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samedi 13 avril 2013

Joseph Moureau a disparu


Quelques jours après le 10 mai 1940, la nouvelle parvint à la ferme de Montnoël, comme partout à Guémené et en France, que l'armée allemande venait de passer à l'offensive, là-bas, vers la Belgique. Il est probable que seule une vague inquiétude saisit les époux Moureau, Julien et Jeanne-Marie, à propos leur dernier fils, Joseph, âgé de tout juste 21 ans, qui se trouvait alors mobilisé dans le secteur : tant d'autres y étaient, et puis où exactement, on ne le savait pas vraiment.

Il est probable que leur inquiétude perdura dans les semaines qui suivirent, marquées par la débâcle militaire et morale française, le désordre, la désorganisation et l'ignorance du destin des soldats du front.

L'armistice de juin dut ranimer leur espoir. Comme de nombreux autres, leur fils pouvait se trouver réfugié quelque part dans le pays ou même prisonnier. D'ailleurs des listes paraissaient dans les journaux, on se renseignait à la mairie.

Les travaux agricoles de l'été occupèrent le temps des Moureau dans leurs terres non loin de la chapelle St-Yves, vers Massérac, puis ceux de l'automne. L'hiver bientôt. Pas de nouvelles.

Et puis, par une triste journée de début janvier 1941, à l'heure du déjeuner peut-être, le maire ou un gendarme parurent à la ferme de Montnoël.

Dans ces cas-là, on a déjà compris avant qu'un seul mot soit prononcé. Les visiteurs durent lancer un sombre "bonjour", suivi peut-être d'un "soyez courageux" ou de "j'ai une mauvaise nouvelle à vous dire" : un sentiment mêlé de peine et de soulagement. Joseph Moureau était donc mort durant la campagne de France, là-haut vers la Belgique, le 20 mai 1940.

La conversation dut vite tourner court. On ne savait rien des conditions de son décès. Un verre de cidre ou de vin, un café et les Moureau restèrent avec leur chagrin. Dans les jours qui suivirent, on peut imaginer qu'ils vinrent trouver le curé pour faire dire une messe à la mémoire de leur fils dans la vaste et froide église de Guémené.

Et puis la vie reprit et le printemps finit par revenir.


Joseph Auguste Marie Moureau était né le 5 mai 1919 à Carentoir. Par quel hasard est-il venu au monde, lui, dans cette cité du Morbihan, je l'ignore. Il était le dernier fils de Julien Rousseau né à Avessac en 1878 et de Jeanne-Marie Clavier, née au village de la Potinais à Guémené, en 1879. Mariés en octobre 1903 à Guémené, Julien et Jeanne-Marie étaient cultivateurs à Pussaguel puis Montnoël. Avant Joseph, ils eurent déjà trois fils et une fille, tous nés à Guémené (Edouard, en 1909 ; Clair, en 1910 ; Gabrielle, en 1913 et Auguste, en 1914).


Joseph Moureau partit à la guerre après 20 ans d'une vie dont on ne sait rien. En revanche, on peut suivre la trace de son unité, et par conséquent suivre ses derniers mois d'existence militaire et personnelle.

Il fut affecté au 18ème Régiment d'Artillerie Divisionnaire (18ème R.A.D.), régiment qui fut recréé à Vannes à la mobilisation de 1939.


Il quitte Vannes par train début septembre 1939 et débarque dans la région de Saint-Mihiel à 40 km au sud-ouest de Metz. Son régiment va ensuite occuper des positions dans les intervalles de la ligne Maginot, vers Thionville.


Les mois d’octobre et de novembre 1940 sont calmes (travaux d’aménagement des positions ; l’instruction). Le régiment est ensuite dirigé, à Noël, sur le secteur de Hambourg-Budange situé à l'est de Thionville, face à la Sarre. Ce secteur très calme au début s’agite peu à peu.


Chaque batterie détache une section nomade qui, de jour, fait des tirs de harcèlement. Cette activité attire la réaction allemande, les unités sont prises à partie, subissent des pertes. A plusieurs reprises, les batteries exécutent des tirs d’arrêt qui se révèlent efficaces, en particulier devant les troupes anglaises. 

Le 21 février 1940, le 18ème R.A.D. est relevé et envoyé dans la région de Liart dans les Ardennes, à l'ouest de Charleville-Mézières.

Le 10 mai 1940 débute la campagne de France. Le régiment est dirigé sur la frontière belge.

Le 13 mai au matin, l’ensemble du régiment est en position sur les bords de la Meuse. Dès 9 h 30, ses pièces entrent en action et prennent à partie les colonnes allemandes qui descendent vers le fleuve.

Le 14 mai, les positions sont vivement attaquées par l’aviation. Et puis l'armée allemande a réussi à traverser la Meuse. Certaines unités sont menacées d’encerclement : vers 11 heures, le repli est ordonné. Il se poursuivra les jours suivants sous la pression des blindés et de l’infanterie allemands et sera accompagné du harcèlement de l’aviation.

Le colonel et le 1er groupe sont capturés le 17 mai, le 2ème groupe est pris le même jour au nord d’Hirson, bourgade du nord de l'Aisne, en Thiérache. Le 3ème groupe, dans son repli du 14 mai, est violemment attaqué par l’aviation allemande ; son commandant est grièvement blessé, la 7ème batterie est en partie détruite, tous les officiers de cette unité sont tués ou blessés. Une partie des 8ème et 9ème batteries réussira à échapper à l’étreinte allemande et se repliera sur Saint-Quentin.

Rassemblés près de Meulan, les rescapés du régiment seront dirigés le 24 mai sur Limoges et le camp du Larzac.

Sans Joseph Moureau, mort à Hirson en Thiérache, au onzième jour de l'attaque allemande, et dont on peut dire qu'il s'est battu et est mort pour la France, selon l'expression consacrée.

Je publie ci-après une carte des opérations militaires du printemps 1940. J'ai indiqué en plus gros Hirson (dans la partie rose, en bas), le lieu de décès de Joseph Moureau.



En référence, une adresse où j'ai trouvé le parcours du 18ème R.A.D. :

http://www.ancestramil.fr/uploads/01_doc/terre/artillerie/1939-1945/18_rad_historique_succinct_fevrier_mai_1940.pdf

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