Vous connaissez les Simon. Vous connaissez aussi Gilles Durand, Henri de
Boisfleury. Vous vous rappeler Eugène Leblay. Mais avez-vous jamais entendu
parler de Maurice Luc, Vicomte de Sapinaud qui fut pourtant lui aussi Maire de
Guémené-Penfao ?
Non ? Pas trop ? A vrai dire moi non plus : seul le hasard
m’a fait découvrir qu’un Vicomte de Sapinaud fut jadis, un temps, le premier
magistrat de cette commune.
Parmi les raison de l’oubli, il y a sans doute le caractère très
météorique de son mandat. Sans doute aussi le fait qu’il n’appartenait pas à
une famille du pays. Et visiblement, ses réels exploits personnels ont eu un
autre théâtre d’opération que le modeste chef-lieu de canton qu’est Guémené.
Maurice Luc, Maire de Guémené
Ce paragraphe aurait pu être court tant la durée du mandat du Vicomte de
Sapinaud, Chevalier de la Légion d’Honneur, fut brève. Il remplace Fidèle Simon
en juin 1874 avant d’être remplacé à son tour par…Fidèle Simon père, ce dernier
étant nommé par Décret du Président de la République en date du 20 mai 1876.
L’installation de ce dernier ayant eu lieu le 31 mai suivant, Maurice Luc de
Sapinaud Maire a tout au plus « tiré » deux ans !
J’ignore aussi bien les raisons de sa nomination que celle de son
débarquement. Il faut se rappeler qu’avant 1884, où une loi instaure le
fonctionnement politique toujours actuel des municipalités, les Maires sont
nommés par le Pouvoir Exécutif.
Maurice Luc a dû donc plaire, puis déplaire ; ou bien être adéquat,
puis ne plus l’être.
Son action politique s’inscrit dans le train train de la gestion
communale courante de l’époque (et d’aujourd’hui souvent) : budget et
finances communaux, entretien de la voirie, assistance et bienfaisance
publiques, gestion du « personnel » communal (instituteurs,
gardes-champêtres, sages-femmes…), vie politique (mise à jour des listes
(limitées) électorales, par exemple), gestion du foncier communal, etc.
Je tiens néanmoins à sortir de cette grisaille trois faits qui adornent
et rehaussent l’éclat de cette mandature :
-
la mise en place à Guémené de la
souscription nationale pour venir en aide aux « centaines de
milliers » de victimes de la grande crue de la Garonne de juin 1875
(détails sur cet événement : http://ahbon.free.fr/crue_1875_2.html ) ;
-
l’adjudication d’un marché
communal concernant la fourniture de bancs publics à Guémené ;
-
le rejet par deux fois d’une
pétition sécessionniste des habitants de Beslé, réclamant l’érection de
« leur paroisse en commune » (les manants !).
Histoire (familiale) d’un Vicomte
Mais d’où sort donc le Vicomte ?
C’est en effet à ce se demander d’où sort cet illustre inconnu. La
réponse est : d’une bonne vieille famille aristocratique bien
réactionnaire.
Maurice René Luc, vicomte de Sapinaud de Boishuguet, est né à Savennières (Maine-et-Loire
et pays de vignobles) le 7 juin 1837. Il est décédé en juillet 1921 à Angers,
ma mère avait deux mois et j’ai beau insister, elle persiste à dire qu’elle était
trop jeune pour se rappeler ce triste événement qui aurait pourtant dû marquer
les Guémenois jeunes et vieux.
Il est le fils de son père
Ernest, Chevalier de Malte, et le troisième enfant d’une fratrie de quatre.
Notons au passage que son frère puîné, Joseph, épousera vers 1875 Bertille de
Bruc de Montplaisir, de la famille ci-devant régnante de Guémené.
Papa Ernest, né vers 1802, était le fils sixième et dernier enfant de
Jean René Prosper Félicité, Vicomte de Sapinaud etc…Celui-ci était officier du
Roi (Louis XVI) et émigra en 1791 pour combattre la Révolution dans ce qu’on
appela l’Armée des Princes. Il participa à l’expédition de Quiberon, un
débarquement qui eut quelques retentissements dans la région. Bref un vieux de
la vieille.
Notre ami Maurice Luc, pas inquiet, avait épousé une aristocrate
parisienne déjà deux fois veuve. Le couple fut sans postérité (dans tous les
sens du terme, d’ailleurs).
Comme on le constate, les liens affectifs avec Guémené du Sieur de
Sapinaud semblent assez ténus. La possession de terres dans le secteur est
l’explication la plus plausible.
Le Vicomte fait le zouave
L’essentiel de la geste du Vicomte Maurice est ailleurs.
En effet, âgé d’un peu plus de vingt ans, il s’engage dans la légion des
volontaires catholiques plutôt royalistes, souvent originaires de Bretagne ou
des actuels Pays-de-Loire, qui va défendre les Etats du Pape, menacés par le
processus de l’Unité italienne. Ainsi devenu Zouave Pontifical et ayant belle allure (cf. photo ci-dessous), il fait la campagne
d'Italie et participe notamment au combat de Castelfidardo où Sa Sainteté s’est
prise, à la fin de l’été 1860, une déculottée mémorable (une décalottée, même).
Une anecdote qui en dit long sur le type de recrutement de cette légion de
volontaires calotins : un général italien consultant la liste des victimes
de cette bataille décisive aurait ironisé : « L'on
dirait une liste d'invités à un bal de Louis XIV ! ... ».
Recommandation
Il semble nécessaire de marquer quand même la trace de cet ancien édile.
L’usage évidemment c’est de dédier un lieu public : une avenue, un
boulevard, une place, ne serait-ce qu’une rue, voire une impasse ou un square.
Mais compte tenu, d’une part, de la modicité de son attachement et de sa
contribution politique à Guémené et, d’autre part, de l’orientation apparente
de ses convictions, une plaque sur un prie-dieu semblerait plus adaptée.
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