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dimanche 15 juillet 2012

La Légende du Vivier Noir


Quand on habite la ville, par exemple une rue Championnet quelconque à Paris, il n'y a pas de fantômes, pas de souterrains mystérieux, pas de magie.

Ce qui fait la force de la campagne, c'est que précisément tout y est magique et différent : la preuve, de vieilles histoires indiquent que là où l'on est, à la Hyonnais, sous nos pieds d'enfant, des tunnels courent, joignant la ruine, où jadis s'élevait une tour (?), à la Vieilleville qui se trouve au bout du chemin à l'ouest, et peut-être même la Vieille-Cour, de l'autre côté à l'est.



Sévère Babin serait même venu explorer ces lieux inférieurs avec une lanterne, il y a bien longtemps. C'est ce qu'on raconte.

L'existence même de souterrains fait rêver et frémir : de quel danger cherchait-on à se prémunir ?

Dans le fond d'une armoire de ma grand-mère traînait un petit document imprimé, aujourd'hui perdu, qui racontait des légendes de Guémené.

Nos promenades à vélo nous conduisaient parfois à la Vieille- Cour, qui n'est qu'à quelques centaines de mètres. On s'aventurait le long de l'allée qui mène au manoir, mais pas trop loin.


Dans mon souvenir encore, il y avait une marre boueuse sur la gauche, où mon esprit s'attardait. Une femme s'y serait engloutie il y a bien longtemps. Et cela je le tenais du document du fond de l'armoire.

Était-ce dans cette marre ?

J'ai retrouvé depuis quelques jours la trace de cette histoire. Si vous ne la connaissez pas ou si vous l'avez oubliée, en voici une version.

"Il existait jadis, tout près de l'actuel manoir de la Vieille-Cour en Guémené, un orgueilleux château, planté au milieu de la forêt, qu'un donjon dominait de toute sa hauteur.

C'était le château du Sire Olivier de Corbalon, un chevalier valeureux et batailleur qui entretenait, dans sa forteresse protégée de ponts-levis, une garnison de compagnons d'armes aguerris. Ses souterrains et ses caves étaient remplis de vivres et de munitions.

Et pour préserver le moral de sa troupe, il organisait force joutes, tournois et fêtes. Les longues soirées s'écoulaient en veillées où des trouvères contaient des exploits héroïques.

Le Sire de Corbalon ne manquait pas d'accourir à la rescousse de son cousin Bertrand du  Guesclin quand celui-ci lui faisait signe.

Tout à sa bravoure et à ses exploits guerriers, le Sire de Corbalon n'avait point encore trouvé femme, malgré ses 32 ans, quand il vint à rencontrer la nièce de Charles de Blois dont il était l'un des meilleurs capitaines. On était en l'an 1349,  Magdeleine de Penthièvre était dans tout l'éclat de sa beauté. Olivier de Corbalon eut tôt fait de demander et d'obtenir sa main.

Les cérémonies passées, les époux se mirent en chemin de la Vieille-Cour qu'il trouvèrent embellie des soins du voisinage. Les seigneurs de Derval, de Bruc, de Saran et de Montnoël les attendaient au milieu de salles décorées et fleuries, qui s'extasièrent à la grâce et à la beauté de la nouvelle châtelaine de la Vieille-Cour.

Mais les fêtes s'achevèrent et craignant que son épouse ne s’ennuyât en cette solitude sylvestre, le Sire de Corbalon s'enquit d'un ménestrel pour divertir sa mie qu'il avait vu et apprécié chez son voisin le seigneur de Chateaubriand.

Maître Arbert, le ménestrel, chantait et jouait du rebec à ravir. Magdeleine de Penthièvre, Dame de la Vieille-Cour, prenait grand plaisir à l'écouter. 

Maître Arbert charmait toute la suite de son entrain et de son art, mais bientôt le Sire de Corbalon se lassa de la fête et songea à repartir guerroyer. L'occasion lui vint de la reprise de la "guerre des Deux-Jeanne".

En bonne épousée délaissée, Magdeleine se languit de son mari et se mit à dépérir dans le château déserté, perdant ses belles couleurs.

Maître Arbert, on s'en doute, s'employa à la consoler et à lui redonner goût de la vie. Pour ce faire, il se mit à exalter sa passion pour la belle châtelaine. Sa passion ne laissa pas insensible Magdeleine qui peu à peu recouvra gaîté, charme et santé.

Las ! Désireux de revoir son aimée, Sire Olivier rentra seul un soir.


Personne ne se précipita à sa rencontre, mais dans la grande salle où il pénétra, une mélopée langoureuse s'exhalait : son épousée, assise sur un fauteuil bas, les cheveux largement épandus sur ses blanches épaules, penchait tendrement la tête vers le ménestrel blotti à ses pieds.

Olivier de Corbalon ne dit mot, mais un éclair traversa la prunelle de ses yeux. Il se retira précipitamment, un rictus déformant son visage et la porte lourde de la grand-salle se referma lourdement et lugubrement derrière lui.

La peur saisit les amants quand un bruit formidable ébranla le château. Le donjon tressaillit et bascula sur ses bases, la terre s'entrouvrit et engloutit les amoureux dans ses entrailles, avec fracas.

Un bûcheron raconta plus tard qu'il avait aperçu sur la lande un cavalier s'enfuir en trombe, mais on n'entendit plus jamais parler du Sire de Corbalon dans la comté.

Il arrive de nos jours parfois, qu'au cours de leurs travaux, des paysans découvrent des blocs de pierre, vestiges de l'antique donjon. Mais tous sont persuadés que toutes les murailles et les salles du manoir existent encore, englouties sous le Vivier Noir.

Si vous vous reposez au bord de cet étang, à l'ombre des vieux chênes, penchez-vous un peu. Peut-être alors distinguerez-vous dans les eaux noirâtres, la chevelure dorée de Magdeleine de la Vielle-Cour."


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