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samedi 21 juillet 2012

Chef d'oeuvre en péril

Mes premiers "pas" à Guémené remontent, je l'avoue, à août 1957, à La Hyonnais, ce centre du monde (le mien, en tout cas). Mais finalement, on sortait peu de son coin. Une exception toutefois pour la Vallée, site d'excursions, et donc le village de Mézillac qui marque une espèce de limite de la terra cognita : au-delà, le pays des chimères.

Si bien je n'ai mis les pieds dans les villages de Guénouvry que très récemment. Conscient de cette inexcusable lacune, j'ai profité d'une matinée pluvieuse pour ainsi, hier matin, partir visiter la Chapelle St Georges...à St-Georges.


En quittant l'esprit insouciant ma Hyonnais, je m'attends à trouver un site au cordeau, propre comme un sous neuf, à l'instar de ce qui s'observe, en allant sur Massérac, pour la très belle chapelle St-Yves.

Car c'est quand même la plus importante des chapelles restantes de Guémené par sa taille et par son histoire (avec celle de St-Anne des Lieussaints, sans doute). Mais enfin, c'est la seule à être inscrite au patrimoine des monuments historiques de France et c'est d'ailleurs le seul site guéménois à jouir de ce privilège.

Voici mon reportage : histoire et photos.


L'arrivée

J'ai passé Mézillac pour prendre un plus loin à droite la direction du gros village du Verger. Le ciel est chargé de gros nuages gris sombre et le Verger paraît prémonitoirement sinistré : ici où là des maisons en ruines ; à un carrefour un bonhomme retranché derrière un grillage à poule - pour toute protection de sa propriété privée -,est assis parmi un étalage de pots et de jardinières à fleurs...vides, à bovinement regarder les passants...passer.

Et puis un peu plus loin, un chemin à droite et au sortir d'un petit virage sur une route qui monte, après la dernière maison et la dernière grange, mais tout contre : la chapelle qui s'élève dans le ciel plombé. Elle paraît juchée sur une petite éminence.

La première chose qui frappe en arrivant c'est la silhouette pittoresque du bâtiment, assez grand et trapu, avec son petit clocheton quadrangulaire, mais surtout un aspect général de délabrement, de décrépitude et d'abandon qui fait vraiment de la peine.

Les fenêtres sont à peine remplies de pauvres vitraux miteux dont des carreaux sont cassés ; la végétation envahit le site, engoncé dans les herbes folles et les arbustes intempestifs, et on voit bien que peu d'entretien y est dispensé.

Mais quand même, dans sa pauvreté et son délaissement, cette chapelle a encore de l'allure.


L'incontournable rappel historique

J'ai déjà traité un peu le cas de la chapelle St-Georges dans un post précédent : donc pardon pour la redite si par hasard il se trouvait des lecteurs assidus ou parfaitement instruits de l'histoire de ce bâtiment.

La Chapelle St-Georges de Penfao est inscrite à l'inventaire des Monuments Historique depuis 2004, et c'est d'ailleurs le seul monument à jouir de ce privilège à Guémené, mais un parmi 239 en Loire-Atlantique.

Il s'agit d'une chapelle "frairiale" et "priorale" :

Frairiale :  les habitants des villages environnants formaient une des frairies de la paroisse de Guémené-Penfao (précisément, la frairie de Penfao, comprenant les villages de Mézillac, Ligançon, Saint-Georges, du Pont Bernard, du Verger, de Claie, Trineuc et Guénouvry). Ils pouvaient se marier dans la chapelle, s'y faire enterrer et y commettre diverses cérémonies et dévotions.

Priorale : Un prieuré bénédictin (c'est-à-dire un monastère) était attenant à la chapelle, quelque part je ne sais pas où. Ce prieuré dépendait de l'abbaye de Paimpont. Près de la chapelle se trouvait le cimetière des moines du prieuré.



La visite

Je n'imaginais pas en visiter l'intérieur. Mais au moment où j'arrivais, le fort sympathique propriétaire des lieux qui sont adjacents à la chapelle, sortait et nous nous sommes abordés. Il m'a proposé la clé pour en aller voir l'intérieur.

C'est une grosse clé en fer de "dans le temps". Je suis donc parti à grandes enjambées dans l'herbe haute détrempée, jusqu'au vieux portail Sud. Je me dis qu'il doit y en avoir des morts d'enterrés par là sous mes pieds : moines heureux, paysans besogneux, petits enfants souffreteux, paquet de parents et ancêtres sans mémoire.

Un trou de serrure rouillée sur une porte de bois pour le moins fatiguée dominée d'un linteau de pierre bleue sobrement ouvragée.

Mais bon, on éprouve de l'émotion.

L’aspect général de l'intérieur confirme la première perception extérieure.

Et l'amplifie : une lumière sale et pauvre filtre par les fenêtres et laisse dans la pénombre la vaste pièce pavée de grosses et rugueuses dalles de schiste ; derrière une balustrade de bois qui n'a pas dû voir un pinceau depuis au moins 100 ans, un autel "protégé" par du papier journal (des souillures des oiseaux...) ; un touchant petit tabernacle d'un bleu pâle usé par le temps où se détache un calice doré et frêle. Au-dessus de l'autel, l'emplacement béant d'un décor (un tableau de St-Georges paraît-il, parti en restauration, paraît-il, sans grand espoir de retour probablement...). A côté, un minable panneau où l'on a collé une sorte d'article de journal agrandi, racontant la chapelle.

Je me retourne comme le prêtre à l’Élévation. Une double rangée de vieux bancs me regardent muets. Au-dessus, le plancher du plafond est crevé et laisse apercevoir le toit et même, en regardant bien, le jour...Au fond, le grand portail ouest où filtre la lumière par les interstices de ses planches disjointes. Bref, c'est pas la joie.

Je descends de l'autel et arpente la chapelle, foulant aux pieds les tombes sans nom de ceux dont le corps défunt méritait cet emplacement de choix. Deux petits détails égarés dans cet abandon, deux petits bénitiers blancs où des milliers de mains (fines pour les orants tonsurés ; calleuses, pour les autres) se sont glissées furtives pour signer les milliers de silhouettes à jamais disparues qui se courbaient jadis en ces vallons devant leur dieu ou devant la terre de Penfao.

Il est temps de ressortir. Je vais faire le tour de la chapelle. Un champ de choux vient en lécher le flanc Nord. Les mêmes façades grises et humides.

Quand on quitte le lieu par le chemin qui s'élève à l'Ouest, la chapelle se tapit petit à petit, et s'en retourne à son endormissement de vieillarde malade.


Les photos

Voici un petit diaporama de cette visite. J'y ai laissé à dessein les photos sombres de l'intérieur même si l'on voit peu de choses : ça fait partie du témoignage.


























L'appel

C'est évidemment un peu pompeux, mais il me paraît nécessaire de pousser un cri personnel et modeste, après d'autres sans doute (j'espère), pour qu'on restaure la gloire passée et méritée de la Chapelle St-Georges de Penfao : pour Guémené, pour la frairie de Penfao.

Je rêve de l'inauguration, en présence des Autorités et d'un "grand concours de peuple", d'une chapelle rénovée et rendue à sa splendeur antique et modeste.

Poussons !


3 commentaires:

  1. Très intéressante cette chapelle. Il faut absolument que j'aille la voir.

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  2. Dans cette chapelle fut en 1675 enterré mon ancêtre Gilles Bourgeon âgé de plus de 80 ans selon le registre paroissiale et en 1782 son fils Gilles également. Votre reportage m'intéresse beaucoup.

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    1. Votre ancêtre Gilles Bourgeon (1632-1682) est aussi un de mes ancêtres directs

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