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dimanche 17 avril 2011

La soupe aux choux


Dans c' temps là que j' vous caouse il n'y avait qu'un méd'cin

C'est ben assez vantié pour mourir à son aise.

A c't' heure ci y en a trois et comm' dit mon voisin


On n' veut point laisser les gens s'en aller de vieillesse

Or donc un mercredi, au tout fin fond d' l'hiver,

le bon Docteur Heuzé s' chauffait dans sa cuisine,

Les pieds dans son foyer où la soup' de choux verts


Cuisait ben tout douc'ment dans un' saprée terrine.


Comme il était gourmand, y s' régalait d'avance,


Car ça sentait si bon "J' vas faire un bon soupeu,


"Ca n'est pas défendu d'aimer l' bon cas je pense".


Mais dam', le malheureux, il fut bien attrapeu.


On frappait à la porte "Allons bon, que que n'y a ?"


"C'est le gars Souais Ricordel il a ben besoin d' vous,


"Pour aller voir sa femm' dans le bourg de Mass'ra


"Dépêchez vous, Monsieur, car ça n' va pas du tout."


"J' 'tais à fair' mon souper et j'accours au plus vite.


"J'attell' ma vieill' jument dam' je m'en viens au plus vite.


Dit le Docteur Heuzé, j' vous emmène avec maï


"J' va prendr' mon grous mantiau, car il fait fre et naï."


Les v'là tous deux partis au grand trot d' la jument


Qu'avait sans vous mentir, vantié ben plus de trente ans.


Arrivé à cent mètr' du bourg de Masséra


Ricordel dit : "Monsieur, j' vous prie arrêtez là."


"Mais je n' se pas rendu." "- C'est ben bon que j' vous dis


"V'là cent sous que j' vous dois, au r'voir et grand merci."


"Que c'est-y qu'ça veut dire ? Et vot' malad' là bas ?"


"Ah ! Monsieur, y en a point, pas plus s'ment qu' sur mon bras.


"Perrin' n'a rin du tout, mais ell' n'est point commode.


"Tout deux on n'y peut rin, faut que j' m'en accomode.


"Ecoutez en deux mots mon histouèr' zallez vaille


"A la foir' de Guém'né, j'ai eu l' grand tort de baille


"Vantié cinq, six chopin's de plus que j' n'aurais dû


"Et dam', le train de R'don, li n' m'a pas attendu.


"Pour rentrer à Mass'ra, sûr, ça n' fut pas facile


"Pour trouver un' voiture je fis l' tour de la ville


"Chez Jarnot, comme ailleurs fallut payer dix francs !


"Je m' suis dit chez l' docteur, ça s'ra ben différent.


"Pour venir à Mass'ra le med'cin prend cent sous,


"J'ai 'cor tout' mes idées, car je n' se pas trop saoul.


"Et j'ai toujours été un gars ben économe,


"J'ai payé c' que j' vous dois, et je se quitte en somme.


Le docteur stomaqué repartit sur le coup


Pour rentrer à Guém'né manger sa soupe aux choux.



in "Vieux Rimiaux Guémenois"


Poésies en patois de Guémené

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