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dimanche 4 août 2013

Adieu Bougouin !


L'église de Guémené m'a fourni pas mal de matière pour ce blog. A chaque fois, toutefois, on y traite de points particuliers, comme les vitraux ou des sculptures. Mais, plus globalement, on ne trouve rien facilement sur le Net, par exemple sur l'histoire de cet imposant édifice, et très peu sur son concepteur, l'architecte nantais François Bougouin.

Natif de Nantes, il y mourut le 18 avril 1933 à l'âge de 87 ans, en sa demeure du 46 de la rue Bel-Air. Ses obsèques eurent lieu le 21 avril suivant, dans l'église Saint-Similien. Il fut enterré au cimetière de Miséricorde, non loin. Bref, une dernière promenade dans son quartier.

Il semble qu'à part le monde catholique officiel et la profession du bâtiment, peu de gens se soient souvenus alors de cet homme : ainsi, Ouest-Eclair, qui mentionne parmi d'autres annonces son décès, ne lui consacre aucune ligne. Symboliquement, son domicile a été remplacé depuis par un édifice récent : tout concourt à l'effacement de François Bougouin dont je n'ai même pas trouvé la photo.

C'est d'autant plus curieux qu'il a laissé des traces visibles et nombreuses de son activité, très concentrées dans la région de Nantes et le Pays de Retz, sous la forme d'édifices religieux, parfois démesurés et toujours en place.

Peut-être cela vient-il de son accointance avec la hiérarchie catholique dans une période marquée par la lutte des clans laïcs et religieux. On ne sait. Toujours est-il que la reconnaissance lui vint de l'Eglise : il était ainsi Chevalier de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, une breloque accordée par le Vatican qu'on imagine sur un coussin de velours rouge posé sur son cercueil, et c'est dans la gazette du Diocèse de Nantes (la "Semaine religieuse") que vint, à sa mort, l'hommage qui faisait défaut ailleurs et dont je m'inspire ici.


En vérité le petit père François a bien  mérité du Diocèse, notamment en tant que père de plus de vingt églises paroissiales dans la région de Nantes. Citons entre autres : Bouguenais, Bourgneuf-en-Retz, Chéméré, La Limouzinière, Les Sorinières, Saint-Cyr-en-Retz, Saint-Hilaire-de-Chaléons, Saint-Philibert-de-Grand-Lieu (chapelle des Franciscaines), Vertou, Aigrefeuille et bien sûr Guémené.

Son oeuvre a aussi consisté à compléter (ajouts de clochers, par exemple), restaurer, décorer des églises déjà construites. Il a aussi beaucoup oeuvré à doter de chapelles les collèges, les communautés religieuses, les châteaux et cimetières. Et tout cela ne l'a pas empêché de construire aussi des écoles, des presbytères ou des couvents ! Comme le dit son panégyriste : c'était un grand chrétien, un éminent artiste, un travailleur tenace...




La première église de François Bougouin  est celle de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, en 1878, à Nantes. Il s'illustre également dans la chapelle de l’Ouvroir Saint- Joseph, rue du Chapeau-Rouge, ou celle de l’école Saint-Stanislas (qui dispose d'un orgue "Cavaillé-Coll" de 13 jeux), à Nantes. Mais on pourrait tout aussi bien signaler la chapelle du petit-séminaire de Notre-Dame-des-Couëts (devenu lycée professionnel) ou celle de Cougou à Guenrouët.

On peut, semble-t-il, parler d'un style "Bougouin". Ce dernier est en effet "hanté" par la Sainte-Chapelle de Paris. Et il n'a de cesse de mettre en pratique ce goût pour des murs percés de grandes baies ajourées comme de la dentelle,  ou pour des colonnes fines qui portent des voûtes à nervures multiples, ou encore pour des contreforts légers munis de pinacles ouvragés.

Si ces traits donnent un air de ressemblance aux églises de l'architecte, les détails les distinguent.

Par exemple, les colonnes intérieures peuvent être complètement lisses (Saillé, Fay-de-Bretagne) ou, inversement, présenter des aspérités, "comme des nœuds de tiges de bambou" (Guémené-Penfao). Ces colonnes peuvent être nombreuses et accompagner toute la nef (Aigrefeuille, La Rouxière) ou se faire rares, quatre d'entre elles, centrales, venant juste soutenir les voûtes en plus des murs (Conquereuil, Le Pin).

La variabilité du style de Bougouin s'observe principalement dans ce qu'on appelle le "remplage" des fenêtres, c'est-à-dire l'ossature de pierre des baies.

De simples lancettes - fenêtres étroites et verticales qui divisent une verrière - peuvent suffire (chœurs de Fay-de-Bretagne et de Notre-Dame-des-Langueurs, chapelles des Sœurs Franciscaines de Saint-Philbert-de Grand-Lieu et des Sœurs Oblates de Chantenay).

Mais ailleurs, une rose à redents surmonte chaque baie jumelée (Saint-Hilaire-de-Chaléons et Orvault) ; parfois des quatrefeuilles terminent chaque fenêtre (Vay). Ailleurs encore, des trèfles se superposent en une dentelle compliquée (Saint-Similien à Nantes, Saint-Cyr-en-Retz). Même le style flamboyant est représenté (Saint-Julien-de-Vouvante).

Les façades non plus ne sont pas d'un même modèle : tantôt le clocher est dans l'axe de la façade et l'amenuise (Aigrefeuillle, La Rouxière) ; tantôt il est posé à côté de celle-ci (Guenrouët, Saint-Hilaire-de-Chaléons). A Guémené, on n'en aura pas.

Bref, Bougouin a essayé toutes les variations possibles et on pourrait disserter à l'infini sur les clochers, les porches, etc..., jusqu'au point de se demander s'il avait vraiment un style...

Comme si cela ne suffisait pas, il ne s'est pas contenté de s'inspirer du gothique. Bien de ses oeuvres, en effet, font clairement référence au style roman : par exemple les églises paroissiales de Saint-Herblon ou N.D.-de-Pompas). Mais la grande œuvre de ce style demeure encore la vaste église de Bouguenais.

Quant aux églises qu'il a "décorées" ou restaurées, mentionnons celles du Gâvre, de Batz, de Pontchâteau ("une frise blanche aux rinceaux plantureux") ou de Nozay. Ajoutons enfin l'église Saint-Nicolas à Nantes où Bougouin dessina le buffet de l'orgue...

Bougouin, au style si plastique et spectaculaire, bien en cours dans l'Eglise de son temps et de sa région, était ainsi l'homme inévitable quand s'est présenté le projet de reconstruction d'une église à Guémené.

Avec lui, on était sûr d'obtenir ce qu'on voulait, quoiqu'on veuille.

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