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jeudi 15 août 2013

Histoire du presbytère de Guémené


Le hasard fait parfois bien les choses. Tapant sans réfléchir "penfao" dans le moteur de recherche du site Leboncoin.fr, en restreignant la recherche aux livres, il me remonte deux ouvrages, mis en vente par une libraire probablement tant les annonces étaient professionnelles, avec description détaillée de l'ouvrage. Pas très cher non plus, je l'acquiers et peu après le reçois. Je l'ai.

Le livre s'intitule "Eglise et Société dans l'Ouest atlantique du Moyen Age au XXè siècle". Un chapitre, décrit dans l'annonce, avait excité ma convoitise : "La paroisse de Guémené-Penfao au XIXe siècle" par Marie-Pierre Guérin.

Apparemment, c'est un centre de recherche de l'Université de Nantes qui publie des études dans une revue dont chaque livraison est consacrée à un thème. La revue s'appelle "Enquêtes et documents". C'est le numéro 27 de cette publication qui vient enrichir ma connaissance de l'histoire de Guémené, côté vie religieuse.

Le XIXè siècle religieux à Guémené, comme dans l'Ouest en général, est marqué par la construction ou reconstruction de nombreux édifices confessionnels : églises, écoles, presbytères.


Vers la Reconquista :

Le presbytère de Guémené, originellement, se trouvait bien à l'emplacement de l'actuel, face à l'école publique, à la naissance de la route de Redon. C'était un bâtiment construit au milieux du XVIIe siècle, à l'époque du jeune Louis XIV, par conséquent. 

A la Révolution, ce lieu où tant de sainteté s'était sédimentée au fil du temps, le  presbytère antique de Guémené, est - horreur ! - vendu comme bien national à de vils bourgeois cupides. Pour comble, c'est un curé, qui a juré fidélité à la Révolution (le mécréant !) et qui officiera à Guémené comme curé "constitutionnel" (sans beaucoup de succès à ses messes, paraît-il), c'est un curé dis-je qui, joignant l'ignoble à l'ignominie, se porte acquéreur du saint bâtiment. Sûr que cet Antéchrist doit bien cuire à petit feu d'Enfer, aujourd'hui encore !

Ce brave homme se nommait François Maillard. Il était allié de la famille Corpron alors propriétaire du Château de Tréguel. Tenant les registres d'Etat-Civil de Guémené jusque vers 1800, il en fut en quelque sorte l'un des tous premiers maires. Il méritait bien une demeure à la mesure de son rôle émancipateur...

Toutefois, le souffle décapant de la Révolution s'atténuant progressivement, les esprits s’apaisent peu à peu et la vieille garde ecclésiastique antirévolutionnaire refait progressivement surface. Mais voilà, le presbytère, comme on vient de le voir, ne lui appartient plus. En attendant de le récupérer - car tel est leur dessein - ces bons pères louent le "Grand Logis", près de l'actuelle Place Simon.

L'oeuvre de récupération du presbytère va ainsi commencer en 1810 par des approches de la commune qui ne vont d'ailleurs pas loin, faute d'argent. C'est alors que de bonnes âmes vont jouer les intercesseurs. Il se trouve que ce sont de bonnes âmes riches, ce qui tombe bien vu le problème à résoudre. Elles ont noms Pierre-Michel Frèrejouan du Saint, le comte de Bruc, Poulpiquet du Halgouët.

Ces pieuses personnes vont proposer en 1826 d'acheter l'ancien presbytère en attendant que la commune réunisse les fonds nécessaires. La "fabrique" de Guémené, organisme paroissial qui gère les affaires temporelles et qui tire ses revenus de la location des bancs et chaises à l'église et de différents dons et legs, fort riche, propose d'aider la commune : en 1832, le presbytère est enfin racheté par la commune et la "fabrique".

Comme on le voit, la municipalité a été constante dans sa politique de rachat, probablement sous la pression des paroissiens, ce dont témoigne aussi l'engagement dans ce rachat de la "fabrique".


Vers la reconstruction :

Hélas, ce bonheur est de courte durée. Dès 1855, soit deux siècles après sa construction et un peu plus de vingt ans après sa récupération, le bâtiment apparaît en très mauvais état, incapable d'accueillir correctement le clergé de la paroisse.

L'idée de sa reconstruction germe et s'impose à partir de 1860. Mais le Diable s'en mêle et l'affaire va cafouiller quelques années encore : faute d'argent, faute de dossier complet, projet rejeté par la commission des bâtiments civils...

Pourtant les choses ne s'arrangent pas. Un architecte nommé Gilée établit en 1863 un rapport alarmant, déclarant tout bonnement le presbytère inhabitable tant en raison de son insalubrité que de son insécurité : il estime que la prudence exigerait même une évacuation immédiate des lieux ! Si même Dieu nous abandonne !...

Comme l'affaire traîne maintenant depuis un demi-siècle, un des prêtres de la paroisse, l'abbé Querrion rapporte dans une lettre à un collègue que la population est très mécontente de ces retards et "qu'elle murmure"...Une chouannerie, mon père ?...

Heureusement, en attendant, des dames charitables et solidaires offrent gratuitement le gîte et le couvert aux bons pères évacués, adoucissant ainsi leur exil. Ce faisant, elles gagnent assurément leur Paradis (ainsi d'une madame de La Villeaubry...).


Le Nirvana :

La bénédiction de la première pierre tant attendue se produit le 7 juin 1864. L'évêque de Nantes a fait le déplacement et tout le monde à Guémené, clergé, paroissiens, municipalité, a mis "les petites patènes dans les grandes", si je puis me permettre.

On a transformé les rues du bourg en allées de verdure...la terre est jonchée de fleurs et de feuillages...de distance en distance, s'élèvent de gracieux arcs de triomphe..."qui attestaient la foi et le bon goût de la pieuse population de Guémené".

Bref, la teuf totale. Le bon évêque avance doucement, engoncé dans ses habits épiscopaux qui rutilent au soleil, la crosse à la main (je m'emballe peut-être un peu, là...). Quelques petites bénédictions par ci par là, lancées d'une main onctueuse et accompagnées d'un petit sourire bienveillant figé au milieu d'une petite face parcheminée toute rose...Des prêtres en soutane noire virevoltent autour du bon prélat comme des fourmis autour de leur reine...

Monseigneur (Antoine Jacquemet) fait une allocution où il souligne les efforts du peuple chrétien de Guémené pour son nouveau presbytère, et, mon Dieu, les efforts qu'il devra encore faire d'ailleurs...vu qu'il n'est pas encore construit...

On n'a pas tout bien entendu, mais on est content.

La fête se termine. Le curé Querrion et ses vicaires ne pendront, quant à eux, la crémaillère qu'en septembre 1865.

Ce nouveau presbytère, construit comme une maison de maître dans un style néo-gothique, passe pour le plus beau du diocèse. Les paroisses alentour l'admirent et l'envient (péché capital !). Les paroisses riches le prennent comme modèle...

Il y a bien l’évêché qui trouve l'ardoise un peu salée...(plus de 24 000 francs de l'époque : peut-être 75 000 euros) mais bon, c'est pas tous les jours fête...

Pour finir, je joins à ce petit récit édifiant quelques photos de mon cru prises au printemps dernier (maussade) : enjoy !









1 commentaire:

  1. Quant à moi, j'ai toujours lorgné avec envie sur cette maison si bien située, au bourg, écartée de la route et proche du Don ! Avant de savoir que c'était le presbytère, je penchais pour une maison de notable tel médecin ou notaire.
    Quid de la grande maison sur le côté gauche ?

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