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samedi 5 janvier 2013

La chaire de Guémené


Je ne me rappelle plus le nom de ce prêtre qui disait la messe à Guémené dans les année 60, mais je revois bien sa silhouette trapue.C'est non sans inquiétude, à vrai dire, qu'enfant je voyais ce curé quitter sa zone "normale" d'activité (autour de l'autel) pour monter en chaire sermonner l'assemblée. Qu'allait-il bien pouvoir trouver à redire. Son pas décidé qui le menait à la tribune haut perchée n'augurait jamais rien de bon, à mon avis. Ma conscience frétillait de malaise.

Et puis, je ne peux pas dire qu'il m'inspirait confiance avec ses habits sacerdotaux d'un autre âge qu'on ne voyait plus à Paris où on avait affaire à des petits prêtres modernes habillés en civil ou à la mode Vatican II, jeunes, frêles, évanescents, falots.

Et puis aussi, il faut bien admettre qu'à Paris, dans l'église récente de mon quartier d'alors, on n'avait visiblement pas prévu ce genre de dispositif : la chaire. Finalement, la messe à Paris n'était qu'un long rituel tranquille, tandis qu'à Guémené il y avait un moment où l'on n'était pas à l'abri de se faire secouer.

A force de craindre les foucades du curé perché, je n'ai jamais bien regardé cette tribune chantournée où sa ronde figure en surplis brodé venait s'encastrer avant de morigéner ses ouailles (mais en fait, j'ai plutôt le souvenir de discours longs et ennuyeux dont je perdais le fil et que je n'écoutais pas vraiment).

Aujourd'hui, il n'y a presque plus de curés, encore moins en surplis. Et quand par hasard s'en présente un, il ne quitte plus l'autel pour monter en chaire, un peu comme un Pouvoir sur le recul qui, ayant perdu le contrôle des provinces du pays, ne sort plus de sa capitale.

Ainsi, le champ est-il libre pour l'examen de cet appareil d'un autre temps aujourd'hui déserté et presque rendu à la vie laïque, qu'est la chaire. J'ai l'impression de surcroît que l'église de Guémené en possède un exemplaire assez exceptionnel dans la région. Je n'ai hélas pas trouvé de renseignements sur le(s) artiste(s) à l'origine de cette oeuvre, mais les recherches continuent.

Je me suis donc rendu à l'église de Guémené prendre quelques photos de cette composition du second dix-neuvième siècle probablement mais peut-être plus ancienne encore, usée par les soutanes successives qui sont venues en brosser les montants.

Commençons par une vue d'ensemble, sous deux angles. Le style général est plutôt flamboyant, nostalgique d'un certain gothique maniéré et tardif, tendance néo-baroque. Le tout n'est donc pas léger léger.




On peut dire que cet édifice imposant comprend trois parties principales : la "cabine" surmontée d'une sorte de dais, d'où bien sûr le "speaker" s'exprimait ; le pilier sur lequel s'appuie la "cabine" ; les escaliers qui conduisent à la "cabine".


De la partie supérieure, j'ai surtout noté le dais (qu'on appelle abat-voix), sur le toit duquel  s'élance ce qui semble un archange et au fond duquel figure un colombe, qui dans la brume de mon catéchisme d'antan évoque le Saint-Esprit qui inspire la parole du prêtre (?). La partie qui soutient le dais, elle-même flanquée de deux anges, comporte une sorte de cadre sculpté, avec une petite statue du Christ dans une ogive, surplombée d'une rosace où s'inscrit en latin et lettres d'or la devise " l'étude et l'enseignement", le tout sous les auspices de la Vérité.  Cela rappelle bien sûr la portée et les enjeux présumés du sermon. 






Les escaliers sont intéressants par les deux figures sculptées qui en inaugurent les rampes couvertes d'un velours bordeaux passé : l'un des bustes, une figure d'homme, représente "l'Endurcissement"  ; l'autre, une figure de femme, "l'Impénitence". Je ne sais pas vraiment quel sens accorder à la présence de ces figures à cet endroit : un avertissement au prêtre qui s'apprête à monter haranguer la foule sur la nature profonde de son auditoire ?




Le pilier de soutènement de la chaire est formé de deux types de personnages : principalement des prélats mitrés qui doivent représenter les Pères de l'Eglise sur qui s'appuie la Religion ; ensuite quelques anges viennent adorner la base de la "cabine".




L'église comporte d'autres éléments intéressants sur lesquels j'ai prévu de revenir un jour ou l'autre. Patience...

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