samedi 1 septembre 2012
Rentrée littéraire guémenoise
C'est à nouveau A.P., mon guide avisé pour ce qui a trait à Guémené et comporte de l'intérêt, qui a attiré mon attention sur deux écrivains contemporains de Guémené : Léandre Cochetel (fils) et sa soeur, Michelle Delpérier.
Je n'ai rien lu encore du premier, mais je viens d'achever la lecture d'un roman de cette dernière : "Les enfants crucifiés".
Cet ouvrage date de 1959. Un autre, "Le Dieu de jaspe et de sardoine" suivra de peu. Depuis ou avant, apparemment rien.
L'auteure est la fille de l'ancien sabotier du coin de la rue de l’Épée et de la rue de l'Église, à Guémené.
Elle y raconte, sous couvert de l'histoire de la petite Laure, enfant de sept ans affligée de claudication, son expérience dans un hôpital sanatorium où elle est venue faire soigner, avant guerre, son infirmité.
C'est un récit où l'espoir n'a pas de place, noir, qui a pour cadre un lieu de décomposition physique et morale.
L'établissement hospitalier se trouve bien loin de Guémené dont, au demeurant, il n'est jamais question dans le roman : il faut prendre le car (peut-être même le train au préalable) et une vedette maritime pour enfin gagner l'île où il se situe. Une véritable déportation.
La salle commune, des bonnes-soeurs aigres et brusques ; des médecins tristes et gâteux ; une pitance pitoyable ; l'ennui et la douleur ; le temps infini à attendre la première opération, à attendre encore, les longues heures cloué au lit ; les appareillages barbares, l'indifférence, la solitude, la rancoeur. On n'est pas loin d'un camp.
Dans cet univers, même les bonnes choses tournent mal : rares visites pathétiques de parents comme égarés, fête annuelle foireuse, échanges de lit à lit entre malades gâtés par la haine. Une plante verte s'asphyxie.
La maladie s'y expose dans toute son horreur rehaussée de ce qu'elle concerne de pauvres petites filles à l'abandon : membre paralysés, escarres, abcès...La mort rôde et frappe.
A la violence psychologique s'ajoute parfois la violence physique. Et réciproquement.
Dans cette descente aux enfers longue de plusieurs mois, émergent la figure de Soeur Marie-Angélique, dragon imprévisible au destin contrarié qui veille sur cette cour des malheurs, et celle de Jocelyne, voisine condamnée, à qui la haine de Laure tient lieu de passe-temps.
Un jour en effet Laure, en tentant de faire passer un carnet par-dessus sa voisine, manque son lancer : le carnet heurte la hanche de Jocelyne sous la couverture. Sans qu'on sache si vraiment il y a un lien de cause à effet, un abcès, un de plus, se déclare peu après. La maladie de Jocelyne empire donc : elle n'est pas sur le chemin de la guérison.
Elle le comprend, on lui fait comprendre. Elle accuse Laure de l'avoir tuée mais diffère de la dénoncer à la terrible Soeur Marie-Angélique. Pendant un an, elle le lui reprochera, la tourmentera sans rien révéler, ajoutant à la souffrance physique et à l'abandon de Laure, une pression, une souffrance morale supplémentaires.
Si vous aviez l'occasion de lire cet ouvrage introuvable, je ne vous dirais pas quel fut le comportement de Soeur Marie-Angélique à la dénonciation finale de Laure par Jocelyne.
Bien entendu, on s'attend à ce qu'elle gourmande avec emportement la pauvre Laure qui se prépare à la sentence, à l'agonie sur une chaise au fond de la salle commune. Rien de tout ça : de manière déroutante, la bonne-soeur reproche à Jocelyne de perdre son temps en mauvaises pensées et intentions alors qu'elle ferait mieux de songer à son salut. Cruauté absolue, inadvertance, désolation...
Au total, d'un style agréable, le livre est loin d'être mauvais.
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Bonjour,
RépondreSupprimertombant par hasard sur ce blog, j'apprend que ma tante Michèle est l'auteur de ce roman qui me semble très inspiré de sa propre expérience, elle boitait depuis son enfance en effet. Elle est décédée l'an dernier, mais j'aimerais offrir à ma mère Marcelle, sa soeur, ce roman dont je pense elle ignore l'existence. Sauriez-vous où je pourrais me le procurer ? merci.
je l'ai finalement trouvé et commandé.
RépondreSupprimerLivre émouvant que j'ai aussi découvert, il y a peu. Je suis un des neveux de son auteure... A titre de précisions, le lieu où est soignée la petite fille est le Centre de Pen Bron en Loire Atlantique, à la Turballe, à l'extrêmité de la longue plage de 5 km qui part du Port de la Turballe et va jusqu'à l'entrée du Traict du Croisic. C'est du Croisic que la mère de la petite fille l'accompagne en prenant le bateau, la vedette pour traverser. A Pen Bron, on est sur une presqu'île, face à l'Océan d'un côté et face aux marais salants de Guérande, de l'autre... La Pointe de Pen Bron fait face à la Presqu'île du Croisic. C'est aussi un lieu de mémoire, parfois douloureuse.
RépondreSupprimerJe vous remercie vivement de vos commentaires, de vos encouragements à la lecture de l'ouvrage de Léandre Cochetel et des précisions concernant les localisations du livre de Michèle Delpérier.Je ne sais si je l'ai bien exprimé dans mon post, mais l'ouvrage de votre tante m'a beaucoup touché et j'y repense souvent. Il mériterait certainement une réédition. Dans le fond, chacun dans son rôle, parent, médecin, religieuse, fait souffrir en voulant faire le bien. Au bout de tout, reste la souffrance : message très pessimiste.
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