Avez-vous entendu parler du
Cinéma – Attraction ? de ses films à succès ? de son directeur, H.
Thomas ?
Le hasard du piochage sur
internet m’a permis d’acheter récemment une affichette que je reproduit
ci-après.
Dans la vraie vie, elle a à peu
près le format d’une demi feuille et devait sans doute être collée aux
devantures des commerces de Guémené, avant guerre.
J’aime bien ce genre d’objet
improbable car j’imagine avec une certaine volupté mémorielle la scène de cette
séance de cinéma : j’entrevois des personnages du bourg voire de la
campagne, hommes, femmes, enfants ; un bruit de projecteur qui ronronne, de la poussière
dans le pinceau lumineux ; des odeurs, des types ; et la perplexité mêlée
d’attente que pouvait susciter le programme annoncé.
Nous sommes donc dans la
Salle des Fêtes (où était-elle, au fait, dans les années 30 ?), un 23
novembre, probablement le dimanche 23 novembre 1930. Il fait bon dedans et froid dehors.
Je nous propose de regarder
le spectacle - en quelque sorte -, en essayant d’imaginer ce à quoi nos
lointains parents et concitoyens de Guémené ont bien pu être exposés. Il est 15
heures, la séance débute.
Le programme
Il comporte un reportage, le
film principal et sans doute un numéro de comédie.
En apéritif, le sujet
d’actualité est édifiant et exotique : le Congrès eucharistique de
Carthage, en Tunisie.
Vient ensuite en plat de
résistance (si j’ose dire) un « grand » film patriotique qui vante le
mérite de deux espionnes françaises pendant la première Guerre Mondiale.
En dessert, « un grand
comique à fou-rire » dont on ne peut rien deviner, maintenant.
Il est très probable que de
la musique ait accompagné ce programme, comme le vin accompagne le repas.
On précise au bas de
l’affichette que « le spectacle est de grande ampleur » (qu’est-ce à
dire : largeur de l’écran, variété du programme, longueur de la
séance ?) et que la « source lumineuse électrique est
puissante » (on comprend que quelques fois on ne voit pas grand-chose lors
des projections cinématographiques…).
Voyons cela de plus près…
Le congrès eucharistique de Carthage
Il existe des congrès eucharistiques régionaux, nationaux et internationaux. Celui de Carthage, le premier en Afrique, eut lieu du 7 au 11 mai 1930.
Il a été perçu localement comme une provocation, car de jeunes catholiques costumés en Croisés rappelaient aux musulmans colonisés la victoire des « Francs » sur l'Afrique du Nord...
Léger, quoi...D'ailleurs, la génération tunisienne montante, tel l’avocat et futur président de la Tunisie Habib Bourguiba, fustigera cet événement dans des articles de journaux.
Pas sûr que ce sujet colonialiste et calotin ait suffi à chauffer la salle.. Que pouvait bien en penser l’assistance guémenéenne ? Mystère….
Espionnage
ou la guerre sans armes (1928)
Il s’agit d’un film français sorti en France le (vendredi)
26 avril 1929 (96 minutes, noir et blanc, muet) et donc antérieur de deux ans à
l’œuvre qui apportera une certaine notoriété à son réalisateur (voir ci-dessous).
Personne donc ne pouvait avoir entendu parler de
« Jean Choux », l’auteur de ce chef-d’œuvre. Qui pouvait donc bien
être attiré par cette affiche à Guémené en 1930 ? Evidemment, s’appeler
« Choux » ne pouvait pas rebuter dans un univers tout acquis à l’agriculture.
Le film évoque de façon romancée le parcours d'une espionne et résistante française au service des forces britanniques durant la guerre de 14 - 18. Il s'agit de Louise de Bettignies qui créa dans la région de Lille un réseau de renseignement et qui mourut en captivité en 1918.
Jean Choux, sa vie, son oeuvre
Jean Choux est un réalisateur, dialoguiste, interprète, superviseur de la réalisation, scénariste, adaptateur, monteur, producteur, peintre et poète (ouf !) français (ou suisse !) né le 6 mars 1887 à Genève et mort le 6 mars 1887 à Paris.
Juriste de formation, journaliste à ses débuts en Suisse, il publie un recueil de poésies. Il se passionne pour la critique cinématographique et se met rapidement à l'écriture de scénarios. Il réalise en Suisse son premier film en 1925, La Vocation d'André Carrel ou La Puissance du travail avec Michel Simon. À Paris, il tourne cinq autres films muets, tous interprétés par son épouse, l'actrice Thérèse Reignier, dont Espionnage ou la guerre sans armes (1928).
Jean Choux acquiert la notoriété grâce à son unique
succès Jean de la lune (1931), adapté de la pièce de Marcel Achard, avec Madeleine Renaud, Michel Simon...
Il dirigera notamment Arletty (Un Chien qui rapporte, 1931- sa première apparition sur les
écrans) ; Françoise Rosay (Maternité, 1934) ; Alice Cocéa et Harry Baur (Le Greluchon délicat, 1934) ;
Pauline Carton et Dita Parlo (Paix sur le Rhin, 1938).
En 1939, à la déclaration de guerre, il est à Rome pour le tournage d'Angélica avec Vivian Romance. Avant son retour en France, il réalise un film
italo-espagnol, La Naissance de Salomé.
En 1942, il tourne La Femme perdue avec Renée Saint-Cyr. Enfin, sa dernière réalisation, L'Ange qu'on m'a donné, sort fin mars
1946, alors qu’il vient de mourir.
Références intéressantes sur le Web
http://www.cineressources.net/recherche_t.php
(site sur les ressources des archives cinématographiques)
http://anabases.revues.org/343 (site
d’une revue d’histoire ; article sur le congrès de Carthage)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_de_Bettignies (excellent article dans Wikipedia sur Louise de Bettignies)
Article sur Jean Choux dans
Wikipedia
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