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lundi 23 juillet 2012

"La Mèr' Mariette"


Voici un sixième rimiau en patois de Guémené, après "La Truie à Nanon", "La Soupe au choux", "Comment Mathurin Sicard ne put entrer au Ciel", "La chemise" et "Saint Goberien".

Comme pour "Saint Goberien", j'ai procédé à des modifications mineures sur le texte de l'abbé Chenet. Je dispose en effet d'une autre version, trouvée sur le Net, avec des variantes de détail et j'ai veillé par ailleurs à ce que les vers soient bien des alexandrins de douze "syllabes". Enfin, j'ai modifié parfois l'orthographe pour s'approcher de la prononciation qui me paraît la plus juste.

"La Mèr' Mariette" illustre la pingrerie, le cynisme pratique et l'intelligence campagnarde.

L'histoire est simple comme toujours : une femme, très riche héritière du bourg de Guémené, enterre son mari avec un minimum de frais et se garde bien de dépenser en prières pour le salut du défunt. Arrive le premier anniversaire du décès, et le curé vient la relancer pour les messes - payantes - de la commémoration annuelle.

Ayant eu le temps d'y réfléchir, la Mèr' Mariette a trouvé un raisonnement imparable pour garder "sa galette". On appréciera surtout le dernier argument utilisé, qui incrimine judicieusement le défunt !


Je dédie ce petit conte aux anciens (et actuels) résidants de la rue de Mirette. Le voici :


Les anciens du pays ont ben connu Mariette,
La vieille avaricieus’ de la rue de Mirette,
La femme à Mathurin, le plus rich’ du pays,
Cell’ qu’avait hériteu d’son gros cousin d’ Paris.
Quand son bonhomm’ fut mort, l’y laissant sa fortune
Dame ell’ l’ fit enterreu au fond d’ la fouss’ commune :
I n’eut que l’enterr’ment des pauvres misérables,
Et pour des gens si rich’s, ça ’te point formidable.
Quand il y’eut un’ anneu que Mathurin fut mort
L’ cureu vint vouèr la veuve et li dit dès l’abord :
« Eh bin, la Mer’ Mariett’, pensez-vous au service ?
Au servic’ du bout d’l’an, qui comport’ deux offices ?
Le pauv’ pèr’ Mathurin n’a pas souvent d’ prière !
Faudrait li en fair’ dir’, car c’est vous l’héritière ! »
« Monsieur l’ Cureu, qu’ell’ dit, j’en avais ben l’ideu !
J’ai eu l’ temps d’ réfléchir pendant tout’ mon anneu.
Et j’ai bru tout mon saoul ben des faill’ en cachette.
Tout le mond’ vous l’ diront dans la rue de Mirette :
Je se un’ bonn’ personn’ qui n’ tient point à l’argent
Et qu’a terjous partout fait les chous’s largement.
Mais je m’ se dit tout d’ mêm’, dam’ ma pauvr’ Mer’ Mariette
Laiss’ don les chous’s alleu, et gard’ don ta galette
A quoi bon t’ tourmenteu pour ton pauvr’ Mathurin.
Son sort est décideu à c’t’ heur’-ci, c’est certain.
S’il est au Paradis, il n’a point besoin d’ nous
Et ça n’est pas la pein’ de dépenseu tes sous !
S’il est dans les enfers, le pauv’ pèr’ Mathurin,
C’est un ben grand malheur. Mais dam’ on n’y peut rin.
S’il est au Purgatoir’, j’ pourrions ben l’ secourir,
Mais, têtu, comme il ‘te, y n’ voudra point sortir ! » 

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