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vendredi 26 décembre 2014

Marre pour la France


L'année qui s'achève aura été marquée par le début des célébrations du premier conflit mondial. Partout en France - et ailleurs - les municipalités ont entrepris diverses cérémonies, les écoles ont monté des commémorations pédagogiques. Guémené n'a pas été en reste, bien entendu.

A partir du moment où il s'agissait de rendre hommage aux victimes du conflit, on a bien souvent honoré la mémoire des soldats morts au combat, ceux dont le nom couvre les monuments aux morts.

Pour être complet et juste, il aurait fallu aussi dresser des monuments aux blessés, aux prisonniers, aux veuves et aux orphelins de guerre, tous ceux-là, aussi, qui furent dramatiquement touchés dans leur existence par cette absurde boucherie.

Il reste une catégorie peu représentée dont on parle maintenant un peu et qui laissèrent leur vie à cause de ce conflit, je veux parler des fusillés de la Grande Guerre.

Un bon millier d'hommes furent ainsi exécutés pendant le conflit. On en dénombre onze originaires de la Loire-Inférieure, autrement dit donc, notre Loire-Atlantique d'aujourd'hui.

On sait à peu près ce qu'il en est : des gars choisis arbitrairement, histoire de faire un exemple ou des types qui craquent, pourquoi celui-ci et pourquoi pas celui-là, ou encore des incidents montés en épingle par des gradés à cran ? Bref, si Guémené n'a compté aucun de ses administrés parmi cette catégorie de victimes, ce n'est que par hasard et il aurait tout aussi bien pu en être différemment.

Aussi, ai-je décidé d'évoquer deux cas impliquant à chaque fois un soldat issu de communes proches de Guémené, à savoir Nozay et Fégréac. Il est probable qu'on en ait entendu parler à Guémené, à l'époque.

Le premier cas auquel je me suis intéressé est celui du soldat Louis Marie Legendre. Il portait le même patronyme que ma mère et je me suis dit que ce devait être un lointain cousin (ce que je n'ai pu établir, cependant).

Le caporal Legendre, du 225e Régiment d'Infanterie, est traduit en Conseil de Guerre pour "voie de fait avec préméditation sur un supérieur", le sergent Bailleul.

L'action eut lieu le 31 août 1916 alors que la 13e Compagnie de ce régiment était rassemblée, à la veille de monter aux tranchées. Un sergent interpelle le caporal Legendre pour qu'il aille rejoindre une escouade sans gradé. Celui-ci lui réplique une phrase désinvolte. Le sergent Bailleul lui demande de faire l'appel, le caporal se contentant d'indiquer que tous les hommes sont présents. Un autre sergent s'en mêle et fait une remontrance au caporal qui lui répond. Jusque là, il ne s'agit que de phrases sans conséquences.

Aussitôt, le sergent Bailleul se dirige vers le caporal Legendre, lequel inopinément lui tire un coup de fusil dans la poitrine, sans épauler, l'arme posée sur le bras, et le blesse mortellement.

Lors de l'instruction, le caporal dira qu'il avait bu dans les trois jours précédents le drame, suite à l'annonce de la grave blessure de son frère ; qu'au moment des faits il pensait à sa mère malade et à sa femme qui allait accoucher d'un troisième enfant. Des témoins affirmeront l'avoir entendu dire que le sergent Bailleul lui cassait les pieds depuis le matin.




Joseph Bertin était caporal également. Au 64è Régiment d'Infanterie. Il était né le 25 septembre à Nozay au village de Beaujouet. Enfant de gens de la terre, il était domestique de ferme dans son pays natal quand la guerre le surprit.

Petit comme toute sa génération (1 m 64), il avait les cheveux châtain foncé, le front fuyant, les yeux gris, un visage ovale et des lèvres épaisses. Son nez, certes rectiligne de profil, se tordait cependant vers la droite.

Dans la nuit du 26 au 27 mai 1916, il se trouve avec ses camarades près de Chalon-en-Champagne, à Fagnières. Ils doivent entreprendre une marche de dix à quinze kilomètres vers Saint-Hilaire-au-Temple, pour y prendre le train qui les conduira vers Verdun où, depuis février 1916 et pendant encore plus de six mois, plus de sept cent mille soldats français ou allemands vont périr.

La marche se déroule mal. La colonne n'avance pas, des coups de feux sont tirés par ci par là. Les officiers et sous-officiers rappliquent et se font rabrouer. Le spectre de Verdun fait fuser parmi la troupe la rancœur envers ces blancs-becs.

A l'arrivée, un appel est fait et le caporal manque car il s'est attardé à quelques centaines de mètres en arrière.

Au total, les gradés traduisent en Conseil de Guerre quelques sujets mal notés qu'ils ont repérés depuis un moment, et le caporal Bertin : refus de marcher sous les armes, en bande. Bref une révolte, un complot fomenté par cinq soldats et un caporal. 

La hiérarchie en rajoute sur les insultes reçues, l'insubordination, etc...

Le Conseil de Guerre reconnaît comme coupables les six pauvres types. Deux, Jean Trique et Joseph Picaud sont exonérés du chef d'instigateurs et sont condamnés à dix ans de "travaux publics" qu'ils effectueront à Douera près d'Alger, dans un pénitencier militaire du genre Biribi. L'un mourra à Angers en août 1923, après avoir été gracié en 1920, sans doute mal remis de ses quatre ans et demi de bagne. L'autre décédera à l'hôpital militaire Maillot d'Alger en 1917, "d'entérite dysentériforme et cachexie".

Les quatre autres "comploteurs" furent passés par les armes, car reconnus coupables de tout et surtout d'instigation. 

Pour Joseph Bertin, une circonstance aggravante fut son grade de caporal acquis par sa bonne conduite militaire passée.



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