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samedi 28 juillet 2012

Un Vicomte aux oubliettes



Vous connaissez les Simon. Vous connaissez aussi Gilles Durand, Henri de Boisfleury. Vous vous rappeler Eugène Leblay. Mais avez-vous jamais entendu parler de Maurice Luc, Vicomte de Sapinaud qui fut pourtant lui aussi Maire de Guémené-Penfao ?

Non ? Pas trop ? A vrai dire moi non plus : seul le hasard m’a fait découvrir qu’un Vicomte de Sapinaud fut jadis, un temps, le premier magistrat de cette commune.

Parmi les raison de l’oubli, il y a sans doute le caractère très météorique de son mandat. Sans doute aussi le fait qu’il n’appartenait pas à une famille du pays. Et visiblement, ses réels exploits personnels ont eu un autre théâtre d’opération que le modeste chef-lieu de canton qu’est Guémené.


Maurice Luc, Maire de Guémené

Ce paragraphe aurait pu être court tant la durée du mandat du Vicomte de Sapinaud, Chevalier de la Légion d’Honneur, fut brève. Il remplace Fidèle Simon en juin 1874 avant d’être remplacé à son tour par…Fidèle Simon père, ce dernier étant nommé par Décret du Président de la République en date du 20 mai 1876. L’installation de ce dernier ayant eu lieu le 31 mai suivant, Maurice Luc de Sapinaud Maire a tout au plus « tiré » deux ans !

J’ignore aussi bien les raisons de sa nomination que celle de son débarquement. Il faut se rappeler qu’avant 1884, où une loi instaure le fonctionnement politique toujours actuel des municipalités, les Maires sont nommés par le Pouvoir Exécutif.

Maurice Luc a dû donc plaire, puis déplaire ; ou bien être adéquat, puis ne plus l’être.

Son action politique s’inscrit dans le train train de la gestion communale courante de l’époque (et d’aujourd’hui souvent) : budget et finances communaux, entretien de la voirie, assistance et bienfaisance publiques, gestion du « personnel » communal (instituteurs, gardes-champêtres, sages-femmes…), vie politique (mise à jour des listes (limitées) électorales, par exemple), gestion du foncier communal, etc.

Je tiens néanmoins à sortir de cette grisaille trois faits qui adornent et rehaussent l’éclat de cette mandature :

-         la mise en place à Guémené de la souscription nationale pour venir en aide aux « centaines de milliers » de victimes de la grande crue de la Garonne de juin 1875 (détails sur cet événement : http://ahbon.free.fr/crue_1875_2.html ) ;

-         l’adjudication d’un marché communal concernant la fourniture de bancs publics à Guémené ;

-         le rejet par deux fois d’une pétition sécessionniste des habitants de Beslé, réclamant l’érection de « leur paroisse en commune » (les manants !).



Histoire (familiale) d’un Vicomte

Mais d’où sort donc le Vicomte ?

C’est en effet à ce se demander d’où sort cet illustre inconnu. La réponse est : d’une bonne vieille famille aristocratique bien réactionnaire.

Maurice René Luc, vicomte de Sapinaud de Boishuguet, est né à Savennières (Maine-et-Loire et pays de vignobles) le 7 juin 1837. Il est décédé en juillet 1921 à Angers, ma mère avait deux mois et j’ai beau insister, elle persiste à dire qu’elle était trop jeune pour se rappeler ce triste événement qui aurait pourtant dû marquer les Guémenois jeunes et vieux.

Il est le fils de son père Ernest, Chevalier de Malte, et le troisième enfant d’une fratrie de quatre. Notons au passage que son frère puîné, Joseph, épousera vers 1875 Bertille de Bruc de Montplaisir, de la famille ci-devant régnante de Guémené.

Papa Ernest, né vers 1802, était le fils sixième et dernier enfant de Jean René Prosper Félicité, Vicomte de Sapinaud etc…Celui-ci était officier du Roi (Louis XVI) et émigra en 1791 pour combattre la Révolution dans ce qu’on appela l’Armée des Princes. Il participa à l’expédition de Quiberon, un débarquement qui eut quelques retentissements dans la région. Bref un vieux de la vieille.

Notre ami Maurice Luc, pas inquiet, avait épousé une aristocrate parisienne déjà deux fois veuve. Le couple fut sans postérité (dans tous les sens du terme, d’ailleurs).

Comme on le constate, les liens affectifs avec Guémené du Sieur de Sapinaud semblent assez ténus. La possession de terres dans le secteur est l’explication la plus plausible.


Le Vicomte fait le zouave

L’essentiel de la geste du Vicomte Maurice est ailleurs.

En effet, âgé d’un peu plus de vingt ans, il s’engage dans la légion des volontaires catholiques plutôt royalistes, souvent originaires de Bretagne ou des actuels Pays-de-Loire, qui va défendre les Etats du Pape, menacés par le processus de l’Unité italienne. Ainsi devenu Zouave Pontifical et ayant belle allure (cf. photo ci-dessous), il fait la campagne d'Italie et participe notamment au combat de Castelfidardo où Sa Sainteté s’est prise, à la fin de l’été 1860, une déculottée mémorable (une décalottée, même). Une anecdote qui en dit long sur le type de recrutement de cette légion de volontaires calotins : un général italien consultant la liste des victimes de cette bataille décisive aurait ironisé : « L'on dirait une liste d'invités à un bal de Louis XIV ! ... ».



Recommandation

Il semble nécessaire de marquer quand même la trace de cet ancien édile.

L’usage évidemment c’est de dédier un lieu public : une avenue, un boulevard, une place, ne serait-ce qu’une rue, voire une impasse ou un square.

Mais compte tenu, d’une part, de la modicité de son attachement et de sa contribution politique à Guémené et, d’autre part, de l’orientation apparente de ses convictions, une plaque sur un prie-dieu semblerait plus adaptée.


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