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dimanche 8 juillet 2012

Saint Goberien


Voici donc un nouveau conte en patois que j'extrais du recueil de l'Abbé Chenet. J'ai décidé de modifier un peu l'orthographe de l'original, pour mieux coller à la prononciation que j'ai dans l'oreille et dans le souvenir du patois de ma grand-mère.


L'histoire est simple : au catéchisme, qui se tient dans une chapelle où sont des statues de Saints, le vicaire demande le nom de l'un d'entre eux, dont la représentation est abîmée et dont le tronc est toujours vide.

Le conte situe dans un premier temps le lieu de l'action. Il s'agit de la Chapelle Saint-Jean qui existait encore Place Simon vers 1880, soit peu de temps avant la naissance de l'abbé Chenet. Je remets ci-joint un extrait cadastral de 1830 déjà publié, où l'on peut situer l'édifice (ainsi d'ailleurs que l'ancienne église), en bas, en gris :



D'abord dédiée à Saint-Julien de Guémené, cette chapelle avait été fondée au moyen-âge par les seigneurs de Montnoël pour leur servir d'enfeu (lieu de sépulture).


Reconstruite en 1709, elle était rectangulaire, son chevet polygonal et sa voûte était peinte. On y faisait jadis des baptêmes, des mariages et des enterrements.


Une ancienne dalle tumulaire (pierre tombale) datée du XVème siècle et provenant de cette chapelle se trouve rue du Grand Moulin : elle est en granit et le gisant est gravé en creux, les mains jointes. Autour de la pierre une épitaphe en lettres gothiques presque illisibles, il s'agit vraisemblablement d'un seigneur de Montnoël du XIVème siècle. 


Cette chapelle, servit de mairie pendant la Révolution.


Le conte se poursuit ensuite par l'exposé de la situation du pauvre Saint délaissé, en justifiant son abandon par une explication emprunte de bon sens populaire : s'il n'a pas de sous dans son tronc, c'est qu'on ne peut pas, pour des intercessions efficaces, se fier à un inconnu !

La chute de l'histoire est gentillette et illustre le proverbe selon lequel la vérité sort de la bouche des enfants.

Voici donc ce morceau sympathique :


Tout à couteu d’la piac’Simon
Où t’eut d’aoutfail’ la veuille église
A la dreut’ de la rue des Ponts
Enteur le jardrin et la r’mise
Se trouveut la Chapell’ Saint-Jean
Où l’on faiseut le catéchisse
Aux gars et aux fill’ de dix ans
Qu’éteuent pas terjous sans malice
Comm’ vous l’vereuz dans cette histouère
Que j’ai oui dir’ à Jean Martin
Qu’en aura fait du Purgatouère
Pour manqu’ de respect à un Saint.
- Y’avait donc dans la p’tite chapelle
Cinq ou six veuill’ statues en bois :
Saint Jean, Saint Paul, si je m’rappelle
Et vantié ben cor deux ou trois.
Les noms t’euent marqués par en d’sous
Et dans un tronc à grouss’ fenures
Chacun veneut apporteu des sous
Pour obtenir des guérissures.
Mais dam’, y aveut un Saint ben vieux
Qui n’aveut pu guère de peinture,
Le nez casseu et ren qu’un z’yeux.
Y faiseut ben triste figure
On n’aveut jamais su son nom,
Personn’ metteut ren dans sa boite
Allez li porteu ? A quoi bon,
Ça n’s’reut point un’ prière adroite :
On seut-y s’ment d’où y t’eut v’nu
Faut terjous s’méfieu, par prudence
Des gens qui vous sont inconnus
Et qui n’ont point de r’connaissance.
- Un jour donc le vicaire du temps
Dit aux gars de son catéchisse :
" Les gars, j’donn’ un bon point su’l champ
Au sien d’vous qu’aura l’pu d’malice
Et répondra à ma question :
Du vieux Saint qu’vous voyeuz là-bas
Voyons les gars qui m’dira le nom.
- Moi, dit Milet. - Hé ben mon gars
Chom’te ben vit’ et n’ai pas pou.
- J’se chomeu. - Allons et ben… ?
Et ben, puisqu’y n’a jamais d’sous
Je creu que c’est Saint Gobe-Rien…"

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