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dimanche 7 avril 2013

Charles Robin, le réfractaire

L'autre jour, je suis parti fouiner dans de vieux registres. Dans un tas de papiers, une chemise orange a attiré mon attention. Elle protégeait un petit cahier daté de la fin du 18ème siècle, à l'évidence un registre de baptêmes, mariages et sépultures à l'ancienne, c'est-à-dire tel que les prêtres les rédigeaient avant 1792.

A l'été 1790, soit un an - très tôt - après le début de la Révolution, la Constituante et le roi Louis XVI, mettent en oeuvre une réforme de l'organisation de l'Eglise catholique en France que l'on a appelé "la Constitution civile du clergé". Celle-ci impliquait une prestation de serment de la part des prêtres et surtout un détachement de l'autorité du Pape.

Rapidement, le Pape Pie VI s'y oppose et l'Eglise de France se déchire entre prêtres "assermentés" et prêtres "insermentés" ou réfractaires. La moitié des curés de base prête néanmoins serment.

La situation entre la Révolution et l'Eglise continue de se tendre pour finalement se régulariser en 1801, à la faveur du Concordat signé entre Bonaparte Premier Consul et le Pape suivant, Pie VII.

Dans l'intervalle, les deux clergés vont cohabiter, comme ce fut le cas à Guémené et dans sa région. 

Parmi les prêtres de base (curés, vicaires) réfractaires à la Révolution, il y avait donc Charles Robin.

Charles Robin était né à Conquereuil le 24 février 1756, dans le village de Bréhain, équidistant des bourgs de Conquereuil et de Guémené, en allant sur Pierric, non loin des étangs de la Renouillère et de Coisma.

Papa Robin était un laboureur qui savait signer son nom. La maman du futur rebelle s'appelait Françoise Urvoy.

On retrouve, avant 1790, Charles notre nouveau héros, curé au Pellerin, bourgade qui longe la rive gauche de la Loire en face Couëron, à quelque distance à l'ouest de Nantes. Remplacé dans ce poste au moment de la Constitution civile du clergé, il entre probablement alors dans la clandestinité.

Il en sort vers 1801, date à laquelle il apparaît dans une enquête préfectorale sur "l'Etat des ministres du culte dans le département de Loire-Inférieure". Dans cette enquête assez amusante, chaque prêtre de chaque commune du département est gratifié d'un petit commentaire fourni par les maires.

Notre ami Robin, désormais curé du Gâvre, y est décrit comme : "ex-curé du Pellerin, y exerce [au Gâvre]. Trop de zèle et de chaleur, à ne point employer." Le préfet (Letourneur, qui vota la mort de Louis XVI) et le maire du Gâvre de l'époque n'avaient donc pas trop confiance dans la loyauté "républicaine" du curé exalté du Gâvre.

Une petite digression pour l'anecdote : dans cette revue de détail alphabétique du préfet,  le curé qui apparaît juste après notre ami, est de celui de Fay et cela ne s'invente pas, il s'appelle Guillotin. Il est présenté comme "retraité, immoral, avide d'argent". Juste après, pour Guémené, on trouve une note sur Maillard, ex-curé de cette commune, favorable à la Révolution et toujours en fonction en ce lieu : "vicaire, ex-curé constitutionnel, ex-maire, percepteur (!?). Ne jouit pas de l'estime publique dans sa commune".

Mais revenons à nos moutons. Charles Robin mourut au Gâvre dans l'exercice de sa charge, le 11 janvier 1812 à l'âge de 56 ans.

Et Guémené alors ?

Au vu du petit cahier mentionné au début de cet article, retrouvé parmi de vieux papiers, Charles Robin fut vicaire clandestin de Guémené entre (au moins) avril 1795 et décembre 1799.

Dans ce document, dont je fournis ci-après quelques photos hélas de mauvaise qualité, le vicaire en rupture de ban assume crânement ses engagements. Chaque enregistrement de baptême, de décès ou de mariage rappelle la fidélité de l'officiant à l'Eglise de Rome. Par exemple : "le troisième jour du mois de juillet 1798, a été par nous soussigné prêtre catholique apostolique et romain baptisé etc...". Et la signature où le lieu est, contre tout usage, stipulé : "C. Robin vicaire de Guémené Penfao".

Dans tout récit où le destin laisse sa marque, l'histoire doit se terminer à l'endroit ou au type d'endroit où elle a commencé (Napoléon est né et est mort dans une île, par exemple). Pour Charles Robin, dont l'épopée est partie de Conquereuil, le récit s'achève donc à Conquereuil, selon une optique hagiographique qui convient au personnage.

Faute sans doute d'avoir pu conserver un morceau, un os ou quelque chose du bonhomme dans une châsse, on garde (ou on a gardé jusqu'à une époque récente) à Conquereuil, "un calice et une bourse pour le saint viatique" dont se serait servi le saint homme. A vérifier, donc.

Voilà pour ce héros. Je signale à tout hasard qu'un récit - orienté - de la vie et des péripéties d'un prêtre du coin du même genre, Grégoire Orain, pourchassé par le commandant des Bleus de Guémené, Mathurin Pinsmil, est lisible sur le site de la BNF (Gallica : "Vie de M. Orain, confesseur de la foi pendant la Révolution et mort curé de Derval, par M. l'abbé Cahour, Nantes 1860").

Ci-dessous les photos promises :




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