement, des moines sont présents dont l'un porte une croix. Le roi est auréolé, allongé dans son lit, recouvert d'une couverture bleue fleurdelisée, un livre à son chevet. Un chevalier en manteau rouge et cote de maille (son fils Philippe III ?), agenouillé, cache son visage dans sa main.

L'image du roi fournie dans la partie haute du vitrail le montre avec sa couronne la tête dans une auréole. Il est revêtu d'un manteau bleu à fleurs de lys.

D'une main (la gauche) il tient un sceptre et de l'autre, des reliques. Saint-Louis en effet en était friand : on voit sur le vitrail la couronne d'épine et un linge (peut-être la Sainte-Éponge).

Saint Thomas d'Aquin est le héros du second vitrail de cet ensemble. Moine dominicain, on le voit d'abord en prière devant un autel, un parchemin y étant posé. Sans doute est-ce la recherche de l'inspiration pour cet intellectuel. A l'arrière-plan, d'autres moines le regardent : seul Thomas a la tête dans une auréole.

L'image supérieure le présente en habit de dominicain, l'auréole autour de la tonsure, tenant un calice d'une main et un livre rouge de l'autre. Un coeur d'or rayonne sur son scapulaire noir.





La suite, au prochain numéro...

dimanche 20 avril 2014

Vitrail et mitraille


Voilà un moment que je cherchais à revisiter la chapelle Sainte-Anne des Lieussaints (ou de Lessain ou de etc...) où j'avais manqué, la dernière fois, de prendre des photos des vitraux, me concentrant sur les fresques.

En arrivant ce matin sur le sommet de la colline où perche cet édifice qui domine la vallée du Don, voyant de loin sa porte latérale grande ouverte, je savais ma persévérance enfin récompensée.

Il faisait bien sombre et pas trop chaud dans la petite chapelle.

Je me suis d'abord dirigé vers les deux vitraux proches de l'autel et qui sont les plus intéressants du point de vue artistique.

Il sont l'oeuvre du maître-verrier Antoine Meuret de Nantes, déjà mentionné pour ses importantes réalisations dans l'église de Guémené :



Je n'ai pas réussi à en identifier les commanditaires, en dépit de la présence de deux blasons surmontés d'une couronne comtale, au bas des deux ouvrages (peut-être à gauche, celui des de Gueriff de Launay, du château de la Herbretais, à Marsac). Si donc vous avez l'information, je suis preneur.



Le premier vitrail, à droite de l'autel, est singulier en ce qu'il représente une scène de guerre coloniale.

Une petite troupe d'infanterie de marine, pantalon blanc, casque colonial (modèle 1885) frappé de l'ancre, vareuse à double rangée de boutons et guêtres, progresse dans une nature exotique, avec pour fond de hautes collines sombres.

Elle est commandée par un jeune officier moustachu plein d'entrain et sabre au clair. La troupe, derrière, semble plus perplexe et moins lancée vers l'aventure consistant à civiliser les autochtones à coups de fusils. On dirait même qu'elle est un peu "paumée".

On remarquera un jeune clairon sur la gauche qui semble avoir remarqué quelque chose au loin.

L'ensemble de la scène est surmontée d'une figure un peu mystérieuse assise dans les nuages, une femme apparemment.





























Le vitrail qui lui fait face n'est pas signé, mais doit provenir du même atelier que le précédent. Il a d'ailleurs pour donateurs le même couple de comte et comtesse inconnus.

La scène principale met en scène deux femmes devant un nouveau-né dans un berceau monté sur patins.

La plus jeune est revêtue de bleu et est agenouillée devant l'enfant, mains jointes, tandis que la seconde est debout et porte des vêtements clairs. Il s'agit probablement de Marie et de Sainte Anne, sa mère.

Le tableau prend place dans une pièce carrelée avec à l'arrière-plan des grands pans d'un rouge sombre marqués de motifs circulaires.

Un bon Dieu barbu plane dans le ciel juste au-dessus, bras écartés.






























Tant que j'y étais, j'en ai profité pour examiner les deux autres vitraux, moins vivement colorés, présents vers le fond de la chapelle. Ils sont d'une autre série et probablement d'un autre artiste (pas de signature visible).

Tous deux sont dédiés à Sainte Anne qui en orne la partie centrale par deux "portraits" quasiment identiques :

























Des "phylactères", ces rubans de paroles fréquents dans les représentations religieuses, louent les mérites de la sainte dans un lyrisme dont on se demande à quelle source exacte il peut bien puiser, mais qui m'a un petit air de saint-sulpicisme rance, une odeur de fond de sacristie où se mêleraient sans discernement l'encens, la bougie et l'humidité :

"Sainte Anne, Tige fleurie, Institutrices des Vierges ",

"Mère des veuves, Sainte Anne, priez pour nous",

"Sainte Anne, racine féconde, Gloire de la Terre",

"Rampart de l'Eglise, Sainte Anne, priez pour nous".

Il est fort à craindre que l'auteur de ces sentences, à qui l'eau bénite est visiblement montée à la tête, n'ait pas été vierge, hélas. Car sinon, cette personne aurait forcément eu pour institutrice la bonne Sainte Anne qui lui aurait dit que "Rampart" (correct en anglais) s'écrit "Rempart", en bel langaige françouais !

Quoique selon Saint Âne,...